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La relève en marche

Témoignages: le soin infirmier, une profession de foi

Témoignages: Le soin infirmier, une profession de foi

36% des soignant-e-s quittent leur métier entre 20 et 24 ans, soit peu de temps après avoir achevé leur formation, 42,5% arrêtent avant l’âge officiel de la retraite et, chaque mois, quelque 300 soignant-e-s raccrochent leur blouse.

© GETTY IMAGES/SHAPECHARGE

Le monde des professionnel-le-s de la santé ne va pas bien. Et ce malgré un net regain d’intérêt pour la profession d’infirmier et d’infirmière lié au Covid (qui s’est traduit par un retour au travail de personnes ayant arrêté et un pic d’inscriptions dans les hautes écoles de santé) puis par un oui à plus de 61% à l’initiative «Pour des soins infirmiers forts» le 28 novembre 2021. En témoignent ces quelques chiffres du rapport 2021 de l’Observatoire de la santé: en Suisse, 36% des soignant-e-s quittent leur métier entre 20 et 24 ans, soit peu de temps après avoir achevé leur formation, 42,5% arrêtent avant l’âge officiel de la retraite et, chaque mois, quelque 300 soignant-e-s raccrochent leur blouse. Les conséquences de cette hémorragie? Le nombre de postes vacants a grimpé de plus de 20% dans les six premiers mois de l’année et, fin juin 2022, il manquait 7500 infirmières et infirmiers dans le pays.

En cause: des conditions de travail pour le moins compliquées, souligne Sophie Ley, présidente de l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI). Et de citer, par exemple, une (sur)charge émotionnelle, des plannings rarement compatibles avec une vie de famille, une pénurie de crèches ou des horaires de garde d’enfants inadaptés aux besoins, un sous-effectif chronique générant surmenage et/ou burn-out, un manque cruel de reconnaissance, pas assez de temps à passer avec les patient-e-s ou pour encadrer correctement les stagiaires ou encore des salaires indécemment bas en regard des responsabilités assumées… Bref, un tableau clinique peu réjouissant. Voire «catastrophique», déplore Sophie Ley.

Assurer la relève

Pourtant, même si la présidente de l’ASI s’impatiente et s’agace que les choses n’aillent pas plus vite quant à l’application concrète des mesures acceptées par le peuple et qui permettraient d’améliorer la situation, elle estime que le mal n’est pas incurable.

Ce d’autant plus que, le 13 septembre 2022, le Conseil des États a approuvé à l’unanimité le «paquet 1» de la mise en œuvre de l’initiative sur les soins infirmiers – soit une première étape axée sur la formation. Dans les faits, la Confédération et les Cantons devront ainsi soutenir les hautes écoles ou les institutions de santé qui assurent l’encadrement des étudiants et étudiantes à hauteur d’environ un milliard de francs sur huit ans.

Car oui, en plus de devoir impérativement œuvrer à l’amélioration des conditions de travail des personnes déjà en emploi, il est crucial d’assurer la relève – surtout au vu des besoins croissants en personnel qualifié induits notamment par le vieillissement de la population. Et ce ne sont pas Nataly Viens Python, directrice de la Haute École de santé de Fribourg (HEdS-FR) ou Carole Wyser, directrice de la Haute École de santé Vaud (HESAV), qui diront le contraire.

En gros, résument-elles, leur but est de former des personnes humainement et techniquement qualifiées, et de les préparer au mieux aux réalités d’un terrain passionnant mais toujours plus complexe. Trop? Pour certaines personnes, oui. Ce qui explique des abandons: «Entre 8 et 10% des personnes inscrites arrêtent en fin de première année, précise Nataly Viens Python. C’est comme dans n’importe quelle autre filière de hautes études: soit on réalise qu’on n’a pas choisi la voie qui nous correspond, soit on se rend compte qu’on n’a pas les capacités de suivre ce cursus, qui est tout de même très exigeant.»

