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Endométriose, vers la fin d’un tabou

Endometriose vers la fin tabou

«Il faut reconnaître que l'endométriose n'a pas reçu beaucoup d'attention de la recherche médicale, à part celle de la chirurgie», confie Nicola Pluchino, médecin adjoint et responsable du Centre d’endométriose aux HUG.

© ISTOCK / GETTY IMAGES PLUS / VVMICH

FEMINA Quelles sont les origines de cette maladie?
Nicola Pluchino On la définit par la présence d'une muqueuse, semblable à l'endomètre, qui se trouve délocalisée à l'extérieur de l'utérus. Dans certains cas, elle est même logée dans la paroi de cet organe, une pathologie qu'on appelle alors adénomyose.

Le problème de cette délocalisation de l'endomètre est qu'il entraîne un processus inflammatoire de façon chronique, car il est sensible aux hormones, notamment aux œstrogènes. On voit en effet que certains produits messagers typiques de l'inflammation stimulent les terminaisons nerveuses et génèrent souvent des douleurs.

Qu'est-ce qui provoque cette incursion de l'endomètre dans des zones où il n'est pas censé être?
L'origine exacte reste mal connue. Il y a probablement un mélange de facteurs, dont une modification immunitaire, ou alors des lambeaux du tissu migrent très tôt puis se développent au moment de la puberté. On sait en tout cas que la maladie est activée par les œstrogènes. Elle devient donc moins embêtante avec l'arrivée de la ménopause.

Mais cette hyper-réactivité aux œstrogènes, qui est la clef de lecture du phénomène, fait aussi que plus l'organisme est réactif, plus la pathologie est douloureuse. Les manifestations de l'endométriose demeurent très hétérogènes dans la forme, elles diffèrent d'une patiente à une autre.

Comment impacte-t-elle au quotidien les patientes?
Le spectre est assez large. Certaines sont presque impactées de manière nulle, d'autres subissent des effets négatifs passagers ou permanents. La douleur reste la problématique majeure. La phase de règles peut générer des souffrances importantes, avec l'impossibilité d'aller au travail. Les relations sexuelles peuvent également être synonymes de douleurs.

On voit aussi parfois des répercussions au-delà des phases de règles. La maladie entraîne une infertilité dans certaines situations. Cela touche donc fortement leur sphère intime, ainsi que leurs projets et leur qualité de vie.

C'est particulièrement notable vers 18 ou 20 ans, quand la jeune femme voit sa vie intime se développer. La sexualité est alors associée à une expérience douloureuse et peut amener des troubles du désir, susceptibles de créer des difficultés au sein du couple et pour concevoir. Le développement de la maladie demeure en outre complexe à prédire, puisque la symptomatologie peut évoluer dans le bon comme dans le mauvais sens.

Sait-on aujourd'hui aider ces femmes?
Oui, il existe des traitements médicaux et chirurgicaux efficaces chez une grande partie des patientes. La fécondation in vitro (FIV), quant à elle, ne permet de contourner que partiellement certaines difficultés rencontrées pour la grossesse. Malheureusement, un certaine proportion de ces femmes vivent toujours des symptômes dérangeants malgré ces traitements, avec des douleurs chroniques. En tant que médecin, c'est une véritable frustration de ne pouvoir les aider.

Quels sont ces traitements dont vous parlez?
La pilule contraceptive est le premier médicament utilisé. On utilise ses effets hormonaux, à la base destinés à avoir une action contraceptive, pour limiter, justement, cette stimulation hormonale responsable des douleurs. C'est un traitement simple et peu coûteux, mais le revers de la médaille est que cette pilule devient un non-sens chez une patiente qui n'arrive pas à procréer à cause de l'endométriose. Sans parler des effets secondaires possibles.

La chirurgie est plus complexe et doit être bien faite. On recommande ainsi fortement qu'elle soit réalisée par du personnel spécialiste de ces problématiques et avec des technologies adaptées, dans un centre de soins certifié par la ligue européenne de l'endométriose, comme à Genève, Berne ou Zurich. Car dans certains cas, l'intervention peut endommager les ovaires si elle n'est pas menée au laser, exposant à des risques de réduire la fertilité de la patiente.

Les patientes peuvent-elles être remboursées par leur assurance-maladie?
Les assurances prennent en charge les soins chirurgicaux et médicaux, mais pas les contraceptifs oraux, qui sont pourtant utilisés ici comme médicaments, ni la fécondation in vitro décidée à cause d'une endométriose. L'AI, pour sa part, dans les cas de grands handicaps au quotidien, entre en matière si besoin, même si cela est toujours une grande bataille pour ces femmes de l'obtenir.

La société a-t-elle suffisamment intégré la réalité de cette pathologie, qui est une maladie féminine, donc parfois victime de stéréotypes sexistes?
Il est vrai qu'elle peut encore être mal comprise par ses collègues, ses managers, ses amis... Ce n'est pas une maladie mortelle, donc le risque est qu'elle soit relativisée, d'autre part elle ne touche que les femmes, souvent au moment des règles, où il y a encore beaucoup de tabous.

Cela rend la communication compliquée et augmente les difficultés rencontrées pour gérer cette pathologie. Il faut reconnaître que l'endométriose n'a pas reçu beaucoup d'attention de la recherche médicale, à part celle de la chirurgie.

On a vu arriver des tests censés diagnostiquer l'endométriose. Est-ce une vraie avancée?
C'est en effet une bonne nouvelle, surtout pour les situations où la maladie n'est pas visible à l'imagerie. Ces tests ne sont pas invasifs et sont un outil supplémentaire, notamment pour les diagnostics précoces.

A connaître: S-Endo, l'association suisse pour l'accompagnement des femmes touchées par l'endométriose, s-endo.ch

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