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Quand j’ai rencontré Marcellin, ça a été un coup de foudre

Comme dans les romans. C’était il y a neuf ans, lors d’une mission temporaire dans le cadre de mon travail en Côte d’Ivoire. Marcellin était un homme libre mais papa d’un petit garçon d’un an, joliment baptisé Ange. L’enfant vivait alors avec ses grands-parents maternels en province, sa très jeune mère ayant choisi de reprendre ses études. Quand je me suis mariée avec Marcellin, nous avons tout naturellement quitté l’Afrique pour nous installer dans le canton de Vaud, dans ma maison, avec ma fille Louise âgée de 6 ans. Ce n’est que deux ans plus tard, lors de vacances en Côte d’Ivoire, que j’ai enfin eu l’occasion de croiser Ange. On aurait dit une petite plante sauvage qui pousse au bord de la route. Il m’est de suite apparu que ce petit garçon paumé et silencieux, méritait plus d’attention. Il me semblait essentiel qu’il puisse avoir la chance de grandir auprès de l’un de ses parents biologiques. C’est dans cet esprit que j’ai demandé la garde d’Ange à ses grands-parents qui ont accepté de nous faire confiance. Quatre mois plus tard, les démarches de regroupement familial ayant abouti, mon mari a joyeusement pris l’avion pour la Côte d’Ivoire afin de nous ramener ce p’tit bout d’homme qu’il connaissait à peine.

C’est un gamin frigorifié qui a débarqué à Genève

Il était simplement vêtu d’un short et d’une chemisette imprimée de masques africains, alors que nous étions en plein mois de mars et sous la neige. Il semblait toutefois très à l’aise. Lui qui disait toujours, paraît-il, en regardant passer les avions dans le ciel «c’est mon papa, il vient me chercher pour m’emmener en Suisse», voyait sans aucun doute son rêve de gosse se réaliser. Sur le chemin du retour, nous nous sommes arrêtés sur une aire d’autoroute… le temps d’une formidable bataille de boules de neige. Il était ébloui. A la maison, je lui ai enfilé une combinaison de ski, posé un casque sur la tête et nous sommes allés faire du bob. Son bonheur et son émerveillement étaient communicatifs. Louise est devenue sa sœur en l’espace de quelques instants. Et moi, j’ai eu le sentiment qu’il m’ouvrait son cœur. Il m’a appelée «maman» et c’était comme si nous avions toujours vécu ensemble. Trois mois plus tard, il intégrait l’école du village. Un enfant comme les autres, mis à part sa couleur black, avec son cartable et ses rêves. J’étais comblée par ses câlins, sa joie de vivre, ses confidences, sa curiosité permanente. Je ne réalisais pas à cette époque, à quel point se construisait chaque jour et à toute allure, entre lui et moi, une relation très forte, une complicité étonnante.

Mes relations avec Marcellin se sont détériorées

C’est là que j’ai vraiment mesuré l’ampleur de mon attachement pour Ange. J’ai fait de multiples concessions, supporté de très difficiles situations, je crois même que j’ai été au bout de mes limites de femme et d’épouse pour préserver, envers et contre tout, le lien créé avec cet enfant tombé du ciel. Il est naturel d’aimer l’enfant que l’on a soi-même mis au monde et j’en fais d’ailleurs chaque jour l’expérience avec ma fille, mais avec Ange, c’était comme si ma responsabilité de mère était décuplée. Je n’avais pas le droit à l’erreur. J’étais attentive à tout pour l’aimer au-delà de nos différences. Il me semblait essentiel de respecter sa culture, de lui donner l’envie de connaître ses propres racines et d’avoir la curiosité de ses origines. J’étais, et je le suis toujours, sous le charme de la personnalité de cet enfant, la richesse qu’il a héritée de sa terre originelle, le rythme qu’il a dans la peau, sa manière dansante de marcher, sa dégaine, son look, sa capacité de tout relativiser et de dire que «oui oui, ça va aller» en toute occasion. Je ne pouvais que me réjouir de voir grandir dans ma maison cet ange 100% africain. S’il n’était pas noir, tout le monde dirait qu’il me ressemble. C’est d’ailleurs devenu un objet de rigolade quand on me dit: «C’est votre fils? Mais il est noir…». Je réponds invariablement: «Oh c’est vrai! Je n’avais pas vu!»

Fin 2009, la séparation avec Marcellin s’est avérée incontournable

Je vivais sans arrêt avec la peur au ventre que mon mari ne disparaisse dans la nature avec notre fils. Avait-il seulement réalisé à quel point je tenais à cet enfant? Passé des mois de stress, de menace, de chantage, Marcellin a bien dû reconnaître qu’il n’avait pas la place dans son quotidien pour s’occuper d’un enfant. Il a finalement compris et admis l’idée que son fils est épanoui, intégré et heureux avec nous. Rester à la maison avec Louise et moi correspond, en outre, au choix formel de l’enfant. Nous sommes actuellement en train de boucler notre divorce. Marcellin accepte de me confier la garde d’Ange durant la semaine et souvent même le week-end. Je suis en quelque sorte une mère nourricière. Quand le père et le fils sont ensemble, je sais qu’ils partagent avec beaucoup de plaisir leur passion du sport. Ange assiste aussi, en compagnie de son père, à des repas et des fêtes africaines. Il prend connaissance des us et coutumes de son pays d’origine. Enfin de tout ce qui est essentiel pour bâtir et fortifier son identité africaine.

Je voudrais tellement adopter mon fils!

C’est pourtant impossible car sa maman biologique n’a jamais accepté, malgré de multiples sollicitations, de signer les papiers nécessaires. Mais quand il aura 18 ans, j’aurai enfin la possibilité légale de le faire. Nous serons alors seuls et adultes, lui et moi, pour prendre ensemble cette décision, pour qu’il soit officiellement mon enfant au même titre que Louise, pour qu’il puisse hériter comme sa sœur, des biens de notre famille. Avec Ange, j’ai réalisé dans le plus profond de mon être, que, comme le disait si justement l’écrivain Khalil Gibran, les parents sont des arcs par qui les enfants tels des flèches vivantes sont projetés. Un arc stable. Une flèche qui vole…»

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