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reportage

Elles vivent au camping: 5 retraitées nous accueillent chez elles

Reportage 5 retraitees nous ouvrent les portes de leur camping car

Comme Huguette dans son coquet mobile home entouré d'un jardinet verdoyant, de nombreuses femmes choisissent de vivre à l'année au camping une fois la retraite venue.

© DOUGADOS MAGALI

Au moment de nous vanter le microclimat du coin, un orage s’abat sur le toit du mobile home d’Elisabeth Sudan, qui nous reçoit autour d’un café. «D’habitude, les nuages tournent autour du camping des Joncs, ce lieu est un pique soleil!» raconte la septuagénaire au sourire malicieux. Si, le jour de notre visite, le ciel est noir et menaçant, quelques jours auparavant c’était la canicule, et l’intérieur du mobile home avait tout d’un four. Petit, l’espace est cosy et les couleurs de la déco sont chaleureuses. Un poêle à bois est installé entre la kitchenette et le salon.

«J’aime me faire un petit feu en hiver lorsque je rentre de balade. Je m’installe sur mon canapé avec un livre et un bon thé fumant. Que demander de plus?» sourit la rayonnante retraitée dans sa robe rouge virevoltante.

Son esprit bohème réchauffe le climat du jour et sa personnalité solaire fédère. Autour d’elle, Elisabeth a réuni quatre femmes qui, comme elle, ont fait le choix de venir vivre à l’année au camping.

Au camping des Joncs, près d'Avenches, une centaine de résidents sont installés à l'année
© DOUGADOS MAGALI

La mine de la vie au grand air

Elles viennent de cantons différents, mais c’est dans ce coin de pays de seize hectares qu’elles ont élu leurs domiciles fixes, chacune avec ses histoires et ses choix. Situé à un jet de tongs du lac de Morat, entre Avenches et Salavaux, le camping des Joncs est un des seuls qui autorise la résidence à l’année.

«C’est un petit paradis, mais ce n’est pas Camping Paradis! souligne Nelly Jobin. On ne passe pas nos journées à boire des cafés les unes chez les autres, ni nos soirées à faire des apéros.»

Sur les quatre cents places réservées aux mobile homes, une centaine est occupée par des résidents à l’année, principalement des femmes. Elisabeth, Francine, Huguette, Nadia et Nelly y sont inscrites en résidence principale (ndlr: statut officiel de ménage administratif). Une possibilité de déposer ainsi ses papiers au camping que n’offre d’ailleurs plus la Commune d’Avenches depuis mai 2019.

Les cinq retraitées ont la mine radieuse de celles qui vivent au grand air. Vélo, jardinage, natation dans la piscine du camping, balade avec leurs chiens: elles passent une bonne partie de leur vie hors de leur quarantaine de m2. Ce sont elles – parfois avec leurs époux – qui ont décidé des plans de leurs espaces respectifs, du nombre de chambres à l’aménagement de la cuisine ou de la taille de la salle de bains. Tout le confort y est, à taille réduite.

«On n’a pas besoin de plus et on apprend à vivre avec ce qui est nécessaire!» s’exclament en chœur les cinq amies, qui reconnaissent que beaucoup d’a priori persistent en Suisse sur la vie au camping.

«On m’a un jour demandé comment je faisais pour aller aux toilettes, s’amuse Nelly, j’ai répondu: comme vous, je tire la chasse d’eau!» Éclat de rire général et fin de l’orage.

© DOUGADOS MAGALI

Solidarité et décroissance

Entre les cinq femmes, l’ambiance est résolument solidaire. «Nous ne passons pas tout notre temps ensemble, bien au contraire, mais nous veillons les unes sur les autres. Si on ne se croise pas, au bout de quelques jours on va s’inquiéter pour sa voisine», raconte Francine Calame. Une solidarité qui s’est renforcée durant le temps de la pandémie de Covid, puisqu’elles ont pu continuer à se parler à distance par-dessus les haies de leurs jardinets.

«On a pu avoir bien plus de contacts que si on avait été dans un immeuble avec des voisins qui ne font que se croiser sans se connaître.»

Pareil lorsque l’une ou l’autre perd son conjoint, comme c’est le cas pour deux d’entre elles. «Savoir que l’on peut compter sur ce soutien, c’est précieux», confie doucement Huguette Brunetti, qui n’a qu’une hâte, aller nous montrer son jardin qu’elle chouchoute au quotidien, alors qu’un rayon de soleil perce.

Avant de se lever pour partir en visite accompagnée avec la joyeuse bande, une question pourtant essentielle a été reléguée en fin de liste au fur et à mesure de la discussion devant l’enthousiasme collectif: ont-elles aussi fait ce choix de vie plus simple pour des raisons financières à l’approche de la retraite? Chacune à son tour répond que c’est un choix de vie assumé et désiré, car toutes avaient – ou se sont découvertes – des affinités avec le camping à un moment ou à un autre de leur vie.

«Il faut savoir qu’un mobile home coûte quand même entre 100’000 et 140’000 francs. Ce n’est pas rien», explique Elisabeth Sudan.

À l’investissement de base, il faut compter encore environ 4000 francs par an à débourser pour la location de la place, l’électricité et le chauffage. «Avec mon AVS, j’arrive à mettre 400 francs de côté par mois pour payer ça à la fin de l’année. Je vis simplement, et j’en suis heureuse. Mais cette vie n’est pas faite pour tout le monde», sourit Huguette. «Nous sommes un peu décroissantes», termine Elisabeth. Nadia Mattmann, la doyenne de la petite troupe, nous attend pour la suite de la visite de leur coin de paradis.

