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La boulimie s’installe petit à petit, et pour en sortir, il faut beaucoup de temps.

Chez moi, après une quinzaine d’années de dépendance, le processus de délivrance a commencé il y a quatre ans et je suis guérie depuis deux ans. Une fois que j’ai identifié le schéma, le mécanisme, les signes annonciateurs, j’ai pu retrouver la sensation de satiété et cesser de compter obsessionnellement les calories. Comme j’ai beaucoup de volonté, j’ai réussi à m’extirper de ce cercle vicieux qu’est la dépendance. En me faisant aider, mais surtout en y mettant toute mon énergie… Et mon entourage affirme que j’en ai à revendre!

Tout a débuté par ma volonté de perdre du poids alors que j’avais 14 ans. Il faut dire que je vivais dans une famille sous dictature de régimes chroniques. Mais de temps en temps, je craquais. Par exemple pour une tartine, qu’aussitôt après, je vomissais… Progressivement, j’ai découvert qu’il était facile de régurgiter ce que j’avalais. L’un des gros problèmes dans la boulimie, c’est cette incroyable absence de sensation de satiété. J’étais dans une perte de contrôle total à cet égard. Je ne savais plus si j’avais faim, quand j’avais faim, quand j’étais rassasiée. j’avais juste cette irrépressible impression qu’il fallait que je mange. Au bout d’un an, je voyais venir les crises. Je sentais alors que je devais aller au supermarché acheter tout ce que je voulais.

Je me suis mise à ingurgiter des choses qui passent mieux quand on vomit.

Par exemple un pack de glace, des plaques de chocolat, des biscuits, que je consommais avec de l’eau chaude. Cela pouvait représenter un à deux kilos à la fois. Les gens imaginent sans doute que c’est écœurant, une telle quantité de crème et de sucre. Sauf qu’une boulimique n’est jamais écœurée. Ils supposent certainement aussi qu’à se goinfrer de cette manière, on court le risque de grossir et que cela pousserait à se refréner. Mais en fait, avant la crise on se pèse, puis on mange et on régurgite, ensuite on se pèse à nouveau. Et vu que tout ce qui est entré est en principe ressorti, on ne prend pas un gramme.

Mon besoin de manger se manifestait lorsque je m’ennuyais ou, au contraire, lorsque j’avais trop à faire. Je ne résistais pas. Et dès que je m’y mettais, j’étais incapable de m’arrêter. Mais le plus grave, c’était l’obsession. Quand je vivais seule, j’étais obnubilée par la nourriture. Toutes mes activités étaient rythmées par la pensée de la nourriture. Chaque jour, je savais à l’unité près le nombre de calories que j’avalais. Les repas, quand on est boulimique, doivent être en quelque sorte cadrés. Un yoghourt, une viande, toujours pareil… Si l’un n’est pas maîtrisé, cela vous bousille la journée. La nourriture devient à la fois une ennemie et une dépendance.

Pendant la quinzaine d’années que ça a duré, j’ai eu des périodes de plusieurs mois où tout se passait bien.

Par ailleurs, j’avais une vie sociale normale. Mon handicap ne m’empêchait pas de sortir, m’amuser, d’aller en boîte, d’avoir des copains. Bien au contraire, j’ai eu des moments où j’avais l’impression que je gérais tout parfaitement et que tout me réussissait. Mais j’avais tendance à passer de l’euphorie à la déprime. Et là il m’arrivait de me cloîtrer chez moi. Je restais enfermée pendant trois jours… J’ai parlé de ma boulimie avec des amis très proches et surtout avec ma mère. Elle m’a énormément aidée. Principalement à enlever la honte que je ressentais. La boulimie est en effet psychiquement dure à supporter pour l’estime de soi. S’empiffrer autant n’est pas spécialement honorable et valorisant. Combien de fois me suis-je juré que c’était la dernière? Et je replongeais.

Mais évidemment, jamais je ne me confiais en pleine crise.

En réalité, je me sentais plutôt victime. C’est un trip contre lequel, à l’époque, je ne disposais pas d’armes pour lutter. La boulimie est une drogue redoutable. La pire même qui existe, parce qu’il est nécessaire de manger pour vivre. En revanche, j’ai vécu des périodes d’anorexie qui me rendaient fière. J’ai été maigre autour de 25 ans. En même temps, l’anorexie est plus difficile à vivre que la boulimie. Elle rend irritable, susceptible. De surcroît, ce ne sont pas deux kilos de glace ou de chocolat qu’il faut à tout prix évacuer mais une simple feuille de salade. Et comme personne ne l’ignore, c’est terriblement dangereux sinon fatal, à un degré extrême.

Il y a quatre ans, je me suis rendu compte que je pouvais mettre fin à l’engrenage. J’ai eu une dernière grosse crise, chez ma mère, en son absence. Mais je n’ai pas réussi à vomir. C’est ainsi que j’ai juste cessé. A la longue, cela devient franchement pénible de régurgiter. Même si, par chance, je n’ai pas eu, à l’image d’autres personnes dans mon cas, de problèmes d’estomac, de cheveux, de dents, de peau, à part quelques boutons. Mais j’avais mal à la gorge. Je suis donc arrivée à un stade où mon corps s’est réhabitué à garder la nourriture. Et quand j’ai arrêté de vomir, il a stocké. J’ai pris une dizaine de kilos, ce qui n’était pas très inquiétant puisque je ne pesais pas lourd. Puis mon poids est redescendu.

Bien sûr, j’ai dû batailler ferme pour garder ces bonnes dispositions.

C’est là que j’ai fait appel à toute ma force de caractère. Avec ma psy, je n’ai absolument pas travaillé sur mon comportement de boulimique, mais sur d’autres causes ou troubles qui pouvaient être à son origine. Certes, la boulimie est une maladie en soi, mais ce n’est pas vraiment le problème. Il faut minimiser son importance pour pouvoir dénouer d’autres nœuds. Dans cette optique je dois avouer que je la remercie, ma boulimie!

Cela paraît probablement paradoxal, mais j’ai été sauvée par la nourriture. Une femme qui avait un enfant autiste m’a conseillé un régime sans gluten, sans sucre, sans produits manufacturés et sans antioxydants. Autant que possible, je ne consomme donc plus que des aliments frais et je les savoure. Car il faut savoir que la boulimie n’a rien à voir avec la qualité et le goût de ce qu’on avale. Elle comble juste un vide que l’on remplit chaque fois à toute vitesse. Depuis deux ans, j’ai ainsi appris à apprécier la nourriture. Elle n’est plus mon ennemie, et aujourd’hui j’ai enfin retrouvé le plaisir de manger. Inutile de préciser que ma vie en est transformée.

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