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La première fois que j’ai vu la mer, j’avais déjà 12 ans

Je suis originaire du Châble en Valais et j’ai grandi à Savigny (VD). Mes parents ne voyageaient pas faute de moyens. Nous possédions une vieille caravane qui ne roulait plus, à Moudon. J’aimais être dedans, je m’y sentais mieux que dans un appartement. Mes proches disaient en riant que j’avais sûrement des origines bohémiennes. J’ai rencontré Thierry à Verbier en 1993. J’avais 18 ans, lui 21. Nous nous sommes tout de suite découvert deux points communs: avoir quatre enfants et voyager. Je fonctionne aux signes de l’existence. Celui-ci en a été un, évident. Nous avons eu quatre enfants en cinq ans.

En 2005, mon père nous a proposé de le rejoindre au Togo pour des vacances. Mais il y a eu un coup d’Etat et ce plan est tombé à l’eau. Ni une ni deux, nous avons réuni notre matériel de camping et sommes partis tous les six au Maroc en voiture. Au retour, nous avions tellement aimé notre vie au grand air que nous avons installé notre tente dans le jardin et avons vécu dedans pendant trois mois. Nous utilisions la maison juste pour les douches et les WC. Fin octobre, les enfants ont réintégré leur chambre mais Thierry et moi avons mis notre lit sur la terrasse.

Nous étions pris dans un rythme «métro-boulot-dodo», pas satisfaisant

Et un jour, j’ai dit à Thierry: «Tu te souviens de notre deuxième projet?» Nous avons fait le point. Nous voulions un changement radical, qui nous permette d’être ensemble, de nous redécouvrir, de rencontrer des personnes différentes de nous. C’est devenu une évidence, nous allions faire un grand voyage autour du monde… A Noël 2006, nous étions prêts et avons annoncé la nouvelle aux enfants: ça a été l’enthousiasme général.

Nous avions zéro franc de côté. Thierry avait développé une structure de réinsertion professionnelle. La vente de la moitié de cette entreprise à son nouvel associé nous a garanti un revenu régulier. En mars 2008, nous avons vendu notre maison pour acheter notre «maison mobile», un coup de foudre déniché dans un hangar.

Jusqu’au départ, nous avons enchaîné les galères

Lors de notre soirée d’au revoir, le moteur du camping-car a rendu l’âme. Comme nous n’avions plus de logement, nous avons vécu chez ma maman puis dans une yourte au camping de Maladaire. Dans cette même période, notre banquière nous a appelés: l’établissement dans lequel nous avions placé notre argent avait fait faillite, un tiers de notre pécule était parti en fumée. Et ce n’est pas fini… J’ai échoué à mon examen de mon permis poids lourd, à cause d’un expert injuste.

Révoltée, j’ai fait appel auprès de son chef qui m’a fait repasser l’épreuve, et je l’ai réussie! Enfin, peu avant le départ, Thierry a fait un burnout. Il ne pouvait plus parler, ni écrire, ni conduire. Je me suis vue partir au bout du monde non pas avec quatre mais cinq enfants… Cette accumulation de problèmes était-elle le signe que nous devions renoncer? Les enfants ont dit: «Il faut y aller!» J’ai repris confiance, d’autant que Thierry avait la sensation que son état était passager. Le 22 octobre 2008 – un mercredi, jour des voyageurs –, après une dernière nuit parqués devant chez ma mère, nous sommes enfin partis.

La première heure de route a été très silencieuse, nostalgique

Chacun vivait son histoire intérieurement. Le lendemain, nous n’étions plus en Suisse, notre voyage commençait, c’était l’euphorie. Nous allions traverser l’Italie, la Turquie, l’Afrique, l’Inde, le Népal, le Tibet, le Laos, l’Asie du Sud-Est, l’Amérique centrale, du Sud… Au total, nous ferions 120 000 kilomètres, soit quatre-vingts en moyenne – seulement! – par jour. Au début, nous nous sommes perdus dans l’organisation. Nous n’avions plus de cadre. Il a fallu établir des règles tant pour l’école que pour le quotidien. Le vendredi a été décrété jour de ménage collectif, la vaisselle s’est organisée en tournus, par tirage au sort de deux personnes.

Un rythme scolaire a été fixé: tous les matins pendant trois semaines, puis une évaluation, puis une semaine de vacances. Etre la prof de mes enfants m’avait semblé le point le plus difficile du projet parce que les devoirs étaient une source fréquente de conflits. J’avais récupéré les objectifs fondamentaux sur les sites officiels, travaillé sur des cahiers de vacances, et dès que j’ai commencé à leur faire cours, tout est devenu naturel. Je les ai vus progresser chacun à son rythme. C’était magique, un mot qui résume bien tout ce voyage d’ailleurs.

Le monde nous est apparu globalement beau et les gens bons

Nous avons rencontré des personnes qui n’avaient rien mais qui étaient prêtes à tout donner. Le fait d’être avec des enfants nous a certainement protégés de certains dangers et ouvert des portes inattendues dans les endroits les moins sûrs. Juste avant de rentrer, je me suis inquiétée à l’idée d’être aspirée par notre vie d’autrefois.

En arrivant chez ma mère le 22 avril 2012, pile trois ans et demi après le départ, nous avons eu une prise de conscience: nous voulions continuer à être nomades! De fait, nous sommes repartis en Afrique. Et maintenant nous projetons une croisière dans les Caraïbes en décembre. Nous nous sentons libres.

Conseil de famille

Depuis notre tour du monde, je m’autorise à être moi-même en toutes circonstances et je constate que si je fais des erreurs, ça n’a aucune conséquence. Pour préserver notre harmonie familiale, permettre à chacun de s’exprimer et ne rien garder sur le cœur, nous faisons des conseils de famille réguliers.

Sur le plan matériel, nous n’avons besoin que d’un petit revenu car nous avons très peu de charges. Thierry a écrit un livre, «Miss Terre et les six doigts de la main», qui a financé notre voyage en Afrique. Nous partageons nos aventures grâce à notre blog www.sixenroute.com et à des ateliers (Oser sa vie, Oser sa famille) qui aident les gens à faire émerger leur projet de changement de vie. Nous donnons des conférences sur le retour à l’essentiel aussi. Quand on sait ce qu’on veut, 80% du parcours est fait. Si on change son regard sur une situation, celle-ci change. La sécurité est un sentiment qui se travaille.

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