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Politique vaudoise

Divorce: Asphyxiées par les dettes de leur ex

Divorce asphyxiees par les dettes de leur ex

Peu de gens le savent, mais dans certains cantons, les citoyens peuvent être amenés à éponger l’ardoise fiscale d’un ex-conjoint. «Comment payer avec un seul revenu les impôts de deux salaires, même quand on travaille à plein temps? s’insurge Inès*.

© Getty Images

«Si j’ai un conseil à donner aux femmes domiciliées dans le canton de Vaud, c’est de ne surtout pas se marier!» Non pas qu’Inès* soit contre le mariage, mais avec le recul, l’entreprise lui semble trop risquée. Cette mère de famille vit depuis des années une galère qu’elle ne souhaite à personne: deux enfants à charge, pas de pension alimentaire et l’angoisse de voir débarquer les huissiers. Son ex-mari, parti à l’étranger, est insolvable. C’est donc contre elle que le fisc vaudois s’est retourné pour récupérer une dette datant de l’époque où ils vivaient ensemble. «Je suis tombée des nues quand c’est arrivé.»

Peu de gens le savent, mais dans certains cantons, les citoyens peuvent être amenés à éponger l’ardoise fiscale d’un ex-conjoint. «Comment payer avec un seul revenu les impôts de deux salaires, même quand on travaille à plein temps? s’insurge Inès. J’ai toujours respecté la loi, mais aujourd’hui, il faudrait que je sorte la nourriture de la bouche de mes enfants pour régler les arriérés d’impôts de mon ex-mari!»

Femmes appelées «en solidarité»

La plupart des cantons libèrent le conjoint de cette solidarité fiscale au moment de la séparation. Vaud fait partie des exceptions. En Suisse romande, il est le seul à l’appliquer de manière illimitée. Si l’un des ex-conjoints est insolvable, c’est l’autre qui devra payer à sa place. Peu importe le régime sous lequel vous avez été mariés, peu importe que vous ayez été le partenaire financièrement le plus faible.

Les procédures juridiques montrent d’ailleurs que ce sont le plus souvent des femmes qui sont appelées «en solidarité», comme vient de le relever en octobre 2021 l’association humanrights.ch qui dénonce dans la foulée une discrimination indirecte et rappelle qu’à cet égard, notre pays se trouve en porte-à-faux avec ses engagements internationaux, notamment avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

«J’ai toujours respecté la loi, mais aujourd’hui, il faudrait que je sorte la nourriture de la bouche de mes enfants pour régler les arriérés d’impôts de mon ex-mari!»

Inès*

L’argument de la discrimination indirecte contre les femmes n’a, jusqu’ici, jamais été retenu par les tribunaux suisses. Ce qui n’empêche pas certains politiciens de se mobiliser. À l’image de la députée socialiste au Grand Conseil Muriel Thalmann, auteure d’un postulat déposé au nom de l’intergroupe F, qui réunit des élues de différentes obédiences politiques. Leur texte vise à réviser la législation vaudoise. «D’autres cantons connaissent cette cosolidarité, cependant seul Vaud et les deux Appenzell l’appliquent de manière très stricte, rappelle Muriel Thalmann.

Même si, au moment de votre séparation, vous vous êtes mis d’accord sur la répartition des arriérés fiscaux du couple et même si vous avez payé votre part, il se peut qu’un beau jour vous receviez un courrier de l’administration vous exhortant à payer celle que votre ex n’a pas versée. À vous de vous débrouiller pour régler la facture et récupérer l’argent ensuite!»

Engrenage vers la précarité

Rien de problématique pour l’administration fiscale vaudoise qui estime, dans une prise de position relative à la requête de Muriel Thalmann, que «lorsque l’épouse contribue dans une moindre mesure, d’un point de vue financier, aux revenus de la communauté conjugale, elle jouit néanmoins, selon la conception actuelle du droit matrimonial, de la rémunération perçue par son époux durant la vie commune. Il est donc équitable qu’elle assume, à titre solidaire, le paiement des impôts ayant trait aux revenus dont elle a disposé.»

«Si on part de l’idée que la transparence des comptes est totale dans les couples, on est loin de la réalité, en tout cas loin de ma réalité professionnelle», estime Nicolas Mattenberger. Député au Grand Conseil vaudois et avocat, il a, parmi sa clientèle, quelques femmes sommées de payer pour leur ex-conjoint. «Il arrive que l’on ait de très mauvaises surprises après une séparation, or dans le canton de Vaud, il n’est même pas possible d’avoir une discussion avec le fisc.» Celui qui a un salaire saisissable sera ponctionné. On lui laissera, en gros, le minimum vital, sans même de quoi payer ses propres impôts du moment, à entendre Nicolas Mattenberger, qui décrit un engrenage menant à la a précarité.

Le Grand Conseil vaudois a largement accepté (à 105 voix pour et 30 contre) le postulat de Muriel Thalmann. Le Conseil d’État devra donc se positionner d’ici juin prochain. Lui qui s’est jusqu’ici opposé à une telle modification de la loi, au motif qu’elle constituerait une «prime aux mauvais payeurs» et entraînerait un manque à gagner annuel de 10 millions pour le canton et les communes.

*prénom d'emprunt

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