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A 15 ans, je voulais déjà être mannequin

Je me souviens d’un défilé de mode auquel j’ai pu assister, car ma mère était couturière et avait participé à la création des vêtements. J’étais subjuguée par la beauté des modèles qui défilaient sur le podium dans de splendides manteaux de fourrure. J’aurais voulu être à leur place. Mais ma mère, qui était veuve et devait travailler pour nous élever, mes deux sœurs et moi, m’a expliqué que ce n’était pas possible. J’ai donc remisé mes rêves de gloire au placard avant d’entreprendre un apprentissage d’employée de commerce.

Après une vie professionnelle bien remplie dans le domaine industriel, j’ai pris ma retraite à 62 ans. Un jour, alors que j’étais dans une gare, j’ai vu une affiche publicitaire avec une femme d’un certain âge aux cheveux gris. Je me suis dit: «Tiens, pourquoi pas moi?» J’ai fait des recherches sur internet et j’ai trouvé une agence qui engageait des mannequins seniors. C’était en 2003, le phénomène était alors assez nouveau. Les publicitaires commençaient juste à réaliser que les baby-boomers représentaient un public cible intéressant. D’une part, parce qu’ils avaient (et ont encore) une longue espérance de vie devant eux, et d’autre part, parce qu’ils dépensaient déjà beaucoup dans les loisirs, les voyages et les cosmétiques, entre autres.

Sans expérience, j’ai pris des cours

Comme je n’avais aucune expérience du monde de la mode et que je voulais mettre toutes les chances de mon côté, j’ai commencé par m’inscrire à des cours de maintien et de mannequinat dans une agence. Je me suis retrouvée avec des jeunes filles de 16-18 ans qui rêvaient elles aussi d’être modèle. Elles m’ont très bien acceptée parmi elles.

Durant ces cours, j’ai appris à me maquiller, à défiler, à me présenter et à poser devant un objectif. On nous a également prévenues des dangers de ce métier, notamment de nous méfier des agences qui font miroiter des choses en demandant des sommes conséquentes d’inscription ou pour constituer notre book photo. A mon âge, j’étais consciente que je n’allais pas entamer une grande carrière. Je me disais que si j’avais la chance de faire quelques photos de temps en temps histoire de mettre un peu de piment dans ma vie, ce serait déjà formidable. Je suis d’un naturel curieux et j’aime tenter de nouvelles expériences.

Incarner des personnages

J’ai en fait trouvé deux agences pour me représenter, une à Lausanne et l’autre à Zurich. Mon premier travail de mannequin a été une séance photos destinée au dépliant de Noël d’un grand magasin. Au début du shooting, j’avais le cœur qui battait la chamade, mais je me suis dit: «Tu as voulu le faire, maintenant vas-y!» Durant une demi-journée, j’ai posé en suivant les indications du photographe qui me précisait où regarder, comment bouger la tête, etc. Cela s’est bien passé et l’expérience m’a beaucoup plu. Je me suis rendu compte qu’être mannequin n’est pas très éloigné de jouer la comédie. On nous demande souvent d’incarner un personnage… Pour les besoins d’une photo, j’incarne le rôle qu’on me donne: grand-mère avec ses petits-enfants, directrice, senior active. J’aime bien me glisser dans la peau de quelqu’un d’autre. Ce que j’apprécie aussi, ce sont les séances avec plusieurs modèles. L’ambiance se révèle souvent très sympathique. On rit même parfois beaucoup.

Cette activité me permet aussi de vivre des expériences hors du commun. Par exemple, lors d’une séance photos pour des bijoux de luxe, je portais un bracelet en saphir et or gris qui valait une fortune. Je me sentais comme une VIP! Nous étions sous haute protection puisque la police assurait la sécurité en surveillant le plateau où se déroulaient les prises de vue.

J’ai aussi eu l’occasion d’être engagée par une grande marque de cosmétiques. Ils m’ont coloré les cheveux et nous avons fait une tournée en Suisse pour un workshop destiné aux coiffeurs. L’agence m’a demandé de continuer les teintures, mais j’ai refusé. Je me préfère avec les cheveux gris, j’en suis même fière. J’ai 73 ans et je veux représenter ma tranche d’âge en restant moi-même. Bien sûr, je prends soin de moi, je soigne ma peau avec des crèmes, mais il n’est pas question que je fasse de la chirurgie esthétique. D’abord parce que j’accepte mes années et mes rides, et ensuite parce que cela coûte trop cher. Je préfère dépenser mon argent à voyager. Sans compter que le résultat d’une opération de chirurgie esthétique peut s’avérer désastreux.

Positiver les échecs

Dans ce métier, il faut aussi savoir accepter les refus. Quand je participe à un casting sans être choisie, je suis déçue, bien sûr, mais cela fait partie du jeu. Je bois un café, et cinq minutes après, hop, je passe à autre chose! Inversement, il m’arrive de refuser certains contrats. Par exemple une publicité pour de l’alcool. On m’a aussi proposé de poser nue dans une campagne contre le cancer, mais je n’avais pas envie que mes amis me voient dénudée sur les murs de ma ville… Ces dernières années, la concurrence est devenue rude chez les mannequins seniors. Mais cela ne m’empêche pas de travailler régulièrement. Je rêve de pouvoir faire plus de photos de mode, et pourquoi pas, de représenter une marque de cosmétiques. On voit de plus en plus de mannequins de plus de 40 ans poser pour des crèmes anti-âge, mais pas encore des femmes de plus de 60 ans. Peut-être un jour?

Ce que je retiens de mon expérience, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour réaliser ses rêves. Quand j’étais jeune, je n’ai pu faire ni danse classique ni patin à glace, alors que je le souhaitais. Je m’y suis donc mise plus tard. J’ai commencé le patinage artistique à 46 ans, cela a été difficile: je suis tombée maintes fois sur les fesses mais, en me relevant toujours, j’ai progressé. J’ai même fini par intégrer un groupe de patinage synchronisé… Et à 70 ans, j’ai commencé à prendre des cours de danse. Je pratique depuis les danses de salon et la «Country Line Dance». C’est bon pour ma condition physique comme pour ma mémoire – il y a beaucoup de pas à mémoriser. En fait, je m’épanouis… Et ma santé étant excellente, j’espère continuer longtemps à exercer mon activité de mannequin.

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