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Gaspillage alimentaire: comment y mettre un terme?

Gaspillage alimentaire: comment y mettre un terme?

Vous balancez vos épluchures, vos trognons de pommes et vos coquilles d’œufs au compost? C’est un bon début. Toutefois, 480 000 tonnes de restes de nourriture sont encore jetées avec les ordures ménagères et donc incinérées sans aucune valorisation.

© Getty

Retirez au bancomat 8 coupures de 100 francs, puis dirigez-vous vers la poubelle la plus proche et jetez-y vos billets. Absurde? Pourtant, c’est peu ou prou ce que la plupart d’entre nous faisons avec la nourriture. Ce n’est pas reluisant, mais la Suisse figure parmi les plus mauvais élèves en matière de gaspillage alimentaire, un véritable fléau pour l’environnement, pour les ressources naturelles et pour nos porte-monnaie, donc.

Pour faire court, chaque année, notre pays produit 2,6 millions de tonnes de déchets alimentaires. Soit 190 kilos d’aliments parfaitement comestibles par personne qui sont perdus, ce qui représente de 500 à 1000 francs par ménage et par an, donc. C’est mieux que ce qui se fait en Amérique du Nord, mais clairement au-dessus de la moyenne européenne de 173 kilos. «Différentes méthodes d’enquête et d’estimation sont utilisées en Europe, de sorte qu’une comparaison simple entre les pays ne peut pas être faite», tient toutefois à préciser Loïc Schwab, porte-parole de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), qui gère cet immense et épineux dossier.

La règle est simple, voire simpliste: plus un pays est riche, plus ses habitants produisent de déchets. Au sein de l’Union européenne, la Grèce, la Slovénie ou la Roumanie figurent ainsi parmi les meilleurs éléments dans le domaine.

Rendez-vous en 2030

Le pire dans tout ça? Selon les études de l’OFEV, les deux tiers de ce gaspillage seraient évitables, à condition que tous les partenaires, des pouvoirs publics aux consommateurs en passant par la grande distribution et l’agriculture, y mettent du leur. Toutefois, c’est – hélas – une évidence, les ménages produisent la plus grande partie des déchets alimentaires (39%), suivis par l’agroalimentaire (37%), la restauration (11%) et l’agriculture (9%). Le commerce de détail clôt ce classement avec un petit 4% obtenu, il est vrai, en déplaçant le problème en amont (exigence auprès des maraîchers de calibrer les fruits et légumes, par exemple) et en aval (en vendant, parfois à prix discount, des produits qui se rapprochent de la date limite, un exemple parmi d’autres).

Donc oui, «les consommateurs peuvent faire beaucoup pour diminuer le gaspillage alimentaire», poursuit Loïc Schwab.

Déjà, une bonne nouvelle: le Conseil national a chargé en mars dernier le Conseil fédéral d’élaborer un plan d’action contre le gaspillage alimentaire. Ce dernier fera l’objet d’une évaluation, «vraisemblablement en 2024», selon l’OFEV. Par ailleurs, notre pays, comme 190 autres États membres, a signé l’agenda 2030 de développement durable des Nations Unies. Parmi nos engagements: réduire de moitié notre gaspillage alimentaire d’ici 2030, autant dire demain. Les signataires peuvent donc déjà commencer à prendre des mesures si nous voulons avoir une chance d’atteindre cet objectif.

Légumes moches et patates égyptiennes

«Évidemment, le consommateur n’est pas seul responsable, loin de là», affirme Leïla Rölli, fondatrice du site d’information Envertetcontretoutet chroniqueuse engagée (on lui doit l’initiative de la lutte contre les pailles ou les ballons en plastique en Romandie). «La grande distribution a un gros travail à faire, relève-t-elle, que ce soit au niveau des dates limites de consommation, du calibrage exigé des fruits et légumes, ou de la vente de produits venus de l’autre bout du monde alors que l’équivalent existe chez nous, comme ces pommes de terre qui viennent d’Égypte!»

Pour Leïla Rölli, la solution immédiate passe par un réapprentissage complet de nos habitudes. Au moment de faire ses courses, mais aussi en cuisine, comme au restaurant. Par exemple?

«En s’inscrivant à un des nombreux paniers d’agriculteurs, qui contiennent des légumes pas conventionnels, ces fameux légumes moches que la grande distribution n’aime pas, on aide à lutter contre le gaspillage.»

Toutefois, s’approvisionner ainsi ne coûte-t-il pas plus cher au final? «Je vous assure que, depuis que je prends garde à la provenance de mes produits, mon budget nourriture a baissé. Alors oui, je cuisine plus de trucs moi-même et manger des produits de saison en plein hiver, c’est moins drôle, mais ça pousse aussi à la créativité!»

Le compost, ce pis-aller

Les gestes à adopter pour réduire ses déchets alimentaires sont légion et très faciles à implémenter, mais «dans ce domaine comme dans d’autres, chacun pense que c’est un sujet important et qu’il a tout juste, alors qu’on pourrait tous faire mieux, moi comprise», insiste Barbara Pfenniger, spécialiste alimentation au sein de la FRC, la Fédération romande des consommateurs.

Vous balancez vos épluchures, vos trognons de pommes et vos coquilles d’œufs au compost? C’est un bon début. Aujourd’hui, plus d’un tiers des déchets alimentaires que nous produisons finissent au compost, ce pis-aller. Toutefois, 480 000 tonnes de restes de nourriture sont encore jetées avec les ordures ménagères et donc incinérées sans aucune valorisation. Dans son dernier rapport sur le sujet, sorti fin avril, l’OFEV précise: «La population n’a pas conscience de ces déchets et la valeur attribuée à la nourriture est faible. Par ailleurs, les connaissances sur la manière de conserver et de stocker les aliments manquent, comme les idées pour utiliser les restes.»

