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Pour que cesse le travail au noir, et que le nettoyage à domicile devienne une affaire de confiance et de respect mutuels. Regards croisés de celles qui ont choisi d’y travailler, ou d’en profiter.

Elles portent l’emblème de leur fierté en bandoulière, tel un blason imprimé sur leur sacoche bleu et orange: la balayette et la ramassoire, comme on arborait jadis la faucille et le marteau. Ces femmes de ménage, que l’on peut parfois croiser dans le bus à Lausanne, Genève, Fribourg ou Monthey, font partie de l’agence Putzfrau qui s’installe et se développe avec succès en Suisse romande depuis janvier 2011. Cette entreprise, présente sur internet (www.putzfrau.ch ou www.la-femme-de-ménage.ch), propose aux particuliers des femmes de ménage professionnelles, dignes de confiance, et surtout, travaillant dans la transparence et la légalité. Une manière de répondre à une forte demande qui ira encore croissante, notamment sur l’arc lémanique où 100 000 foyers délèguent leur ménage, et une façon de lutter contre le travail au noir, puisque 80% de ces femmes de ménage ne sont pas déclarées.

L’idée est née à Zurich il y a dix ans entre des amis qui se cherchaient des femmes de ménage. Pour eux, c’était clair: leurs employées devaient être déclarées, avoir droit, elles aussi, à toutes leurs cotisations sociales payées (AVS, AI, APG, assurance chômage, etc.) et travailler dans d’excellentes conditions avec du matériel écologique et performant. A la clé: un nettoyage impeccable, des heures payées rentabilisées des deux côtés, une éthique de vie respectée et des partenaires de travail heureux.

Dix ans plus tard, en 2012, l’entreprise est présente dans 23 cantons sur 26. En Suisse romande, moins d’un an et demi après son lancement successif dans les cantons de Vaud, Genève, Fribourg et Valais (Neuchâtel cette année, Jura suivra), plus de 200 ménages sont clients de Putzfrau (15 nouveaux clients nets chaque mois), et 80 femmes de ménage, sélectionnées de façon drastique, ont déjà été engagées. Chaque mois, plus de 100 CV arrivent à «L’agence des femmes de ménage». Qui, comme une agence de mannequins d’élite ou de détectives chevronnés, travaille dans les règles de l’art. C’est-à-dire, dans le jargon maniaco-helvétique, de façon «propre en ordre».

Savoir-faire valorisé

Ces «Drôles de dames» (Ana, Martine, Cecilia, entre autres, lire leurs témoignages) n’ont pas «Charlie» à leur tête, mais un autre charmant patron qu’elles appellent par le prénom, égalité de traitement oblige. Marc Espirito, 48 ans, faisait partie de la bande d’amis zurichois cherchant employées tip top. On le rencontre au Mövenpick à Lausanne-Ouchy, où il honore un copieux petit déjeuner. Polo Ralph Lauren manches longues, belle montre sport et courtoisie affable. Diplômé d’HEC Saint-Gall, huit ans dans la finance, dix ans dans le conseil et la stratégie d’entreprises, aux manettes aujourd’hui de sa propre société de services, de transactions et restructurations pour les PME, à côté de son pilotage de Putzfrau en Suisse romande, l’homme n’a rien d’un gauchiste engagé dans l’humanitaire. «Nous ne faisons pas du bénévolat. Nous facturons 39 francs l’heure de ménage à domicile, sous contrat résiliable à 14 jours. Nos femmes de ménage nous coûtent 35 francs, notre bénéfice est de 4 francs. Mais nous travaillons dans le respect de nos employées. Ma fierté, c’est que ces femmes sortent de l’ombre pour être mises dans la lumière.»

On a déjà comparé l’agence à Elite Top Models, le recrutement et la formation s’apparentent plutôt à la Légion Etrangère. Version soft plumeau, tout de même. Les conditions d’engagement sont «restrictives ». Marc Espirito: «Je veux des personnes parlant français, responsables, sachant travailler de manière autonome et disciplinée, avec beaucoup d’auto contrôle. Ici, pas de gouvernante comme dans un hôtel.» Sur le modèle alémanique, les employées ont droit, si elles le souhaitent, à la «Putzfrau Académie»: quatre stages à choix, quatre samedis matin dans l’année, à la «Maison romande de la Propreté», à Crissier (VD).Un lieu qui forme les employées des sociétés de nettoyage. Cours à option: sols et surface, vitres et fenêtres, salles d’eau, cuisine. Le nettoyage est une science, les dames Putzfrau en ont le savoir et en sont fières.

«Ça les motive, les valorise, assure le patron. Et à chaque nouveau certificat, leur salaire augmente.» Avec ces supernanas, on est censé ne plus risquer l’incendie (le fer à repasser resté allumé), le vol (les fenêtres oubliées grandes ouvertes au rez-de-chaussée), le mensonge (je n’ai rien cassé), les absences répétées (mon fils est malade) ou les poursuites pénales (casier judiciaire à vie pour emploi non déclaré, violation de la loi fédérale contre le travail au noir).

