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Sommes-nous gouvernées par des bactéries? La question n’est pas aussi provocante qu’elle le paraît depuis les dernières découvertes faites par les chercheurs sur la flore intestinale. On apprend ainsi que les micro-organismes peuplant notre côlon et notre intestin grêle ne se contentent pas d’influencer notre état de santé: ils agissent aussi sur nos comportements.

Notre tube digestif abrite un surprenant bestiaire: 100 000 milliards de bactéries – soit, en nombre, dix fois plus que les cellules du corps. Ce «microbiote intestinal», comme on l’appelle désormais, est plus lourd que notre cerveau, puisqu’il pèse environ 2 kilos. C’est un organe à part entière, en fait, mais jusqu’ici «négligé», selon l’expression de Dusko Ehrlich, responsable du projet MetaGenoPoliS (programme français qui vise à explorer le microbiote à des fins préventives et thérapeutiques).

Totalement inoffensifs, les microbes intestinaux participent activement à la digestion en dégradant les fibres qui, sans eux, seraient indigestes. Ils modifient aussi l’absorption des calories en influençant les dépenses énergétiques et jouent ainsi un rôle dans l’obésité. En outre, par leur présence, ces germes nous protègent contre les agents pathogènes en empêchant les bactéries «étrangères» de s’installer dans nos intestins.

Un réseau de neurones

Notre flore intestinale a bien d’autres fonctions! Depuis peu, on en arrive même à la considérer comme un deuxième cerveau. Nos intestins sont entourés d’un gigantesque réseau de neurones – «le plus important de notre organisme, après celui du cerveau», précise Dusko Ehrlich. Et leurs bactéries sécrètent des substances qui ressemblent fort aux neurotransmetteurs, ces molécules qui assurent les communications entre les neurones de l’encéphale. Par leur intermédiaire, les germes peuvent donc envoyer des messages à notre «premier» cerveau. Et ainsi agir sur l’humeur et le comportement. C’est ce que montrent plusieurs expériences faites sur des souris.

Les rongeurs sont habituellement des animaux prudents qui ne s’aventurent pas hors des espaces où ils se sentent en sécurité. Or, on a remarqué que des souris élevées en milieu totalement stérile, donc dépourvues de germes, devenaient aventureuses. «Les bactéries peuplent la Terre depuis près de 4 milliards d’années et elles sont très astucieuses, développe Dusko Ehrlich. Si j’étais l’une d’elles, je pousserais mon hôte à rester prudent, afin de sauvegarder sa vie, donc la mienne». Au cours de l’évolution, il s’est ainsi formé entre l’animal – ou l’être humain – et ses germes une symbiose bénéfique pour les deux partenaires.

Plus surprenant encore: lorsqu’on échange les flores intestinales de deux lignées de souris, les unes dociles et les autres agressives, leurs comportements s’intervertissent. Les premières deviennent batailleuses et les secondes, disciplinées.

La transmission de messages se fait d’ailleurs dans les deux sens. Lorsqu’on rend des rongeurs anxieux et sensibles au stress, on génère des changements dans leur flore intestinale.

Jouer sur l’alimentation

Il n’est bien sûr pas possible de mener de telles études sur les êtres humains. On pourrait toutefois tenter de modifier la composition de leur microbiote en jouant sur leur alimentation. Car si notre flore intestinale est acquise à la naissance, sa composition et son équilibre évoluent tout au long de la vie, influencés notamment par le contenu de nos assiettes.

L’expérience a déjà été tentée avec une quarantaine de femmes. En complément d’une alimentation normale, certaines d’entre elles devaient manger chaque jour deux yaourts enrichis en probiotiques (bactéries ou levures qui aident à la digestion). Au bout de quatre semaines, les chercheurs ont observé le cerveau des volontaires. Et ont constaté que celles qui avaient régulièrement absorbé les probiotiques avaient une plus faible activité dans certaines zones cérébrales – notamment celles qui jouent un rôle dans la gestion des émotions et de l’agressivité. Cette étude est l’une des premières du genre. Il est donc trop tôt pour affirmer que l’on pourrait changer le comportement d’une personne en modifiant son régime. Mais, à ce sujet, les bactéries de notre organe négligé n’ont probablement pas dit leur dernier mot.

Une piste pour prévenir l’obésité

La flore intestinale joue un rôle important dans l’obésité. Dans la population générale, un quart des individus ont un microbiote «pauvre» – leur tube digestif ne contient «en moyenne que 200 espèces de bactéries différentes, contre 300 pour les autres», précise Dusko Ehrlich, spécialiste français de la question. Et c’est dans ce groupe que l’on trouve le plus grand nombre d’obèses.

L’équipe de Dusko Ehrlich a par ailleurs constaté un risque accru de «développer des maladies chroniques liées à l’obésité, comme le diabète de type 2, ainsi que des problèmes hépatiques et cardiovasculaires» chez les personnes à microbiote peu diversifié. Elles ont également tendance à souffrir d’inflammation chronique.

Une alimentation adaptée pourrait donc modifier la donne. Ce que confirment les chercheurs français qui, après avoir soumis (pendant six semaines) une cinquantaine de personnes obèses ou en surpoids à un régime riche en protéines et en fibres mais pauvre en calories, ont constaté des améliorations. Ces individus «ont récupéré une partie de la richesse de leur microbiote. Ils ont perdu du poids et leur inflammation s’est atténuée.»

Si l’on parvenait à mettre au point un test destiné à repérer les personnes ayant un microbiote pauvre, «on pourrait leur offrir des recommandations nutritionnelles adaptées». Ce serait un bon moyen de prévenir le développement de l’obésité et de ses complications.

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