Femina Logo

témoignages

Viols et coups étaient mon quotidien

Femina 16 Temoin Violences Conjugales

Les séquelles de cette violence sont nombreuses, mais je sais que le pire est derrière moi.

© Delphine Broggio/delfilm

Il y a une dizaine d’années, je me suis envolée du Brésil vers la Suisse pour rendre visite à ma sœur et à sa famille. J’ai profité de mon visa de trois mois pour voyager en Europe et découvrir des pays qui me faisaient rêver: la France, l’Italie, l’Espagne… C’est sur une plage portugaise que j’ai fait la connaissance de celui qui allait faire basculer ma vie. En échangeant quelques mots, nous avons découvert que nous résidions tous les deux – moi provisoirement – en Suisse. Ce point commun nous a rapprochés et a été à l’origine d’une relation amoureuse, qui s’est poursuivie une fois le séjour terminé. Quand la date d’expiration de mon visa s’est approchée, Paulo* a fait une demande en vue de mariage auprès de sa commune, afin que je puisse rester avec lui. Il m’a présentée à ma future belle-famille au Portugal. Un détail aurait dû m’alerter: curieusement, lorsque je posais des questions à ma belle-mère sur celui que j’allais épouser, elle restait toujours très évasive.

Après quelques mois d’une relation idyllique, nous avons commencé à organiser notre mariage. Je souhaitais que ma meilleure amie vienne du Brésil pour me donner un coup de main, mais mon futur mari s’est montré très récalcitrant. J’ai cédé, car je ne voulais pas créer de problèmes.

La jalousie s’est installée

C’est le jour qui aurait dû être le plus beau de ma vie que Paulo a commencé à dévoiler son véritable visage: avant la cérémonie, il m’a fait une scène, m’accusant d’être trop dépensière. J’étais très surprise de le voir crier, car il ne s’était jamais mis dans une telle colère. Ce n’était qu’un début. Une fois la bague au doigt, son comportement a radicalement changé. Il est devenu très jaloux et possessif. Quand on marchait dans la rue, au moindre regard en direction d’un autre homme, il m’accusait de vouloir le séduire. Je n’osais plus lever les yeux de peur qu’il interprète mal mon attitude. Pire encore, il s’est mis à m’insulter, car, selon lui, je mettais des tenues trop «aguichantes». J’ai donc rangé au placard jupes et robes, et cessé de me maquiller pour éviter de me faire traiter de «sale garce» ou de «salope». Puis, alors qu’avant le mariage nous avions une vie sociale plutôt active, Paulo a commencé à sortir sans moi.

Je ne reconnaissais plus l’homme que j’aimais. C’était comme si, du jour au lendemain, un autre avait pris sa place. Et Paulo trouvait le moyen de me culpabiliser en me disant que c’était de ma faute s’il y avait des tensions entre nous…

«Tu es ma femme, tu dois faire ça»

Puis je suis tombée enceinte, ce qui n’a pas adouci mon époux, bien au contraire, puisque c’est durant cette grossesse qu’il a porté la main sur moi pour la première fois. Lors d’un accès de rage, il m’a tiré les cheveux, mordue, et rouée de coups. J’étais très choquée! Il m’a également forcée à entretenir des rapports sexuels avec lui. J’avais beau dire que je ne voulais pas, il me répondait: «Tu es ma femme, tu dois faire ça.» Il me maintenait sur le lit et tirait violemment ma jambe de côté pour assouvir ses pulsions. Bien sûr, j’ai pensé à m’enfuir, mais Paulo menaçait de s’en prendre à mon entourage si je le quittais.

Quinze jours après la naissance de notre petite fille, par césarienne, il m’a obligée à avoir des relations sexuelles. J’avais beau pleurer et expliquer que je souffrais horriblement, il ne m’écoutait pas.

