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«Spirale infernale»

Cyberharcèlement: comment expliquer ce fléau des cours d'école?

Cyberharcelement adolescents photos nude

Il suffit d'une photo, envoyée via Snapchat, pour propulser un ado dans une spirale infernale...

© Getty

Entre deux cours d’allemand, Emma*, 15 ans, raconte une période particulièrement sombre de sa vie. Le temps semble avoir apaisé la douleur, mais le souvenir reste pesant:

«Je dirais que la moitié des garçons de mon école sont vraiment respectueux, prévient-elle d’emblée, mais l’autre moitié se permet des comportements inacceptables. Ils demandent régulièrement aux filles de leur envoyer des photos dénudées sur Snapchat. Ils promettent de ne pas screener [réaliser une capture d’écran d’une photo censée disparaître toute seule après quelques secondes], mais le font quand même. Et là, c’est la panique! C’est ce qui m’est arrivé. Le gars a montré ma photo à tout le monde.»

Dans la main de l’adolescente, son smartphone affiche un air innocent. On en oublierait presque que ce minuscule écran a participé à ce que la jeune femme appelle «sa spirale infernale».

Elle poursuit: «J’étais juste en sous-vêtements sur la photo, mais la rumeur a tout amplifié. C’était horrible. Il m’a fallu plusieurs mois pour m’en remettre et pour que cette histoire s’estompe.» Révoltée, Emma explique qu’elle n’est pas la seule à avoir subi ce type de cyberharcèlement:

«Dès le moment où la photo est enregistrée sur son téléphone, le gars peut lancer un chantage du genre: Si tu ne m’en envoies pas une deuxième, je la publie!»

Heureusement, quelques mois plus tard, Emma va beaucoup mieux. Elle est même parvenue à accorder de nouveau sa confiance à un garçon.

*Nom connu de la rédaction

Les filles sont plus touchées

Malheureusement, il arrive que la diffusion de photos compromettantes soit associée à des événements dramatiques. En 2017, un jeune Hollandais de 15 ans sautait d’un bâtiment, après qu’une photo de lui, totalement dévêtu, eut été publiée sur Instagram par une camarade. C'est d'ailleurs la survenue de tels drames aux Etats-Unis, il y a plusieurs années, qui avait initialement attiré l'attention sur le phénomène des photos «nudes», diffusées sur la Toile à l'insu de leur auteur.

«Les réseaux sociaux font partie intégrante de la vie des ados et peuvent offrir de nouvelles façons de prendre contact, de communiquer ou de flirter, précise Yara Barrense-Dias, chercheuse au Groupe de recherche sur la santé des adolescents du pôle vaudois Unisanté. Dans ce contexte, il existe notamment la pratique de sexting ou l'échange de "nudes" qui consiste à s'envoyer électroniquement des contenus personnels à caractère sexuel. Ce genre de contenu peut parfois servir de base au harcèlement ou au cyberharcèlement. En effet, ils peuvent devenir un moyen de pression ou de chantage.»



Ce genre de cas serait relativement fréquent, malgré les mises en garde répétitives des parents. «La recherche de limites, la construction de l’identité et de l'estime de soi, l’exploration de son propre corps et du corps de l’autre, ont toujours fait partie du développement des ados, souligne l’experte. Le sexting représente aussi une sorte de préliminaire 2.0 ou une alternative aux rendez-vous en tête-à-tête que l’on ne peut pas toujours accepter quand on vit encore chez ses parents.

Malheureusement, il arrive que les jeunes perdent la maîtrise de ces outils numériques et que des contenus privés soient rendus publics.» Le problème ne réside donc pas dans l'échange initial, mais bien dans la diffusion des contenus.

Si les chiffres montrent que les garçons sont aussi nombreux que les filles à envoyer des photos dénudées d’eux-mêmes, les adolescentes sont plus souvent victimes de la diffusion de ce genre de contenu.

«Il est vrai aussi que les réactions des pairs seront différentes si la victime est une fille: celle-ci sera jugée bien plus violemment si elle apparaît sur une image compromettante, menant alors à une forme de double victimisation avec une diffusion massive et des réactions violentes.

© Clem Onojeghuo

Pour faire rire les copains

Mais pourquoi ce genre de contenus se retrouvent-ils à circuler dans un groupe de jeunes, ou une école entière?

«Les responsables de ces chaînes d’envois affirment souvent ne pas avoir mesuré les conséquences possibles de leurs actes, qu’ils pensaient seulement à faire rigoler leurs amis ou à se vanter, en utilisant la photo comme un trophée, indique Yara Barrense-Dias. Ils pensaient envoyer l’image à un seul copain, sans prévoir un éventuel effet boule de neige. Il est important de rappeler aux jeunes qu’un seul partage, même à son meilleur ami, est déjà un partage de trop. On peut être le 10e dans la chaîne, lorsqu'on partage à notre tour, on devient complice.»

Pas facile d’en parler

Face à une telle situation, de nombreux jeunes hésitent à se confier à leurs parents. «Ils ont l’impression qu’un gouffre technologique les sépare des adultes et que ceux-ci ne les comprennent pas, ajoute notre spécialiste. On leur a tellement répété qu’il ne fallait jamais envoyer de photos dénudées que l’aveu en devient d’autant plus difficile. Les adultes, quant à eux, se sentent également dépassés.

Par ailleurs, si on ne cesse de leur dire qu’il est dangereux d’envoyer des contenus sur lesquels ils apparaissent eux-mêmes, les messages interdisant la diffusion de photos d’autres personnes sont bien plus rares! La place des témoins, qui s’aperçoivent que la photo d’un camarade circule dans l’école, n’est pas suffisamment mise en avant, alors que leur rôle est central. En effet, il est essentiel de mettre fin à la chaîne, et de prévenir un adulte.»

Ce dernier devra alors apporter du soutien à la victime de la diffusion, et éviter de retourner la situation contre elle en lui reprochant de ne pas avoir assez réfléchi avant d’envoyer la photo.

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