Employées de tous horizons

Mais qui sont-elles? Elles n’ont pas le même profil que les dames qui nettoient les banques, les hôtels ou les supermarchés, et qui s’y rendent tôt le matin ou tard le soir. Les Putzfrau bossent pendant les heures de bureau, de 8 h à 17 h 59 – article 17 du contrat – ce qui leur permet de concilier travail et vie de famille ou de couple. «Dans la grande majorité, elles ont une quarantaine d’années et souhaitent reprendre une activité professionnelle maintenant que leurs enfants sont grands.»Mais elles veulent conserver l’autonomie et la gestion de leur agenda, rester leur propre chef comme elles l’ont été pendant des années, à la maison. «Il y a aussi des dames dans la cinquantaine qui ne trouvent plus de travail, et qui se tournent vers nous pour ne pas être vendeuse, poursuit Marc Espirito. Enfin, de formidables dames de 60 ans avec un bon physique.» Contre toute attente, elles ne sont pas toutes Portugaises, Kosovars ou Philippines. 40% sont Suisses, 40% au bénéfice d’un permis C et 20% d’un permis B. Et ces Suissesses-là, mères de famille ou pas, élevant seules leurs enfants ou pas, ont fait le choix, libre et réfléchi, de ce vrai métier.

Elles ont des devoirs bien sûr, mais Putzfrau leur accorde également de nombreux droits, ce qui est très novateur et progressiste en la matière: ce sont elles qui choisissent leur périmètre de travail, leurs horaires, les tâches qu’elles ont envie ou pas de faire, voire même les clients avec lesquels elles souhaitent collaborer. L’entreprise a été saluée en décembre dernier par la Commission Fédérale contre le Racisme, dans son bulletin d’information: «(Putzfrau) est prêt à casser un contrat si nécessaire.» Qu’on se rassure, la transparence fait plutôt des heureux. Les témoignages recueillis ici parlent de billets «doux», d’amitié naissante, de gratitude. Jamais de coups de torchon.

Les avantages de ce système de services

Pour la cliente

  • Une employée qualifiée et digne de confiance.
  • Estimation du nombre d’heures avant signature du contrat.
  • 39 francs de l’heure: comprend toutes les cotisations sociales, les assurances, les autorisations, la gestion, les trajets aller-retour…
  • Soins portés au mobilier, aux biens, et vérification (lumières, fenêtres, électricité…) avant de quitter les lieux. Assurance RC d’entreprise jusqu’à 5 millions de francs en cas de sinistre.
  • Facture mensuelle avec relevé des heures, décompte des prestations…
  • Vacances annoncées un mois avant, possibilité d’une remplaçante.
  • Dialogue ou médiation, si besoin, avec une conseillère attitrée.
  • Possibilité de nettoyages spéciaux sur demande: lessive, repassage, shampouinage des tapis…

Pour la femme de ménage

  • Travail déclaré avec toutes les assurances sociales payées.
  • Assurance-accidents et assurance RC d’entreprise.
  • Libre choix du lieu de travail et des horaires (flexibilité pour gérer responsabilités familiales, horaires d’école).
  • Cahier des charges fixé en début de mandat devant cliente et conseillère (évite malentendus ou abus). Idem pour échange des clés (consignées par écrit avec signatures).
  • Protection de l’entreprise (dialogue, médiation) en cas de besoin.
  • Formation continue avec certificat et hausse de salaire.

Les autres options pour être réglo

Engager une femme de ménage, c’est devenir employeur. Avec l’obligation de la déclarer dès la première heure. Deux possibilités pour respecter la loi:

1) Le chèque-emploi. Disponibles dans les cantons romands lorsqu’on emploie une personne à domicile (valable aussi pour nounou ou jardinier), jusqu’à 1550 francs net de salaire mensuel (au-delà, voir point 2). Le chèque emploi, que l’on donne à sa femme de ménage avec sa paye, couvre toutes les cotisations sociales. On le paye à l’avance à l’organisme qui les délivre (l’EPER, entraide protestante, pour Vaud par exemple).On n’a pas à fournir l’identité de sa femme de ménage. Une employée sans permis de travail (illégale) peut toucher le chèque-emploi, mais risque une dénonciation par l’AVS.
Toutes les infos sur www.cheques-emploi.ch

2) La déclarer soi-même. Parcours du combattant. Pour les tenaces, aller sur le site du SECO (Secrétariat d’Etat à l’Economie, Berne). Sous onglet «thèmes», aller sous «travail» puis «travail au noir».Sous «employeur dont lamasse salariale est modeste», suivre «Marche à suivre pas à pas» (12 étapes administratives), avec exemple concret de calcul et aide de tableaux Excel. Merci la Confédération.
www.seco.admin.ch

Francesca Palazzi
1 / 2© DR
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