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J’ai sombré dans la spirale coke, sexe et anorexie

J’ai sombré dans la spirale coke, sexe et anorexie

C’est après deux années à fond dans la coke que j’ai décidé de lever le pied.

© Guillaume Perré

Pendant deux ans, j’ai été à fond dans la coke

J’en sniffais partout. Dans ma voiture où je gardais une boîte exprès pour préparer les lignes. Dans les toilettes des bistrots de Lausanne. A l’école où j’enseigne encore… Tout avait démarré avec une rupture amoureuse, il y a presque vingt ans. Mon copain m’avait quittée après quatre années d’une vie de couple tout ce qu’il y a de plus normale. Dans l’immense appartement où je me suis retrouvée seule, les amies et amis ont commencé à défiler. Il y avait du monde en permanence, c’était devenu une maison ouverte. J’avais même caché une clé pour que mes copains puissent entrer en mon absence. Il arrivait qu’on m’appelle juste pour le gîte le temps d’une partie fine avec un amant ou une maîtresse.

Dans cette ambiance «festive», ma vie sexuelle a pris une tournure débridée: j’avais des amants hommes et femmes à tour de bras. Heureusement, mon ange gardien veillait sur moi: je n’ai jamais eu de relations sexuelles sans préservatif. Curieusement, je crois que tout est venu du fait que ma séparation ne m’avait pas rendue triste. Je ne trouvais pas cela très normal, et j’ai pensé qu’il fallait que je me fasse un peu de mal. C’est comme cela que j’ai repris les cigarettes et que je me suis mise à sortir de plus en plus souvent. Jusqu’à me retrouver pratiquement tous les soirs en boîte à boire excessivement.

Mauvaises fréquentations

A force de fréquenter ces lieux, j’ai fini par y rencontrer des consommateurs de coke. Volontiers partageurs, ils t’invitent aux toilettes «pour te faire goûter un truc». Je me suis laissé tenter. Ce n’était pas la première fois: à 22 ans, en vacances, des copains m’avaient initiée à la substance. On n’arrêtait pas d’en prendre pendant deux semaines. Mais de retour à la maison, je n’en avais plus repris. Et puis, avec ma rupture amoureuse, tout a basculé: je me suis mise à en consommer quotidiennement, même si le prix de la cocaïne était faramineux à l’époque, grosso modo 300 francs le gramme. Et quand je dis quotidiennement, c’était jour et nuit.

Mon entourage familial et professionnel ne se doutait de rien car je donnais le change: l’effet le plus visible, quand on ingère cette substance, c’est qu’on n’arrête pas de parler. Mais je suis bavarde de nature, personne n’y a fait attention. Je continuais mon travail d’enseignante sans problème, je m’efforçais d’assurer. Il m’est arrivé de sniffer une ligne sur mon pupitre pendant que les élèves étaient à la récréation. Ou alors de vite filer aux WC prendre une dose juste avant de lancer une soirée parents. Lors d’une réunion à domicile pour traiter d’une situation d’élève compliquée, je n’ai pas hésité à prétexter un besoin urgent pour pouvoir prendre un rail de coke à la salle de bains. Jamais je n’ai perdu le contrôle de la situation, sauf peut-être dans une ou deux soirées trop arrosées. J’étais du genre à flirter avec les limites – pour voir jusqu’où j’étais capable d’aller – en veillant à ne pas les dépasser. Il était par exemple exclu que je touche à l’héroïne ou l’ecstasy.

Les méandres de l’addiction

Reste que mon sommeil en a pâti, parce que la cocaïne maintient éveillé en permanence. Je ne dormais quasiment plus. A certaines périodes, je sortais tous les soirs, mon repos se limitant à une petite sieste durant la pause de midi et une autre après les cours en fin d’après-midi. Et quand je me décidais à faire un somme, un vrai, je n’y arrivais tout simplement pas. Alors je n’hésitais pas à prendre un Temesta – par-dessus la coke – histoire de dormir un peu. Au fil de cette existence, je me suis retrouvée à fréquenter des personnes pas très nettes. Des marginaux, des gens glauques qui trafiquaient. On passait nos soirées à boire, à torailler, à sniffer. La cocaïne masquant l’effet de l’alcool, j’ai parfois conduit dans un état douteux avec l’impression de gérer parfaitement.

Et puis j’ai commencé à perdre du poids. Un, deux, trois kilos… Au début, c’était flatteur, j’appréciais ma silhouette débarrassée du superflu. On me disait: «T’as un peu maigri, ça te va bien!» De jouissif, c’est devenu un engrenage, puis une obsession. Pour continuer à éliminer les kilos, je comptais tout ce que j’ingérais, jusqu’à la moindre bouchée. Je contrôlais absolument tout ce que j’avalais. Comme cela ne me suffisait plus, j’ai commencé à me faire vomir. Ensuite je me suis mise à refuser les invitations, pour ne pas devoir manger. Quand on me proposait un souper, je répondais que j’étais déjà prise ailleurs, mais que je passerais plus tard pour le café. A 15 kilos de perte, on a commencé à me poser des questions. On me demandait si j’étais malade, si j’avais le sida.

Accro à la vie

C’est après deux années à fond dans la cocaïne que j’ai décidé de lever le pied. J’avais la trouille que «ça descende mal» et je m’étais fait deux ou trois mauvais trips, avec à la clé de méchantes angoisses, des idées noires, une folle envie de pleurer. La dépendance étant psychique mais pas physique, je suis passée rapidement – et à la seule force de ma volonté – à une consommation occasionnelle, dans des contextes plus «festifs». C’en était fini des lignes inhalées dans les toilettes des bistrots et à l’école.

J’ai également diminué mes sorties, parce que je me suis rendu compte que j’avais fait le tour, que j’avais envie de passer à autre chose. Mais il m’était toujours impossible de m’alimenter normalement, je continuais de m’imposer un contrôle draconien. Cela s’est prolongé jusqu’au jour où je suis partie en vacances avec une copine. Elle était jolie, bien dans ses baskets. Et elle mangeait. Ce séjour a provoqué un déclic en moi. Petit à petit, j’ai recommencé à me nourrir correctement. J’ai repris 5 kilos et je me tiens à ce poids aujourd’hui encore.

Cet épisode de ma vie est révolu

Plus de coke, plus de sorties en boîte, quasi plus de cigarettes. Je n’ai pas gardé de liens avec les gens de mon époque cocaïne. Si je les croise dans la rue, on discute, mais je vois que, quinze ans après, ils racontent toujours la même chose, ils ont fait du surplace. La plupart ont d’ailleurs fini aux services sociaux. De mon côté, ça roule. J’ai retrouvé une vie équilibrée, entre job et loisirs, et en couple. Je fais du sport, je voyage, j’adore aller au cinéma, les soupers entre amis, les sorties au resto – c’est ma coke à moi.

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