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«J’ai été observatrice des droits humains au Chiapas»

Temoin chiapas 72 0

Céline en mission dans la campagne mexicaine en octobre 2010.

© DR

Après mon master en sciences de l’environnement,je souhaitais faire un voyage «utile» et pouvoir découvrir un pays d’Amérique latine. J’adore ce continent, j’y étais déjà allée en touriste, je parle un peu l’espagnol. Je me suis renseignée sur plusieurs Organisations non gouvernementales (ONG) et la philosophie de Peace Watch Switzerland m’a plu. D’abord parce que les observateurs des droits humains sont vraiment utiles. Ensuite parce que des séjours de deux mois sont possibles (contre trois habituellement) et la maîtrise parfaite de la langue n’est pas obligatoire. Pour une première expérience, cela me convenait. Ce serait une sorte de test pour savoir comment j’allais réagir dans une situation de danger.

L’organisation est active en Palestine, en Colombie, au Guatemala et au Mexique

Je suis partie pour le Chiapas en septembre et octobre dernier. Mais attention, Peace Watch ne lâche pas ses observateurs comme ça dans la nature. Nous devons suivre une formation, payante, de six jours, après laquelle il est toujours possible de renoncer au voyage.

On nous prépare à ce qui nous attend notamment à travers des jeux de rôle. La sécurité est importante, mais on doit aussi apprendre à observer sans interagir. Notre fonction est vraiment d’assurer une présence internationale dans des zones en conflit. Pour résumer très schématiquement, le Chiapas est l’Etat le plus au sud du Mexique et l’un des plus pauvres, malgré les richesses naturelles contenues dans son sol. Des milices paramilitaires tentent d’intimider les populations locales pour leur reprendre leurs terres. Les peuples en résistance ont pris les armes en 1994 pour défendre leur patrimoine, sous le nom d’Armée zapatiste de libération nationale. En tant qu’Européens, notre présence est dissuasive et plus efficace que si c’était des Mexicains qui s’interposaient. Le gouvernement sait qu’en rentrant en Europe, nous témoignerons de ce que nous avons vu et que l’image du pays en pâtira.

Sur place, nous sommes toujours au minimum deux, souvent des femmes

Je ne sais pas pourquoi le bénévolat est essentiellement féminin. Une ONG sur place fait le lien entre les arrivants des différents pays. C’est ça qui me plaisait aussi: rencontrer de nouvelles personnes avec les mêmes idéaux que moi. Elles sont d’ailleurs devenues des amies. Entre nous, la langue commune est l’espagnol et non l’anglais, ce qui est aussi un bonus pour améliorer nos connaissances. Nous sommes basées à San Cristobal, de là nous partons pour des missions de deux semaines dans des villages indigènes. Si à San Cristobal, on bénéficie des infrastructures d’une ville avec tout le confort, de l’animation le soir et l’accès à Internet, dans les villages c’est plus rudimentaire. On nous offre un toit et, grosso modo, c’est tout. On doit prendre son hamac pour dormir, la salle de bains se résume à un tuyau d’arrivée d’eau et, avec de la chance, on a des vraies toilettes, et non un trou dans une cabane à l’extérieur. Le luxe, c’est d’avoir une cuisinière à gaz, sinon on cuisine au feu de bois ce qui nous prend l’essentiel de la journée… Comme on doit emporter avec nous des provisions pour les deux semaines, nous n’avons pas de produits frais. Notre alimentation se résume à de l’avoine pour le matin, du riz et des haricots noirs, du lait en poudre, des pastilles pour purifier l’eau. Pas d’alcool bien sûr, c’est complètement interdit.

N ous n‘a vons que très peu de contacts avec les villageois

Nous ne devons rien accepter d’eux, ne rien leur donner, ne pas les prendre en photo, car tout cela pourrait les mettre en danger. C’est dur parfois quand on voit des enfants jouer avec un ballon percé, on a envie de leur en offrir un neuf mais nous ne sommes pas là pour faire de l’humanitaire. Nous devons nous occuper. J’avais pris beaucoup de livres, j’ai aussi appris à tricoter avec une amie allemande!

Je ne me suis jamais sentie en danger même si un observateur a été tué quelques mois avant mon départ. Les régions où j’ai été envoyée étaient plutôt calmes. Les structures sont en place depuis longtemps, il y a un tournus pour assurer une présence en continu et les Zapatistes se protègent entre eux. La surveillance est plus forte dans les zones qui ont connu des massacres, comme le village de Acteal où 45 civils, surtout des femmes et des enfants, ont été tués en 1997, et où il y a dés-ormais une forte présence internationale. Parfois, on se demande ce que l’on fait là, ce n’est pas notre histoire, pas notre pays, mais au final, on a la satisfaction d’avoir contribué à une cause qui nous tient à cœur et le sentiment d’avoir été utile à la défense des droits humains. Au retour, nous faisons un rapport à l’ONG, sur place d’abord, puis un débriefing en Suisse.

Cette expérience n’a pas fondamentalement bouleversé mes idéaux

J’aime vivre simplement, trier mes déchets, économiser l’eau, cela me paraît normal. Je consomme quand même moins maintenant car après avoir vu le dénuement total, j’ai été écœurée par la surabondance ici. Mais je ne fais pas de prosélytisme, il faut vivre avec la réalité de son pays, on est en Suisse! Je respecte les convictions de mes amis, chacun fait comme il veut. De toute façon, l’enthousiasme retombe un peu au retour. A San Cristobal, il y a beaucoup de volontaires et, du coup, beaucoup d’émulation pour la défense des droits des populations indigènes, l’anticapitalisme, etc. Mais même au sein des communautés indigènes, on sent que pour la nouvelle génération, l’attachement à la culture ancestrale est moins important. En étant de plus en plus en contact avec les médias, les populations citadines et les étrangers, les jeunes indigènes ont envie de s’occidentaliser et perdent certains de leurs idéaux.»

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