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Octobre rose

Cancer du sein: plus d’écoute pour mieux soigner

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«Une des pistes à évaluer et qui fait l’objet d’études internationales en Europe actuellement serait de ne plus faire de dépistage généralisé, mais plutôt un dépistage personnalisé selon le risque génétique et l’histoire familiale de la patiente.», Dr. Alexandre Bodmer, oncologue responsable du Centre du sein aux HUG.

© Liliya Rodnikova / Stocksy

Depuis des mois, on ne voit que ça. Les chiffres liés à la pandémie qui nous obsèdent au quotidien, mis à jour dans un flux incessant d’infos jusqu’au trop-plein parfois. Jusqu’à la mise en sourdine d’autres maladies aussi. Celles dont on ne parle que lorsque arrive le mois de l’année qui leur est dédié, à l’instar du cancer du sein qui a son Octobre rose, soit les trente et un jours de campagne de sensibilisation à ce cancer.

Sauf que pour les malades, ni le Covid ni le fait qu’on soit en janvier, en mars ou en octobre ne changent la donne. En Suisse, 17 femmes sont diagnostiquées chaque jour, soit 6200 par an. Ce qui place la Suisse dans le groupe des pays «à haut risque», car malgré les progrès thérapeutiques, 1400 femmes en décèdent encore tous les ans. Voilà pour les chiffres récents communiqués par le Réseau Cancer du Sein, qui fête cette année ses 20 ans d’existence.

En deux décennies, il y a eu des progrès, dans la prise en charge, les traitements, l’écoute des patientes aussi, mais pas encore assez selon Angela Grezet, directrice du Réseau Cancer du Sein et présidente de l’Association Savoir Patient (ASAP):

«Les avancées scientifiques ont, en effet, porté sur les traitements médicaux et n’ont pas été suffisamment accompagnées de progrès dans la lutte contre la vulnérabilité, la rupture émotionnelle, économique et sociale qui résultent de cette maladie.

Pour améliorer la qualité de vie des patientes, les professionnels de la santé doivent mieux prendre en compte les besoins des malades et de leurs proches grâce à l’expérience qu’apporte le vécu de la maladie.

C’est l’objectif du Réseau Cancer du Sein depuis vingt ans et au moins pour les vingt ans prochains.»

L’ampleur de la tâche et l’importance d’en parler même quand octobre sera passé se mesurent d’autant plus lorsqu’on sait que, selon les dernières estimations, 90 000 femmes ayant reçu ce diagnostic vivent actuellement en Suisse, et qu’avec leurs proches, elles représentent plus de 15% de notre population. De la première seconde où on sent une petite boule suspecte au diagnostic, des examens douloureux aux traitements qui épuisent, de rechutes en rémissions: pas d’autre choix que d’apprendre malgré soi et en embarquant tout son entourage à lutter contre et à vivre avec le crabe. Tout n’est pas rose, loin de là, mais il y a quand même des pistes encourageantes. Le point avec deux spécialistes sur ce fléau qui frappe une femme sur huit.

L’influence de l’environnement

La bonne nouvelle, c’est que le nombre de cas de cancers du sein se stabilise en Suisse. Une stabilisation réjouissante néanmoins assombrie par la confirmation d’une tendance qui se dessinait depuis une dizaine d’années déjà: alors que le risque de cancer du sein augmentait de façon régulière avec l’âge, aujourd’hui, un cinquième des diagnostics surviennent avant l’âge de 50 ans.

Des chiffres que nuance le docteur Khalil Zaman, oncologue responsable médical du Centre du sein du CHUV: «Ça reste une minorité des patientes touchées par le cancer du sein, mais il est vrai que le taux est petit à petit en train de monter. Ce qui est nouveau, c’est que là où on avait tendance à penser que c’étaient les cancers hormonorésistants qui étaient plus fréquents chez les jeunes, on voit que c’est le taux de cancers hormonosensibles qui augmente, ce qui est encore difficile à expliquer.» Une incidence en légère augmentation chez les femmes jeunes, pour laquelle les spécialistes n’ont pas encore d’explications, mais qui soulève des hypothèses et qui en tous les cas fait l’objet d’une grande attention. Pour le docteur Alexandre Bodmer, oncologue responsable du Centre du sein aux HUG, outre des éléments génétiques, l’environnement serait une piste possible:

«Les perturbateurs endocriniens, que l’on retrouve largement dans notre quotidien, comme le parabène dans les cosmétiques, les phtalates dans les emballages alimentaires ou encore les bisphénols dans certains plastiques pourraient jouer un rôle.

Des facteurs de reproduction comme l’âge de la première grossesse qui a tendance à augmenter dans les pays industrialisés, sont également en cause. On sait qu’une grossesse au-delà de 30 ans est un facteur de risque de cancer du sein.

Qu’elle soit en lien ou non avec la modification de notre environnement et nos changements de mode de vie, la puberté précoce serait aussi une piste pour expliquer cette augmentation de l’incidence chez les femmes plus jeunes. «Tout comme la ménopause tardive, les règles précoces sont des facteurs de risque. Or aujourd’hui, les menstruations apparaissent de plus en plus jeunes, avant même l’âge de 11 ans, ce qui augmente la durée d’exposition aux œstrogènes endogènes, c’est-à-dire à ceux que notre corps produit. Plus les premières règles sont précoces, plus la durée durant laquelle notre corps est stimulé par les œstrogènes est longue, devenant un facteur de risque de cancer du sein», explique le docteur Bodmer.

