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Liliane Roudière est une femme normale. Comme François Hollande est un président de la république normal. Logique, à l’instar du nouveau chef d’Etat hexagonal, elle a grandi à Tulle (Corrèze). Du coup, bien qu’à la tête du magazine Causette dont l’étendard est: «Plus féminine du cerveau que du capiton», elle n’est pas du genre à ramener sa science, façon intellocrates parisiens. Il est vrai que la pétulante quadra n’est pas issue du sérail.

Mère à 18 ans, surveillante scolaire, elle a suivi une formation d’analyste programmateur au pas de charge. «Je n’avais ni le temps ni l’envie de m’éterniser sur les bancs de l’alma mater». Et comment s’est-elle retrouvée dans l’aventure Causette? Elle parle de coups de bol successifs. De rencontres bienveillantes comme celle de Gregory Lassus-Debat, le fondateur, à peine trentenaire, du titre atypique. «J’ai fait sa connaissance à Charlie Hebdo. Il était stagiaire, j’étais notamment en charge de la communication».

Liliane Roudière avait envie d’écrire. Et lui de sortir des sentiers battus de la presse féminine. Par conviction sans aucun doute, par amour aussi. Sa fiancée soupirait devant les magazines féminins, déplorant l’omniprésence de contenus pro fashionistas. Alors? Avec d’autres baroudeurs, comme Bérangère Portalier (également rédactrice en chef du titre) et Delphine Henry, directrice photos, ils ont osé. Causette existe depuis trois ans, il est vendu à 50 000 exemplaires. Le concept est simple: s’adresser aux femmes principalement sans évoquer ni les people ni la mode ni la cuisine ni la beauté. Pas plus que les régimes amaigrissants.

Alors de quoi parle-t-il finalement? De tous les sujets d’intérêt public comme les déchets de guerre, l’adoption, le chahut économique, la justice des mineurs passée au broyeur. Mais avec un pas de côté, des explications XXL et du pragmatisme autour.

L’affaire de la fellation forcée

Le mensuel ne s’interdit rien pourvu que l’angle traité amène une nouvelle clef de lecture. Du coup, il n’a pas fait l’impasse sur les tristes tribulations made in USA de Strauss-Kahn. Mais, plutôt que de spéculer à l’envi sur l’innocence ou la culpabilité de celui que le Parti socialiste voulait propulser en tête de gondole, il a choisi d’explorer une autre piste. Suggérée par… un réparateur de téléviseur. C’est-à-dire? «Peu après que l’ex-patron du FMI a été interpellé pour avoir contraint une femme de chambre à une fellation (et sans lien de cause à effet), ma TV a littéralement explosé», explique Liliane Roudière. Le dépanneur, appelé à la rescousse était ce jour-là manifestement en mal de confidences. «Pour lui, l’acte reproché à Strauss-Kahn relevait tout simplement de l’impossible. Comment forcer une femme à un tel acte puisque celle-ci pouvait utiliser ses dents pour se défendre», rapporte la rédactrice en chef. Avant d’ajouter que cet ouvrier disait probablement tout haut ce que bon nombre de personnes pensaient tout bas.

Cette surprenante réflexion a été le point de départ d’un dossier qui a valu au magazine français un boisseau de réactions positives. En clair, le titre puise lui aussi, à l’instar des autres périodiques, dans l’actualité. Parce que, l’intérêt porté à l’information, quelle qu’en soit l’essence, n’est pas une question de genre. «Ce qui fait la différence à Causette, c’est le traitement. Il ne doit jamais être elliptique. Les femmes aiment comprendre les mécanismes. Donc nous n’éludons rien». Mieux, l’équipe rédactionnelle ne rechigne pas à mettre des sous-titres. «Nous ne postulons jamais sur le principe que les lecteurs ont préalablement fait une spécialisation dans le domaine ou lu une thèse sur la question.» Le ton dans tout cela? Irrévérencieux, décalé, amusé parfois.

Et ça marche? «Sans aucun doute, nous sommes passés du rythme bimestriel à mensuel.» Financièrement aussi? Causette vit du produit de ses ventes et de trois ou quatre pages de publicité par numéro. L’audience semble avoir le vent en poupe. «A cet égard, il faut rendre hommage à la joyeuse communauté qui s’est cristallisée autour du magazine». C’est elle qui contribue à faire connaître ce mensuel féminin singulier par le biais d’un bouche à oreille géant. Et ces disciples, que l’équipe Causette rencontre régulièrement, lors des soirées Apéro, ne cessent de voir leurs rangs enfler. Les voici même qui outrepassent les frontières. Puisque la Belgique et bientôt la Suisse comptent aussi leurs aficionados. Sans compter que Causette a reçu les honneurs de la profession. Le voilà estampillé premier magazine féminin d’information politique et générale. Rien que cela.

L’exemple parental

Sinon? Liliane Roudière n’a presque pas la nostalgie de sa province du sud-ouest de la France. Elle dit qu’elle se sentait à l’étroit dans la petite bourgade qui l’a vu naître. Parce que là-bas chacun savait en «live» ce que faisait son voisin. Elle était faite pour vivre dans une grande ville. Même s’il lui a fallu attendre que sa fille unique sorte du giron maternel pour partir à la découverte de la capitale voisine. «J’étais libérée de la course contre la montre quotidienne. La déposer à toute vitesse à la crèche ou à l’école, filer au bureau et refaire le chemin au même rythme, mais dans l’autre sens, le soir». Il n’empêche, de son enfance champêtre, elle garde des odeurs et des grands espaces. Des lectures interminables, multiples, addictives. Des exemples aussi. Celui de ses parents. De son père qui, ouvrier dans l’usine d’armes de la région tulloise a entrepris et réussi des études d’ingénieur. De sa mère aussi, qui a ouvert son commerce à 40 ans après avoir élevé ses enfants.

A la question est-elle heureuse dans cette vie-là? La réponse est oui. Et plutôt deux fois qu’une. Grâce à ce job qui dynamite ses neurones en permanence, aux rigolades entre collègues, entre copines. Parce que, pour elle, ne pas prendre le temps de rire serait insulter l’existence. Il n’y a qu’une chose que Liliane Roudière n’a pas réussi à faire, c’est gonfler son compte en banque. Mais l’argent et les bling-blingueries qui vont avec, de toute façon, elle s’en fiche.

«Causette» Où le trouver en Suisse? Le site www.causette.fr donne les points de vente.

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