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J’ai failli mourir à cause de la pilule

Femina 09 Temoin Pilule 72

Cet épisode douloureux a changé le regard que Nathalie porte sur l’existence. Désormais, la jeune femme vit chaque instant intensément.

© Francesca Palazzi

Cela s’est passé il y a dix ans, mais j’ai l’impression que c’était hier, tellement c’était intense. A l’époque, je n’ai pas compris ce qui m’arrivait. On ne parlait pas encore des risques liés à la pilule contraceptive. Au contraire: cette dernière était présentée comme le remède à de nombreux maux, tels que l’acné, le surpoids et les douleurs menstruelles. Je la prenais d’ailleurs depuis mon adolescence et n’avais jamais eu de problème.

Il a fallu un voyage en avion pour que tout bascule

J’étais retournée au Québec, après avoir passé deux mois en Suisse auprès de celui qui est devenu entre-temps mon mari. Tout s’est bien passé durant le vol, mis à part de soudaines douleurs dans le mollet gauche. En arrivant à Montréal, j’ai vu qu’il était rouge et dur. Inquiète, je suis allée dans une clinique, en banlieue.

Quand ils ont su que je prenais la pilule et que je venais de faire un long voyage, ils m’ont envoyée à l’hôpital où l’on m’a expliqué que je faisais certainement une thrombose. On m’a injecté de l’héparine, un anticoagulant, et fixé rendez-vous une semaine plus tard afin d’effectuer un doppler, soit un examen des veines profondes, pour vérifier que le caillot était bien parti.

Je suis rentrée chez moi confiante et soulagée, car mon mollet s’est vite remis

Etant très sportive, je suis allée au fitness chaque jour, sans me douter des conséquences que cela allait avoir. J’aurais dû rester tranquille pour éviter que le caillot ne circule dans le corps. Mais on ne m’avait rien dit. Au bout de trois jours, j’ai commencé à être essoufflée régulièrement et à ressentir des douleurs de plus en plus fortes au cœur. Je ne me suis pas inquiétée outre mesure, pensant que c’était musculaire.

Si je n’avais pas téléphoné à ce moment-là à mon compagnon resté en Suisse, ça aurait pu très mal se terminer. C’est lui qui a insisté pour que j’aille à l’hôpital en m’entendant respirer avec peine et pousser des cris de douleur pendant notre conversation. Moi, je relativisais, disant que ce n’était rien de grave. Alors que j’ai habituellement la tête dure, je l’ai finalement écouté. Avec le recul, je sais aujourd’hui qu’il m’a sauvé la vie.

Je suis arrivée à l’hôpital blanche comme un linge, m’a-t-on dit

Sans que je comprenne comment, je me suis retrouvée sur une civière avec le personnel soignant criant de tous les côtés. Les prises de sang ont confirmé que mon sang était très épais. C’était mauvais. Après le scanner, le pneumologue est venu me voir aux soins intensifs. Il m’a pris la main et m’a dit: «Nathalie c’est bien que vous soyez venue à l’hôpital, mais vous êtes en danger de mort.» Je me suis mise à pleurer. Il m’a expliqué que je faisais une embolie pulmonaire bilatérale: j’avais des caillots de sang dans les deux poumons, qui risquaient à tout moment de monter au cœur ou au cerveau. C’était soit la mort, soit l’infirmité cérébrale.

On m’a administré des anticoagulants et j’ai dû rester deux jours entiers sans bouger pour empêcher les caillots de circuler. Moralement, ces 48 heures ont été très dures. J’ai vu toute ma vie défiler. J’ai eu envie de demander pardon à des personnes avec qui j’étais en froid, de dire à mon entourage à quel point je l’aimais. J’ai réalisé qu’on n’était pas grand-chose sur terre et que j’avais plus que jamais envie de vivre. C’est au troisième jour, quand j’ai su que j’étais tirée d’affaire, que j’appris que mon embolie était due à la pilule contraceptive.

Sur le moment, je suis tombée des nues

J’ai aussi éprouvé de la colère. Jamais un gynécologue ne m’avait demandé si j’avais des problèmes de circulation sanguine, ce qui était le cas, et ne m’avait averti des risques que j’encourais. Si j’avais su, j’aurais pris un autre moyen de contraception. J’étais aussi fâchée contre l’hôpital qui ne m’avait pas dit de rester tranquille après m’avoir injecté l’héparine. J’aurais pu porter plainte. Mais j’étais en vie et je n’avais pas envie de gaspiller mon énergie.

Je suis en tout restée onze jours aux soins intensifs

A la fin, on m’a refait une IRM: tout était à nouveau en ordre. Pendant l’année qui a suivi, j’ai dû effectuer des contrôles sanguins chaque mois pour écarter tout risque de rechute. J’ai recommencé le sport, doucement, redoublé d’efforts pour mener une vie saine, en mangeant équilibré et en buvant beaucoup d’eau. La vie a repris son cours, à quelques exceptions près.

Physiquement, il m’est resté des séquelles. Pour travailler, je porte depuis des bas de contention. Si je voyage en avion, je dois également les mettre et m’injecter un anticoagulant. Je fais régulièrement des drainages pour dégonfler ma jambe qui a été abîmée par la thrombose. J’ai en outre des problèmes de varices récurrents. Enfin, je vois chaque année un phlébologue qui contrôle l’état de mes veines.

Ce sont des petits maux avec lesquels je vais devoir composer toute ma vie

Mais par rapport à d’autres femmes, qui ont eu moins de chance, je suis consciente de m’en être bien sortie: certaines sont mortes, d’autres sont restées handicapées. Aujourd’hui encore, quand je lis dans les médias qu’il y a de nouvelles victimes, je ne peux m’empêcher d’être en colère.

Comment est-ce encore possible en 2014? Pourquoi n’informe-t-on pas mieux les femmes? Pour ma part, j’ai arrêté de prendre la pilule traditionnelle. Le stérilet ne me convenant pas, je me suis tournée vers la minipilule, après avoir longuement hésité. Ma gynécologue m’a assuré qu’il n’y avait pas de risque: contrairement à la pilule traditionnelle, la minipilule ne contient pas d’œstrogène, l’hormone responsable des problèmes cardio-vasculaires. Je reste toutefois vigilante.

Plus que les séquelles physiques, c’est ma perception de la vie qui a changé

Depuis cet épisode, je vis intensément, au jour le jour. Je n’arrive par exemple plus à économiser. L’argent que je gagne, je le dépense tout de suite pour les gens que j’aime. Je suis également incapable de faire des projets sur le long terme.

C’est maintenant que tout se passe. Et la vie est belle! Elle a pris des couleurs plus intenses. Un peu comme si on m’avait donné la possibilité de connaître un nouveau départ. C’est une chance que j’apprécie chaque jour qui passe depuis bientôt dix ans.

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