Mais avant d’en arriver là, encore faut-il susciter des vocations, soupire Carole Wyser:

«On parle énormément, et à juste titre, des difficultés liées à l’exercice de cette profession – mais on oublie de dire à quel point elle est aussi humaniste, merveilleuse et gratifiante et allie différents champs de compétences: relationnel, scientifique, technique…»

Sans compter, ajoute-t-elle, qu’une formation HES est attractive puisqu’elle permet des évolutions tout au long de sa vie: «On peut se spécialiser, poursuivre avec un master ou un doctorat en sciences infirmières… Il y a de nombreuses perspectives en termes de développement de carrière et ça, on ne le précise pas assez.»

Autrement dit, le défi «séduction» est de taille. Mais pas insurmontable, et les points d’amélioration sont multifactoriels indique Nataly Viens Python, qui précise qu’à Fribourg, le nombre d’étudiant-e-s à la HEdS-FR a augmenté de 44% depuis 2015. Avec un raz-de-marée d’inscriptions à la suite de la pandémie: «En quelques années, nous avons passé de 90 personnes à plus de 160 en 2021!» Un phénomène général, note Carole Wyser:

«Le Covid a au moins eu un effet secondaire positif: il a mis en lumière l’importance, la beauté et la noblesse de notre profession.»

Pour le coup, énormément de gens ont eu envie de s’y (re)lancer si bien que cette année-là, en Suisse, 10’434 personnes ont opté pour une formation dans les soins infirmiers et, dans le canton de Vaud, l’HESAV et la Haute École de la santé La Source ont enregistré 2742 entrées, soit une hausse moyenne de 33% en première année de bachelor par rapport à 2020.

Si la flamme est aujourd’hui un peu retombée – les statistiques montrent que la croissance est moins fulgurante – il faut tout de même se réjouir de voir entrer bientôt de nombreuses nouvelles recrues dans le monde du travail. En espérant que d’ici qu’elles aient obtenu leur diplôme, les mesures nécessaires pour leur donner envie d’y rester à long terme seront (enfin) appliquées…

Xavière, 48 ans, Neuchâtel: «J’étais en quête de renouveler ma motivation pour les années à venir»

«J’ai été à la tête de la programmation de la Case à Chocs, salle de musiques actuelles de Neuchâtel, pendant quatorze ans. Cela m’a fascinée, mais après la pandémie, c’est devenu compliqué de trouver du sens dans mon activité. En l’occurrence, l’actualité musicale n’était plus une priorité dans ma vie, j’avoue! Cela fait un moment que l’idée mûrissait dans ma tête de renouveler ma motivation pour les années à venir.

Avant mon diplôme de gestion culturelle, j’ai obtenu un diplôme d’infirmière et je travaillais en psychiatrie avec des patient-e-s chroniques.

Mais la chronicité de la maladie m’a fatiguée. J’avais 30 ans, un âge où on continue d’évoluer, et j’étais confrontée à des patient-e-s du même âge que moi, mais en plein déclin. J’ai mal vécu ce décalage et je me suis reconvertie en organisatrice de concerts.

Avant le Covid, j’ai eu un accident de vélo, j’ai perdu connaissance et la mémoire, c’était hyperviolent. Je me suis retrouvée hospitalisée pendant cinq jours, et c’est là que j’ai eu le déclic. Paniquée, j’étais entourée de tous ces gens qui m’aidaient, c’était très rassurant. Je me suis inscrite à l’Association suisse des infirmières et j’ai suivi un programme de réintégration. Dans ce cadre, j’ai fait un stage hyper intéressant avec les patient-e-s victimes d’AVC à Pourtalès. Au niveau théorie et apport intellectuel, c’est génial. Par contre, j’ai rapidement compris le rythme de productivité qu’on demande aux infirmières dans les soins actuellement. C’est l’usine! L’équipe a été super, mes collègues m’ont accompagnée pour rendre mon projet réaliste en me confrontant avec la réalité du terrain.» [AL]

Amélie, 38 ans, Lausanne: «C’est une chance de retourner aux études!»