Des week-ends de cauchemar

Rabaissée et brutalisée en permanence, honteuse, je n’étais plus que l’ombre de moi-même. Je n’osais me confier à personne, même pas à ma sœur, dont j’étais pourtant très proche. Mais un jour, après avoir été rouée de coups, je suis partie me réfugier chez elle. Lorsqu’elle a appris ce que j’endurais, elle est tombée de haut, avant de se rendre compte, concrètement, à quel point mon mari était fou: un jour, il a débarqué chez ma sœur en menaçant de tout casser si je ne revenais pas à la maison. La police a dû intervenir et j’ai fini par réintégrer le domicile conjugal. Mal m’en a pris. Le déferlement de violence a repris de plus belle. Finalement, soutenue par ma sœur, j’ai porté plainte. Devant le juge, mon tortionnaire a fait profil bas et m’a promis qu’il allait se soigner. Mais après deux séances, il a refusé de continuer sa psychothérapie. Les menaces et les coups ont repris comme avant. Le cauchemar, c’était surtout les week-ends, quand il rentrait au milieu de la nuit, alcoolisé. Il se jetait alors sur moi et me mordait, tout en m’infligeant des sévices sexuels.

Séparée de son enfant

Ma fillette, âgée de 6 ans, a raconté à l’école ce qui se passait à la maison. Le Service de la protection de la jeunesse (SPJ) a été alerté et on l’a placée dans un foyer. Désormais, je ne pouvais voir mon enfant que quelques heures par semaine, sous surveillance. Pour mon mari, il n’y avait là rien de grave: selon lui, «c’est comme si elle était en vacances».

Mon calvaire s’est poursuivi: viols et injures étaient devenus mon quotidien. Mais je n’avais qu’une idée en tête: récupérer la garde de ma fille, qui me manquait terriblement. Pour cela, j’ai réalisé qu’il fallait que je quitte mon mari. Mon médecin de famille m’avait parlé d’un centre d’accueil pour les femmes confrontées à des violences conjugales. Un jour que Paolo n’était pas là, je m’y suis rendue et une intervenante sociale m’a prise en charge. Paulo est devenu fou furieux. Il s’est rendu chez ma sœur et l’a menacée. Puis, malgré l’interdiction qui lui avait été signifiée par la justice de m’approcher, il a réussi à me coincer à la sortie du foyer où résidait ma fille. Il m’a fait monter de force dans son véhicule. Et là, j’ai vécu un véritable cauchemar: alors qu’on roulait à une vitesse folle sur l’autoroute, il a ouvert la portière et tenté de me pousser à l’extérieur. De retour à l’appartement, il m’a agressée sexuellement. Heureusement, j’ai réussi à m’échapper et à regagner le centre d’accueil.

Finalement, à la suite de multiples délits, mon mari a été placé en détention. De mon côté, après un séjour de deux mois au centre MalleyPrairie, j’ai subi une évaluation afin de prouver mes compétences de mère et retrouver la garde de ma fille. Aujourd’hui, elle vit à mes côtés et je tente tant bien que mal de me reconstruire. Les séquelles de cette violence qui s’est déchaînée sur moi sont nombreuses, mais je sais que le pire est désormais derrière moi.

* Noms connus de la rédaction


A lire aussi:
Violées et présumées coupables
Sensibilisation aux violences domestiques: un «photomaton femme battue»
Violée donc coupable d’avoir déshonoré ma famille, j’ai dû fuir

Podcasts

Dans vos écouteurs

E94: Les bienfaits du jeu vidéo sur notre épanouissement

Dans vos écouteurs

Tout va bien E89: Comment mieux comprendre nos rêves

Notre Mission

Un concentré de coups de cœur, d'actualités féminines et d'idées inspirantes pour accompagner et informer les Romandes au quotidien.

Icon Newsletter

Newsletter

Vous êtes à un clic de recevoir nos sélections d'articles Femina

Merci de votre inscription

Ups, l'inscription n'a pas fonctionné