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J’ai fait de mon handicap un atout

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j’ai soulevé la couverture et constaté que j’avais «un bout en moins».

© Noura Gauper

© Noura Gauper

Les challenges, ça me connaît! D’adolescent en surpoids, je suis passé à athlète de haut niveau dans ma discipline. Cela grâce à une volonté de fer, une discipline drastique et une année dans l’armée suisse, une expérience qui a forgé mon caractère. A 21 ans, parallèlement à mes études, je me suis lancé à corps perdu dans le sport avec un but: devenir champion de Suisse de body-building. Ne faisant jamais les choses à moitié, j’ai ouvert ma propre salle de fitness et de coaching en nutrition. Très actif, je cumulais les jobs et les activités. A l’âge de 24 ans, j’ai décroché une troisième place au championnat de Suisse chez les juniors. Je n’avais qu’une idée en tête: m’entraîner encore et encore afin de pouvoir évoluer un jour chez les pros. Ma vie était un véritable tourbillon entre les entraînements et mes nombreuses occupations.

Après l’accident de moto, les doutes

Un beau jour de juin où j’avais congé, j’ai enfourché ma moto pour me rendre à Lausanne. Alors que je circulais normalement au centre-ville, une voiture m’a coupé la route. Je n’ai pas pu l’éviter: le choc a été brutal. Je me suis senti propulsé en l’air. Afin de ne pas tomber tête la première sur le bitume, j’ai eu le réflexe de projeter mon épaule en avant. Au sol, durant une fraction de seconde, j’ai pensé: «Ouf, je n’ai rien!», puis j’ai vu que ma jambe gauche était dans un sale état. Après m’avoir fait un garrot, les ambulanciers m’ont emmené à l’hôpital où j’ai été endormi. A mon réveil aux soins intensifs, mes jambes étaient plâtrées et maintenues dans des fixateurs. Ce qui signifiait que mon départ, la semaine suivante, pour le Japon était sérieusement compromis! Le chirurgien m’a expliqué que ma jambe gauche avait une multitude de fractures et que la circulation sanguine était endommagée, ce qui avait nécessité de prélever des veines sur l’autre jambe. Celle-ci était d’ailleurs aussi bien amochée, notamment les articulations du pied.

Ma seule préoccupation était de savoir si je pouvais continuer le sport. Pour que je retrouve une certaine mobilité, il n’y avait qu’une solution: amputer mon membre gauche car il risquait l’infection et resterait douloureux et raide. Sans hésiter, j’ai répondu que j’étais d’accord. Surpris, les médecins m’ont demandé de prendre le temps de réfléchir. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est que j’avais déjà été confronté à cette réflexion, puisque je venais de poser ma candidature pour être démineur à l’armée. Etrangement, quelques semaines auparavant, j’avais même fait un cauchemar où je perdais une jambe… Prémonitoire ou pas, il était en tout cas hors de question que je renonce au body-building. Mon choix était fait. D’autant plus qu’en regardant sur internet, j’ai vu qu’il y avait des sportifs handicapés qui faisaient une belle carrière. Face à cette résilience si rapide, le personnel médical était perplexe. J’ai dû le convaincre que j’étais en pleine possession de mes moyens.

Témoigner sur YouTube

Ironiquement, le matin de mon amputation – une semaine après l’accident – j’ai reçu une notification sur mon téléphone pour me rappeler mon vol pour Tokyo. En lieu et place de l’Empire du Soleil levant, je me suis retrouvé au bloc opératoire. Bien moins glamour! Quand j’ai ouvert les yeux, j’ai soulevé la couverture et constaté que j’avais «un bout en moins». Un choc, même si on s’y est préparé! Quand on m’a enlevé les bandages, trois jours après, j’ai été confronté à la vision de mon moignon. Il allait désormais falloir composer avec.

Quelques jours plus tard, encouragé par un ami impressionné «par ma motivation», j’ai commencé à tourner des vidéos témoignages. Une sorte de journal intime, réalisé avec mon smartphone, et posté sur ma chaîne YouTube («Amputated but not giving up», Amputé mais pas désespéré), qui montre les différentes étapes de mon rétablissement afin de pouvoir aider d’autres personnes dans une situation similaire. Cette démarche m’a aussi aidé à accepter mon nouveau corps et à aller de l’avant. Très entouré par ma famille et mes amis durant ma convalescence, je n’ai jamais perdu mon état d’esprit de winner. Mon objectif était clair: je prendrais le temps qu’il faudrait pour retrouver le niveau d’avant ma chute. Dans cette perspective, je me suis entraîné durement dans ma chambre et le centre de rééducation pour regagner la masse musculaire perdue – moins 25 kilos quand même!

Terminator au Japon

Une fois de retour dans mon appartement situé au premier étage, je suis retourné en salle de sport. Avec des béquilles dans un premier temps. Puis, une fois mon moignon cicatrisé, avec une prothèse qu’il a fallu adapter maintes et maintes fois. Preuve que ma vie était en train de reprendre son cours normal, ou presque, je suis parti au Japon un peu plus d’une année après mon accident. Avec mon allure de «Terminator», je ne suis pas passé inaperçu…

L’an passé, j’ai enfin pu remonter sur scène et me confronter à des valides – je me suis classé 3e dans la catégorie «Petites tailles». Pour moi, il n’était pas envisageable de concourir dans la catégorie «Handicapés». J’assume complètement mon handicap que je ne cache pas, bien au contraire, mais comme mes nouveaux modèles – des sportifs handicapés célèbres – je veux montrer à quel point il est possible de se surpasser en réalisant des exploits qui dépassent parfois ceux de personnes valides. Même après un coup du sort, il est possible de rebondir et de faire d’une différence un atout. Si je peux être une figure inspirante, notamment pour des personnes diminuées physiquement, j’en serais ravi. Car j’ai envie de leur dire: «Vous seriez étonné de quoi vous êtes capable si vous vous en donnez les moyens.»

Je m’apprête à participer au Championnat de Suisse de body-building, où je vise la première place. Mon but est de passer pro et de participer à des compétitions internationales. Coach de vie, j’ai aussi ouvert un fitness avec des machines spécifiques et j’ai encore de nombreux autres rêves que je compte réaliser.

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