Cap au Danemark

Et pourquoi ne pas se tourner vers des voisins européens, qui nous ressemblent un peu et qui ont commencé à prendre le taureau par les cornes? Au Danemark – 5,8 millions d’habitants et un PIB qui ressemble au nôtre –, le gaspillage alimentaire a baissé de 25% en cinq ans seulement.

Ce joli score s’explique par l’intérêt croissant des Danois pour la protection de l’environnement, par des initiatives publiques et… le travail d’une jeune femme d’origine russe, Selina Juul. Celle qui a connu des périodes de disette dans sa Russie natale est sidérée par le gaspillage de nourriture des Danois. «En 2008, j’ai créé un groupe Facebook, Stop Wasting Food. Quelques semaines plus tard, on a commencé à parler de moi et de mon mouvement dans les médias.» Une interview sur la BBC finit de la propulser égérie d’un mouvement qui n’a cessé depuis de prendre de l’ampleur. Une première chaîne de supermarchés la contacte pour changer ses habitudes et c’est l’effet boule de neige. La voilà à prêcher la bonne parole au Parlement danois, au congrès de la FAO, l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation, et lors de conférences Ted.

«Mon idée, dès le départ, a été de m’adresser aux consommateurs avec une approche positive, car nous faisons tous partie de la solution», insiste la jeune femme, qui avoue recevoir aujourd’hui plusieurs dizaines de sollicitations d’interviews par semaine. «Je ne critique personne, j’essaie de donner des outils pour faire mieux chez soi, en disant notamment qu’on peut économiser jusqu’à 900 euros par an [env. 1000 fr.] en luttant contre le gaspillage alimentaire!»

«Ce qui est bon pour la planète vous fait aussi gagner du temps – car vous faites moins d’allers-retours au magasin – et de l’argent, c’est du gagnant-gagnant-gagnant!»

En Suisse aussi, des initiatives ont vu le jour. L’application Too Good to go permettant d’acheter à prix cassés des produits frais en fin de journée, surfe désormais sur la vague du succès en Romandie, tandis qu’Ass-bär, qui propose à prix discount des produits de boulangerie de la veille, s’apprête à ouvrir à Lausanne après avoir investi Fribourg et Bienne. On citera encore la brasserie Damn Good Bread Beer, à Weinfelden (TG), qui utilise du pain sec pour fabriquer sa bière, la petite équipe de Frütile, qui mitonne des compotes et des confitures avec des fruits invendus, ou encore Ugly Fruits, qui propose des paniers de fruits et légumes bio moches.

Pour l’icône danoise de la lutte contre le gaspillage alimentaire, les signes sont là, la Suisse a commencé à prendre la bonne direction et «bientôt je l’espère, ce sera autant la folie qu’ici au Danemark!» Rendez-vous en 2030.

10 conseils pour réduire ses déchets alimentaires

1. Penser à dresser une liste avant de faire ses courses, histoire d’acheter uniquement ce dont on a besoin. Selina Juul conseille carrément d’ouvrir la porte de son frigo et de prendre une photo avant de se diriger vers le supermarché ou l’épicerie.

2. Ne faire ses courses que l’estomac plein. «Ça peut paraître anecdotique, mais on fait surtout des achats spontanés, lorsqu’on a faim», avertit Barbara Pfenniger, de la FRC.

3. Bien réfléchir avant de choisir des actions, surtout des multipacks, et plus encore lorsqu’il s’agit de produits frais, qui risquent de terminer à la poubelle.

4. C’est tout bête, mais préparer les bonnes quantités s’apprend. Certains ont un appétit d’oiseau, les enfants mangeront moins que les adultes, on fera moins de pâtes si l’apéritif a été costaud, etc. Les repas de fête, et leurs portions très souvent exagérées, constituent un piège encore plus vicieux.

5. Il y a malgré tout des restes? On les met tout de suite de côté, au réfrigérateur, et on n’oublie pas de les réutiliser! Pour nous aider, on peut faire appel aux pros, comme la chroniqueuse culinaire Annick Jeanmairet, qui a écrit «Sans chichi sans gaspi» (Ed. Favre).

6. Peut-être la plus importante des règles: on apprend à lire les dates limite. Pour la viande fraîche et le poisson, on ne va pas au-delà. Pour tout le reste, on considère cette fameuse indication comme une date de durabilité minimale. En gros, «à consommer de préférence avant le…» ne veut pas dire «immangeable après le…». «Nous avons eu le cas d’une consommatrice qui a ouvert un yogourt un an après la date limite et il était totalement comestible», évoque Barbara Pfenniger. Si l’exemple est extrême, il n’y a typiquement aucun souci à se faire pour le sucre, le sel, la farine, etc., pourvu que le produit soit entreposé dans les règles de l’art, à l’abri de la lumière et de l’humidité.

7. On utilise ses sens! Il suffit de regarder et de renifler un produit, même dépassé de date, pour s’assurer de son état de conservation.

8. Stocker ses fruits et légumes est tout un art. Les exotiques ne vont pas au frigo, car ils mûriraient trop vite, et les pommes doivent être stockées à part, car elles dégagent des gaz de maturation qui peuvent abîmer leurs voisins.

9. Selina Juul conseille de faire une fois par semaine un empty your fridge day (une journée vide ton frigo) et, une fois tous les deux ou trois mois, un empty your freezer day (une journée vide ton congélateur). On sort tout ce qu’on a et on cuisine quelque chose avec, sans faire d’achats. La solution idéale pour le dimanche.

10. Au restaurant, le plat n’est pas terminé? On n’hésite pas à demander un doggy bag au serveur pour emporter ses restes. Et on n’oubliera pas de les manger par la suite…

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