Huguette Brunetti, 74 ans

«C’est dommage qu’il ait tellement plu, j’aurais aimé vous montrer mon jardin. J’y passe des heures entre les rosiers, les lavandes, le petit potager. C’est mon bonheur à moi, ça me ressource. L’intérieur est aussi à mon image, et j’y ai beaucoup réfléchi quand il a fallu faire les plans: il y a une grande cuisine équipée et une table autour de laquelle on peut se tenir à six ou huit, un coin bureau, et un salon où je me sens particulièrement bien.

Il faut dire que je suis rodée en matière de mobile home, puisque c’est mon troisième. J’en ai eu un premier où nous allions avec mon mari et nos trois enfants, puis un deuxième. Mais lorsque mon mari est décédé, j’ai tout vendu. Je suis venue vivre ici lorsque j’ai rencontré celui qui a été mon compagnon pendant huit ans. Je ne manque de rien et j’arrive à tourner avec mon AVS. On a plus de contacts que dans un immeuble et il y a une belle solidarité entre nous.»

RETRAITEES AU CAMPING _ HUGUETTE
© DOUGADOS MAGALI

Elisabeth Sudan, 72 ans

«J’ai toujours été un peu bohème et cette vie simple est un choix. J’avais soixante ans quand, avec mon mari, nous avons décidé de ne pas attendre d’arrêter de travailler pour profiter de la vie et voyager. Nous avions acheté ce mobile home en prévision de la retraite, il en a fait les plans et nous l’avons d’abord utilisé comme pied-à-terre. Nos petits-enfants venaient pour les vacances, nous allions à la piscine, c’était la liberté. Mon mari se chargeait de la cuisine et du jardin, et à son décès, j’ai dû apprendre à m’occuper de tout ça.

Il faut être débrouille et ne pas se prendre la tête au quotidien, on n’a pas une gérance derrière quand il arrive un pépin. Au départ, ce n’est pas pour des raisons financières que nous avons acheté ce mobile home, mais c’est vrai qu’aujourd’hui, c’est un plus de ne pas trop devoir dépenser dans un loyer. Il ne manque rien ici, mais il faut avoir des affinités avec le camping. Je ne pourrais jamais retourner vivre dans un appartement.»

RETRAITEESAUCAMPING_ELISABETH
© DOUGADOS MAGALI

Nadia Mattman, 83 ans

«Je suis la seule de l’équipe à être encore en couple. À la base, je n’avais aucune idée ni expérience du camping, et puis nous avons hérité d’une caravane et c’est en passant devant le camping des Joncs que nous avons eu un coup de cœur pour l’endroit. Nous sommes installés ici avec mon mari depuis trente ans. Nous avions décidé d’acheter ce mobile home dans l’idée d’y finir nos jours après la retraite. Nous y venions pour les week-ends, et puis nous nous sommes installés pour de bon en 1993. J’étais alors à la semi-retraite et je travaillais encore. Dans notre jardin, j’aime regarder le sapin qu’on avait planté lorsque mon mari avait 55 ans… il est grand et beau et il nous apporte une ombre salutaire quand il fait trop chaud. Le coin est charmant, l’esprit qui y règne est convivial.»

RETRAITEESAUCAMPING_NADIA
© DOUGADOS MAGALI

Nelly Jobin, 71 ans

«Quand j’ai vendu ma maison à La Neuveville, je rêvais de m’acheter un petit chalet, mais les prix étaient trop élevés. Un jour, je suis passée dans le coin, j’ai discuté avec des gens qui vivaient ici, et ça m’a plu même si je n’avais jamais fait de camping de ma vie. Je suis tout de suite allée chercher des catalogues pour me renseigner.

Mon patron d’alors ne me croyait pas quand je lui ai dit que j’allais partir vivre dans un mobile home. Et pourtant, ça fait douze ans que j’y suis. Je me souviens du jour où j’ai vu mon mobile home et où j’ai monté ces petits escaliers pour y entrer. Je l’ai choisi avec une façade en bois, et l’intérieur est de style chalet. Je m’y sens tellement bien. On pourrait passer la journée à boire des cafés les unes chez les autres, mais si on a envie de ne voir personne, c’est possible aussi.»

RETRAITEESAUCAMPING_NELLY
© DOUGADOS MAGALI

Francine Calame, 67 ans

«À 62 ans, j’ai eu envie d’un changement de vie. C’est en venant rendre visite à Nadia, dont l’ex-beau-frère était mon compagnon, que j’ai eu une révélation et que j’ai voulu m’installer ici. Elle m’a donné envie! Je ne viens pas du coin, mais je me suis toujours sentie bien ici. Je vivais à La Chaux-de-Fonds, alors le microclimat de la région me faisait rêver! Je piaffais d’impatience de pouvoir m’y installer pour de bon, et j’étais aussi rassurée pour mes vieux jours de savoir qu’il y avait un supermarché tout près pour le cas où je serais un jour moins mobile.

Il faut dire que j’ai toujours adoré la vie au camping, petite je passais toutes mes vacances dans celui de Villeneuve. J’aime la nature, je fais de la photo, je me balade avec mon chien Mara. J’ai prévu de rester ici jusqu’à la fin!»

RETRAITEESAUCAMPING_FRANCINE
© DOUGADOS MAGALI

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