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Dépendante affective et sexuelle, j’ai vécu l’enfer

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Totalement inconsciente,  je me mettais régulièrement en danger.

© Getty Images/iStockphoto

Une enfance perturbée

Issue d’une famille dysfonctionnelle, mon enfance n’a pas été toute rose. Avec un père volage et absent et une mère portée sur la bouteille, j’ai dû très vite apprendre à devenir autonome. Mes seuls souvenirs de petite fille heureuse et insouciante sont les vacances estivales qu’on passait chaque année dans la famille de ma mère. Cette dernière étant prise en charge par ses proches, je pouvais enfin vaquer à mes occupations de fillette et jouer avec mes cousins et cousines.

A l’âge de 12 ans, alors que je cherchais les cadeaux de Noël cachés, je suis tombée sur des vidéos pornographiques. Curieuse, je n’ai pas pu m’empêcher de les glisser dans le magnétoscope. En visionnant ces scènes d’adultes s’adonnant au sexe, j’ai ressenti un mélange contradictoire de dégoût et d’excitation. Suite à ça, j’ai pris l’habitude de me masturber de manière compulsive en regardant ces séquences hard. Ce «passe-temps» me permettait de m’évader de mon quotidien. Timide et mal à l’aise dans mon corps, j’étais secrètement amoureuse de certains de mes camarades. C’est pour en épater que j’ai fumé mon premier joint à l’âge de 15 ans. Cette échappatoire – une de plus – est vite devenue une addiction.

Pour imiter mes copines qui avaient déjà «couché», j’ai eu ma première relation sexuelle à l’âge de 16 ans avec un garçon que je n’aimais pas. Mon rapport à l’amour était déjà faussé par mes carences affectives. Mon schéma était simple: j’aimais ceux qui me fuyaient et je fuyais ceux qui me montraient de l’affection.

Un sentiment de toute-puissance

A 21 ans, après de multiples relations, j’ai eu envie de me poser. J’ai rencontré un homme avec qui je me suis mise en ménage. Il n’a pas tardé à se montrer violent à mon égard, mais j’avais tellement peur de me retrouver seule que je suis restée avec lui. Je tenais tant bien que mal grâce à la drogue – les joints étaient devenus une véritable béquille pour supporter ma situation. Quand j’ai appris que j’étais enceinte, j’ai décidé de me reprendre en main afin de bien accueillir ce bébé. Celui-ci a vu le jour dans un climat conflictuel, ponctué de cris et de coups. Soutenue par une assistante sociale, j’ai trouvé la force de partir quelque temps plus tard. Mais cela ne m’a pas empêchée de poursuivre cette relation avec cet homme maltraitant. Persuadée que c’était notre «destin» d’être ensemble, je suis allée loin dans le déni de moi-même.

Quand cette liaison nocive a pris fin, j’ai sombré dans la dépression. Je suis retombée dans mes pires travers: la drogue, à laquelle s’est ajoutée la consommation d’alcool. Dégoûtée de la gent masculine, je fuyais son contact. Mais mes bonnes résolutions se sont envolées le jour où, faisant du stop après avoir loupé mon bus, un bel homme s’est arrêté et m’a proposé de me raccompagner chez moi. Je l’ai invité à boire un verre et nous avons couché ensemble. Il est devenu un amant régulier. C’est bien connu: l’appétit vient en mangeant… Je me suis mise à collectionner les aventures sexuelles. Avec un voisin, avec des inconnus. La plupart du temps, je faisais leur connaissance via des forums sur internet. Nous échangions des photos explicites, et je les invitais chez moi s’ils me plaisaient. Ces hommes débarquaient le soir, parfois très tard. Totalement inconsciente, je me mettais régulièrement en danger en ayant des relations intimes sans préservatif. Je ne compte pas le nombre de fois où j’ai fait des tests de dépistage VIH en tremblant de peur et en me promettant de ne pas recommencer.

Le fait de mener la danse avec tous ces amants me donnait un sentiment de toute-puissance. Pour moi, ils n’étaient rien d’autre que des numéros. Si quelque chose me gênait chez l’un d’eux, je le congédiais sans états d’âme et passais au suivant.

Après deux ans de cette vie de débauche, j’ai eu envie de stabilité. J’ai rencontré un homme que j’ai épousé. Notre relation d’une dizaine d’années a été mouvementée, ponctuée par de nombreuses ruptures. Très en demande affectivement, je souffrais de son manque d’attention. Au lieu de me rassurer, il me rabaissait en permanence. J’avais l’impression d’avoir perdu toute dignité, ce qui m’a conduite à retourner sur internet, où j’ai découvert l’existence des «chatroulettes», des messageries en direct où chacun s’exhibe face à une webcam. J’ai pris l’habitude de me masturber devant des inconnus qui m’envoyaient en simultané des commentaires. Etre le centre d’intérêt de ces hommes qui me désiraient était grisant. Malgré la présence de ma fille, j’en invitais certains à la maison. Durant cette période, j’ai perdu énormément de poids.

L’impression de devenir folle

De plus en plus accro à ces séances de masturbation par caméra interposée, je n’arrivais plus à avoir des relations sexuelles normales dans la vie. Il me fallait de plus en plus d’artifices pour être excitée. J’avais l’impression de devenir folle. C’est en lisant le best-seller «Ces femmes qui aiment trop» – qui faisait écho à mon histoire – que j’ai réalisé que je souffrais d’addiction affective et sexuelle. Un état de fait confirmé par mon psychothérapeute. Cette révélation a été un électrochoc. Dans le but de me soigner, j’ai intégré les dépendants affectifs et sexuels anonymes. Entendre les témoignages des autres m’a fait verser un torrent de larmes. Je n’étais donc pas la seule à avoir un besoin compulsif de sexe pour masquer des souffrances anciennes.

Dans le cadre du programme en 12 étapes de ce groupe, j’ai dû m’astreindre à une période d’abstinence afin de me «reformater». Avec le soutien d’une marraine, j’ai évité toutes les «situations à risque» durant neuf mois. J’ai appris à méditer pour me reconnecter avec mon moi profond. Je ne vais pas mentir: cela a parfois été très difficile, mais j’ai fait la plus belle rencontre qui soit: celle avec moi-même. Mon chemin vers la guérison n’est pas terminé, mais je sais que désormais le meilleur est devant moi.

* Prénom d’emprunt


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