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Je veux devenir champion du monde de pole dance

Femina 12 Temoin Homme Pole Dance

Il faut allier force, endurance, coordination et souplesse. Il est rare qu’une activité physique soit si complète.

© Olivier Lovey

Etre un homme dans le monde de la pole dance est peu commun mais cette singularité me correspond bien. Je n’ai jamais aimé être un suiveur. M’habiller comme tout le monde, me fondre dans le moule, j’ai horreur de ça! Par esprit de contradiction certainement, aussi, je me plais à aller dans la direction opposée. Si j’ai envie de porter des vêtements fluo, je le fais. Idem si je souhaite me teindre les cheveux ou avoir une coupe extravagante. Le regard des gens, je ne m’en préoccupe pas. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été ainsi. Petit, j’ai parfois subi les moqueries de mes camarades, le genre d’épreuve qui forge les caractères. J’ai appris à m’accepter et à assumer mes choix.

Les animaux sont ma première passion. Jeune adulte, je me suis tout naturellement tourné vers un métier en lien avec les bêtes. J’ai suivi un apprentissage de gardien d’animaux puis enchaîné une formation de toiletteur pour chiens. Une fois mon diplôme en poche, j’ai eu envie de nouveauté. J’ai un peu la bougeotte, j’avoue. Sitôt un but atteint, j’en fixe un nouveau. J’ai longtemps pratiqué les agrès et voulais redécouvrir ces sensations aériennes. J’ai alors entrepris une formation d’artiste de cirque professionnel sur trois ans à Sion. Le funambulisme, le trapèze et le tissu aérien sont devenus mes spécialités. Du cirque, je suis passé aux comédies musicales. J’ai joué dans «West Side Story» et «The show must go on» en Suisse romande. Après quelques années, j’ai eu le sentiment d’avoir fait le tour. Je voulais retrouver un peu de hauteur. Sur internet, j’ai fait des recherches sur les agrès et les sports apparentés. C’est ainsi que, par hasard, j’ai découvert la pole dance.

Un homme dans un monde de femmes

Je ne savais pas si les cours étaient ouverts aux hommes. Une école à Payerne m’a proposé de faire un essai et j’ai immédiatement attrapé le virus, même si la pole dance n’est pas tendre. Au début, j’étais couvert de bleus et de brûlures. Le contact avec la barre fait mal. Puis la peau s’habitue et les douleurs disparaissent. Grâce à mon background sportif et artistique, j’ai vite progressé. Après quelques mois, j’ai même commencé à enseigner.

Aujourd’hui, je travaille à temps partiel dans une pension-élevage pour chiens et chats. Le soir, j’alterne entre les entraînements et les cours que je donne dans deux écoles valaisannes. Etre un homme, dans ce milieu, est un avantage du point de vue de la force. Les femmes sont généralement plus souples. Au vu de mon passé dans le cirque, mon truc en plus c’est les acrobaties. En revanche, je dois encore beaucoup travailler ma souplesse. Parmi mes élèves, je constate souvent que les filles se sentent en sécurité avec un professeur. Lorsqu’elles doivent faire des figures la tête à l’envers ou haut perchées sur la barre, je leur dis qu’elles peuvent avoir confiance, que je suis là pour les rattraper. Et elles osent se lancer.

Une rencontre inattendue

En 2015, un an seulement après avoir commencé la pole dance, j’ai terminé deuxième des championnats suisses. L’année suivante, rebelote, et à nouveau la seconde place. Je me suis aussi lancé dans les compétitions internationales. Comme dans tous les sports, rivalités et jalousies sont légion, mais j’ai pour principe de penser à ma préparation avant de considérer mes adversaires. Mes objectifs sont prioritaires et je me donne toujours à fond. Globalement, toutefois, l’ambiance est bonne. Tant mieux, car nous ne sommes qu’une poignée d’athlètes masculins dans la discipline. Aux championnats du monde, à Londres, en 2016, j’ai rencontré des pole dancers des quatre coins du monde. Je ne suis pas monté sur le podium. Mais, plus qu’une médaille, j’ai trouvé l’amour! Encore aujourd’hui, je constate que ce sport n’a pas bonne réputation.

Beaucoup l’associent aux cabarets ou au strip-tease. Pire encore, il m’arrive d’entendre que les danseurs et danseuses de pole sont des prostitués. Le fait que nous soyons peu vêtus n’aide pas à en redorer l’image. Mais il s’agit d’une nécessité. La peau doit être au contact de la barre pour adhérer sinon c’est la chute assurée. Cette discipline allie force, endurance, coordination et souplesse. Il est rare qu’une activité physique soit si complète. Lorsque je convie des gens à un cours d’essai, ils se rendent compte de la difficulté et leur regard change. Une autre idée préconçue concerne l’homosexualité des hommes qui pratiquent la discipline. Pourtant, je peux l’assurer, il y a autant d’homosexuels que d’hétérosexuels dans ce sport. Bien loin d’être efféminés, beaucoup sont de vrais machos et les productions peuvent être très viriles! Tout dépend de l’intention qu’y met le danseur. Heureusement, ma famille, elle, n’a jamais vu d’un mauvais œil mon attrait pour la pole dance. Mon père a fait beaucoup de gymnastique et ma mère du hockey sur glace. Ils voient avant tout le côté sportif de cet art et me soutiennent à 100%.

Objectif médaille d’or

Du point de vue technique, on constate rapidement des progrès. Un élève pourra réussir à maîtriser une nouvelle figure d’une séance à une autre. Pour la confiance en soi, c’est extraordinaire! En plus, la pratique régulière de la pole dance engendre d’importants changements physiques. En trois ans, j’ai pris 15 kilos de muscles. Ce sport m’a renforcé, physiquement et mentalement. Je ne me suis jamais senti aussi fort et bien dans ma peau. Je me suis fixé pour objectif de décrocher la médaille d’or au niveau mondial dans les cinq ans. Quand on veut on peut et je ne lâcherai rien. Bien sûr, à 33 ans, je ne suis plus tout jeune et mes concurrents sont des athlètes encore dans la vingtaine. Mon hygiène de vie est donc essentielle: bien dormir, manger équilibré. Avant, pizzas, lasagnes et sodas rythmaient mes repas au quotidien. J’ai également arrêté de fumer, il y a six mois. Avec l’âge, je me suis assagi et stabilisé. Cela peut paraître cocasse vu le sport que je pratique mais je peux désormais l’affirmer: j’ai enfin bien les pieds sur terre.


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