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J’ai appris à gérer ma violence

Femina 30 Temoin Homme Violent

Les mots blessants laissent des traces et des blessures profondes.

© Sandra Garrido Campos

Enfant unique, j’ai grandi dans un climat explosif. Pris en otage entre un père colérique et une mère fragile psychologiquement, j’ai vite assimilé le fait qu’il fallait être un garçon sage pour ne pas perturber davantage mes parents. J’ai assisté à plusieurs «pétages de plomb» de mon père, qui pouvait partir en vrille pour des choses semblant insignifiantes. Face à ces débordements de violence verbale, je me sentais très mal. Si mon père n’a jamais levé la main sur moi, il pouvait avoir des gestes brutaux, comme ce jour où il a lancé au loin mon vélo, car il n’était pas parqué là où il aurait dû être.

Ma plus grande peur était que mes parents se séparent

Je m’efforçais donc d’être un fils modèle, travaillant bien à l’école, ne posant pas de problème, afin d’apaiser les tensions et d’éviter les explosions de colère. Pour m’évader de cet environnement nocif, je me suis lancé à corps perdu dans différents sports. A l’adolescence, il était hors de question que je me révolte contre l’autorité parentale, comme certains de mes amis le faisaient. Je ne pouvais pas me le permettre, c’était trop «dangereux» pour moi. J’étais en quelque sorte «programmé pour faire plaisir». Une fois adulte, j’ai continué à jouer les caméléons, ce qui m’a permis de faire une belle ascension au niveau de ma carrière professionnelle. J’ai eu la chance de rencontrer Caroline*, une femme bien dans ses baskets, qui m’a donné trois beaux enfants. Très fier de ma famille, il me semblait avoir réussi là où mon propre père avait échoué.

C’est à l’adolescence de mon fils aîné que la belle carapace s’est fissurée. En effet, mon fiston se permettait de faire des choses que je n’avais jamais osé faire. Il me répondait vertement et me désobéissait – comme tout ado normal – ce qui me faisait littéralement sortir de mes gonds. Pour ne rien arranger, j’étais épuisé émotionnellement, car très investi dans mon travail. A force de toujours vouloir satisfaire les autres – toujours cette peur de décevoir – j’ai perdu pied. J’ai fait un burnout. C’est comme si la soupape de sécurité, qui avait tenu bon jusque-là, avait brutalement lâché. A fleur de peau, je pouvais avoir des mots très durs à l’égard de mon entourage. J’ai entrepris un travail sur moi-même avec l’aide d’une thérapeute. Malgré tout, il y avait encore de nombreuses tensions à la maison à cause du comportement inadéquat, selon moi, de mon adolescent. Certaines situations avaient le don de me mettre hors de moi. Je partais dans des accès de rage incontrôlables.

Un climat de terreur

Un jour, ma femme m’a annoncé qu’elle avait assisté à une séance d’information sur la violence conjugale. Ce mot m’a percuté de plein fouet. Dans la foulée, elle m’a expliqué qu’elle ne supportait plus mes déversements de colère. Face à ses larmes, j’ai réalisé que j’étais devenu un homme violent. Un terrible choc! Alors que ce dont je rêvais, c’était d’offrir un havre de paix à ma petite famille, j’avais réussi à faire régner le même climat de terreur que mon père. Irascible et tyrannique, j’étais devenu sans m’en rendre compte son clone.

Caroline m’a posé un ultimatum: ou je réagissais en entamant un travail pour régler cette colère destructrice ou je m’éloignais temporairement du domicile. Bien sûr, le choix a été vite fait. Je me suis engagé à commencer un travail sur moi, afin de ne plus franchir la ligne rouge.

J’ai pris contact avec un centre de prévention qui propose des consultations pour personnes ayant recours à la violence au sein du couple ou de la famille. Lors de l’état des lieux avec l’intervenant spécialisé qui m’a reçu, il m’a fallu du courage pour reconnaître mes comportements violents. Mais voulant sincèrement y mettre un terme, j’ai accepté de faire un suivi individuel sur plusieurs séances. La démarche de ce centre est très concrète, puisqu’on travaille sur des contextes vécus. Pour devenir conscient de mes mécanismes, j’ai commencé à tenir un journal de bord, une sorte de carnet de vie, où je notais avec une grande honnêteté tout ce que je traversais au quotidien. Ensuite, avec l’aide de mon accompagnant, nous réfléchissions afin de trouver d’autres pistes et d’autres moyens que la violence verbale pour communiquer avec mes proches.

Reconnaître les montées de fureur

Une étape importante a été d’apprendre à gérer ma colère. Trop longtemps contenue, elle surgissait tel un raz de marée dans des situations qui me touchaient au plus profond. Au fil des séances, j’ai réalisé que j’étais coupé de mes émotions. Une façon radicale de se protéger pour le petit garçon que j’étais, noyé au milieu d’un flot d’agressivité. La lecture du livre «La puissance des émotions», de Michelle Larivey, a provoqué un déclic. J’ai compris que je pouvais laisser vivre en moi sans danger mes émotions au lieu de les contenir jusqu’à ce que cela explose.

En apprenant à identifier les signes précurseurs de mes montées de fureur, je me suis libéré de l’emprise de ces déchaînements incontrôlables. Grâce aux outils acquis dans le cadre de cet accompagnement, j’ai parcouru un bon bout de chemin, même si la route est encore longue. Il a fallu du temps pour réparer, ou plutôt atténuer, ce qui avait été abîmé. Car les mots blessants laissent des traces et des blessures profondes. Je regagne pas à pas la confiance des miens en leur prouvant que je peux évoluer et, surtout, que je suis un homme capable d’exprimer ce qu’il ressent de manière apaisée. Le jour où j’ai pu m’asseoir à la même table que mon fils et dialoguer sereinement avec lui reste l’une de mes plus belles victoires. Quand je lui ai présenté des excuses pour tout le mal que je lui ai fait subir, il m’a simplement dit: «Au moins tu l’as vu et tu as fait quelque chose».

A toutes les personnes qui ont du mal à gérer leur colère, je voudrais leur transmettre ce message: n’attendez pas pour réagir et vous prendre en main. Un fonctionnement destructeur a un impact sur tout votre entourage. Cela vaut la peine d’investir du temps pour «reprogrammer la machine». Il en va de votre propre bien-être et de celui de votre famille.

* Noms connus de la rédaction.


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