«Quand je suis sortie du gymnase, il y a une vingtaine d’années, je voulais devenir infirmière suite à une expérience d’hospitalisation au cours de laquelle j’avais rencontré des soignant-e-s très compétent-e-s qui m’avaient donné envie de me plonger dans cette profession.

Mais à l’époque, je n’ai pas osé me lancer – notamment à cause de la pénibilité de cette profession alors que j’étais un peu fragile physiquement.

Je me suis donc tournée vers tout autre chose. Bien plus tard, j’ai été amenée à travailler au CHUV, dans la communication, où j’ai donc pu observer de plus près en quoi consistait ce métier, et les possibilités qu’il offre. Ce que je faisais avait du sens, mais j’avais envie de changer de voie pour ma deuxième partie de carrière. Si bien que je me suis lancée… Là, je suis en première année de bachelor, il me reste trois ans. Évidemment, cela me demande un peu d’organisation, mais je prends comme une vraie chance de reprendre des hautes études pour apprendre des choses qui m’intéressent. C’est d’autant plus stimulant que dans ma volée, où nous sommes beaucoup en reconversion, on sent une belle motivation.» [SG]

Dominique, 46 ans, Sierre: «Ce n’est pas facile, mais c’est aussi très gratifiant!»

«Dans mes souvenirs, j’ai toujours voulu être infirmière. J’ai eu mon diplôme en 1997. Je suis passée par divers services hospitaliers, dont les soins continus de pédiatrie au CHUV. J’ai levé le pied quand je suis devenue maman car c’était trop difficile émotionnellement de voir des enfants malades. Je me suis dirigée vers les soins à domicile. Les horaires ne sont pas plus confortables, on fait des soirs, des week-ends, mais les cas sont plus légers. À l’arrivée de mon troisième enfant, j’ai complètement arrêté pour devenir maman de jour, durant presque quatre ans. Quand je me suis séparée du papa de mes enfants, j’ai dû reprendre une activité pour des raisons financières, mais j’avoue que cela me manquait aussi!

Avec ma profession, il n’y a que l’embarras du choix, la plupart des offres d’emploi donnent des réponses positives.

Depuis mars 2020, je travaille à 60% dans un EMS. J’étais heureuse de retrouver le monde professionnel et, surtout, le travail en équipe, après ces années en solo. Ce n’est pas facile, avec de lourdes responsabilités, les aléas du Covid, beaucoup d’heures sup, mais c’est aussi très gratifiant. Et je suis parfois contente de m’échapper du quotidien familial intense, avec une ado, un pré-ado et un petit de 6 ans à gérer!» [VF]

Pierre-Antoine, 49 ans, Neuchâtel: «J’ai appris à gérer la maladie et n’ai plus peur de la mort»

J’étais chef de rang des établissements gays pendant plus de vingt ans à Genève. Je me suis bien éclaté! Jusqu’au moment où j’ai rencontré des problèmes de santé qui m’ont décidé de changer d’orientation professionnelle.

J’ai toujours voulu travailler avec les aîné-e-s. À 40 ans, j’ai mis en œuvre cette nouvelle vie professionnelle, dans les soins.

J’ai suivi la formation d’aide-soignant-e de la Croix-Rouge, suivie de stages dans des EMS. Puis j’ai été engagé en unité psychogériatrique au home Les Pins d’Épalinges. J’ai rencontré des patient-e-s qui n’ont souvent plus l’usage de la parole. J’ai aimé communiquer avec des gestes, des sourires. J’ai trouvé ces personnes très attachantes, chacune avec leur pathologie. J’avais vraiment l’impression de faire du bien. J’ai appris à gérer les maladies et n’ai plus peur de la mort. Après avoir passé mon permis de conduire en trois mois, je suis aujourd’hui aux soins à domicile à Neuchâtel depuis cinq ans. Après les soins du matin, l’après-midi est dévouée aux aides pratiques de nos client-e-s: courses, entretien du logement, balades. Ce sont des moments magiques et précieux pour moi. J’aime profondément mon métier avec les aîné-e-s. [AL]

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