Vers un dépistage personnalisé

Dans 80% des cas, la maladie se développe après 50 ans, c’est la raison pour laquelle le programme de dépistage commence à partir de cet âge-là. Mais cela ne veut pas dire que cela soit réservé uniquement aux femmes ménopausées. En cas de doute et d’inquiétude, mieux vaut aller consulter, comme le confirme le docteur Zaman:

«Peu importe l’âge, si on sent quelque chose, il faut aller voir son médecin. Toutes les anomalies doivent être investiguées de façon adéquate. En revanche, la mammographie est un examen plus performant chez les femmes après 50 ans que pour les femmes plus jeunes, qui ont les seins souvent plus denses.»

Même si plus on décèle une anomalie tôt, plus les chances de guérison sont grandes, cela ne veut pas dire pour autant qu’abaisser l’âge des mammographies de dépistage soit pour autant recommandé. «Entre 40 et 50 ans, le risque de surdiagnostic augmente et avec lui le nombre de gestes, biopsie ou de chirurgie, parfois inutile. En effet les seins plus denses rendent la lecture de la mammographie – et donc le diagnostic – plus difficile, ajoute le docteur Alexandre Bodmer. Une des pistes à évaluer et qui fait l’objet d’études internationales en Europe actuellement serait de ne plus faire de dépistage généralisé, mais plutôt un dépistage personnalisé selon le risque génétique et l’histoire familiale de la patiente.

Ainsi, chez les femmes à plus haut risque, le dépistage pourrait débuter plus tôt et plus fréquemment, alors que chez les femmes à faible risque, une mammographie tous les trois ans serait peut-être suffisante. Autant de questions ouvertes auxquelles il faudra répondre durant ces prochaines années.»

Plus d’ouverture aux approches alternatives

C’est par les patientes que vient le changement des mentalités. Ainsi, on peut parler méditation en pleine conscience ou shiatsu avec son médecin en toute liberté. Mieux, on peut «pratiquer» sur place, puisque le Centre de médecine intégrative et complémentaire du CHUV propose à ses patientes de l’acupuncture, de l’art-thérapie, des massages thérapeutiques ou de la méditation. «Beaucoup de patientes utilisent la médecine complémentaire, cela permet donc de rassembler les deux, se réjouit le docteur Zaman, ça sera d’ailleurs le thème d’une de nos conférences publiques le 7 octobre prochain.»

Même son de cloche du côté des HUG, qui tendent vers une approche beaucoup plus ouverte aux médecines alternatives complémentaires, comme le confirme le docteur Bodmer: «L’arrivée d’une approche de médecine dite intégrative au sein d’un hôpital universitaire comme les HUG, combinant médecine conventionnelle et médecine complémentaire, est un clair changement de mentalité. Nous le devons principalement aux patientes elles-mêmes qui ont initié le mouvement, désirant améliorer leur qualité de vie grâce à l’hypnose ou la méditation, par exemple.» Les bienfaits de la méditation en pleine conscience font même l’objet d’une étude au sein de l’établissement universitaire.

«Il existe des moments clés dans le parcours de soins des patientes. L’un de ces moments de fragilité se situe paradoxalement lorsque tous les traitements aigus se terminent. Il y a à la fois un sentiment de vide qui peut s’installer et parallèlement une prise de conscience du chemin parcouru et de la gravité de la maladie.

L’étude menée aux HUG vise à évaluer le bénéfice d’un programme de méditation pleine conscience pour les patientes souffrant de cancer gynécologique et cancer du sein, durant cette phase délicate d’après traitement.»

Un outil supplémentaire à utiliser soi-même pour réduire le stress et l’anxiété liés à ces moments difficiles. Une manière aussi pour les patientes de reprendre le contrôle.

Parler aussi de la vie après

Juste dosage entre l’information et la sensibilisation au cancer du sein, Octobre rose est aussi l’occasion de parler de l’après-cancer. «C’est important, car même si le cancer du sein est le cancer le plus fréquent et la première cause de mortalité par cancer chez la femme, un grand nombre de patientes seront guéries, mais souvent malheureusement au prix d’effets secondaires des traitements, raconte le docteur Bodmer.

L’impact des traitements sur les patientes même longtemps après qu’ils aient été administrés est parfois difficile à percevoir tant par l’entourage familial que professionnel. La fatigue chronique, les troubles de mémoire et de concentration, les troubles du sommeil, les douleurs articulaires sont quelques-uns de ces symptômes.

Il est donc important de sensibiliser sur le fait que même après la fin des traitements, le combat continue pour ces patientes qui doivent en plus braver la crainte de la récidive.»

Le retour à la vie active, pour celles qui sont en âge de travailler, n’est pas non plus toujours facile à gérer alors que c’est une étape importante pour se réapproprier sa vie. Pour réduire ces effets secondaires, retrouver de l’énergie et une certaine condition physique, le Centre du sein des HUG a d’ailleurs mis en place un programme d’activité physique adaptée à des patients oncologiques. «Maintenir une masse musculaire et un poids corporel adéquat avec une activité physique adaptée permet de réduire les symptômes liés à la maladie et aux traitements tout en réduisant les risques de récidives, sans compter l’effet de bien-être physique qui a un effet positif sur le moral», termine le docteur Bodmer.

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