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Du centre du village, on l’aperçoit à peine, tout là-haut, au bord de la falaise. Parce qu’il a l’air d’avoir été déposé ici par un déluge biblique, les «Pétolets» – les habitants de Rossinière – l’ont surnommé l’Arche de Noé. La coque de bois est restée, mais Noé s’en est allé. Depuis quelques années, c’est une femme qui veille à ce que le navire garde le cap. A 31 ans, Charlotte Landolt est la directrice de ce «Jardin des Monts» autour duquel poussent plantes et fleurs. Directrice, c’est son titre. Car il en fallait bien un. Mais lorsque la jeune femme, tout en maniant avec dextérité le pétaradant monorail qui nous mène au nid d’aigle, commence la visite, le «nous» est de rigueur. Nous pour Laetitia, Sandy, Géraldine, soit l’équipe qui s’active chaque jour pour faire que plantes médicinales et aromatiques s’épanouissent et prospèrent. Pour que soient fabriqués les infusions, baumes et autres sirops.

De père en fille

«Nous», aussi, pour la famille de Charlotte, et plus particulièrement son papa, Pierre. Car c’est à son coup de cœur pour ce coin du Pays-d’Enhaut que le Jardin des Monts doit son existence: «Lorsqu’il était petit, il venait souvent dans le coin avec son grand-père, Edouard-Marcel, qui était artiste animalier. Il a toujours voulu avoir quelque chose ici. Quand il a vu ce chalet, qui était à l’abandon, il a décidé de l’acheter », explique-t-elle. Pour lui redonner vie, Pierre Landolt – président de la Fondation de famille Sandoz dont il est l’un des héritiers – ne lésine pas. Tout en respectant le passé et l’art et la manière des artisans de la région. A sa fille Charlotte, horticultrice de formation, il confie les clés du chalet et les responsabilités de le faire vivre. Passionnée de nature, amoureuse des fleurs, la jeune femme a fait de ce lieu son repère, jusqu’à y vivre huit mois de l’année malgré l’accessibilité plus que périlleuse.

Suisse par son père, Française par sa mère, Charlotte possède aussi la nationalité brésilienne. Car c’est dans le Nordeste de ce pays immense qu’elle est née, à quelques kilomètres de la ferme de 3000 hectares que ses parents ont achetée au milieu des années septante et où ils demeurent toujours. Un petit paradis cultivé en tout biologique, mais au climat difficile, où Charlotte grandit libre, avec son frère et sa sœur: «Nous étions toujours dehors, pieds nus. On faisait du cheval avec les vachers. Quand on revenait en Suisse, ma grand-mère nous appelait ses «petits Indiens dans la ville»», raconte-t-elle. De cette vie dans son «pays de cœur», Charlotte a gardé le goût de la liberté, le contact aisé malgré un brin de timidité, le tutoiement facile de la langue portugaise quelque peu retenu par sa bonne éducation. Et la simplicité: jean, Converse et T-shirt constituent son uniforme. Comme unique bijou, un pendentif en or en forme de cage renfermant un petit lapin en pierre bleue: «Je l’ai reçu de ma grand-mère. Le lapin a été sculpté par mon arrière-grand-père Edouard Marcel», confie-t-elle.

Voyages d’enfance

Quatre mois au Brésil, un mois à Paris, un mois en Suisse… jusqu’à l’adolescence, c’est à ce rythme que vit la famille. Avec comme fil rouge l’école prodiguée à domicile par maman: «Des différents lieux où je vivais, je retiens surtout les sensations. Le chant des grenouilles quand, au Brésil, arrivait la saison des pluies. En Suisse, les étés avec grand-maman, les baignades dans le lac avec mes cousins, le bateau, les promenades en montagne. A Paris, c’était plus la culture, les cinémas, les musées…»

A 14 ans, c’est le choc quand Charlotte doit se résoudre à quitter ses parents pour suivre ses études au Lycée français de Washington, avant quelques années d’internat en Suisse: «C’était dur, mais aussi bénéfique, car c’est là qu’on a pu mettre un mot sur les difficultés d’apprentissage que j’avais depuis des années. J’étais dyslexique, on ne s’en était jamais aperçu», explique Charlotte qui ne considère pas ce trouble comme un handicap majeur: «On développe d’autres aptitudes, je suis quelqu’un de très pratique. Maintenant, je suis par exemple très natel pour communiquer. Un coup de fil, un SMS court…» Charlotte, qui s’est orientée vers le métier d’horticultrice par amour pour la nature qui l’a vue grandir, a gardé de ses années d’internat de solides amitiés et un goût certain pour la solitude.

Sur sa famille, sur le nom qu’elle porte et qui, parfois, suscite curiosité, faux-semblants et intérêts douteux, Charlotte reste silencieuse, tout aussi discrète que les générations qui l’ont précédée. Car, comme Voltaire mais sans être candide, elle sait peut-être mieux que tout autre que pour trouver son bonheur, il suffit parfois de cultiver son jardin... secret.

www.jardindesmonts.ch

Jessica Genoud
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