Société
Édito: «Viols de Mazan, quand le mal a le visage du voisin»
À la lecture des comptes rendus de ce qui est appelé l’affaire des viols de Mazan, on est saisi-e d’effroi. Le cerveau, pétrifié par l’horreur des actes commis, n’arrive tout simplement pas à croire ce qui lui est raconté. Une sensation nous submerge, de la même nature ontologique que celle que la victime dit ressentir: une perte de repères, un trou noir.
Rien ne les distingue du commun des mortels. Ils exercent différentes professions, sont pour la plupart de bons pères de famille. Ça pourrait être un voisin, à coup sûr celui de Gisèle Pelicot, qui est prévenu. À l’invitation d’un site créé par Dominique Pelicot, ces hommes occupaient leur temps libre à violenter une femme plongée dans un coma médicamenteux, comme d’autres seraient allés faire du foot ou une promenade en forêt.
La police, qui est tombée sur ce crime presque par hasard – elle a trouvé des milliers de photos chez le mari, arrêté pour un autre délit –, a conclu que Gisèle Pelicot a été violée 92 fois. Certains accusés qui comparaissent arguent de leur bonne foi: Gisèle Pelicot aurait simulé son endormissement, elle était consentante.
La réappropriation d'une dignité volée
Vous comme moi, nous nous posons la question: comment est-ce possible? Comment est-il possible d’infliger un tel traitement à une épouse, à ses enfants, et pendant si longtemps? D’agir de manière si délibérée pour annihiler, au sens littéral du terme, la conscience de l’autre, son libre arbitre, sa dignité?
On répondra que c’est justement ça, l’impensable banalité du mal: mettre en veilleuse son existence morale, ne pas réfléchir à ses actes, renoncer à s’identifier à la souffrance de l’autre. Une sorte de coma, en quelque sorte. Gisèle Pelicot, en témoignant devant la justice et la société, a une chance de retrouver la dignité qu’on lui a volée. Au contraire de ceux qui l'ont profanée.
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