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Avant de partir, je ne connaissais rien de la Chine

Je ne savais même pas dire «bonjour». Je croyais – j’en ris encore – que tous les Chinois portaient des lunettes, parce que, enfant, j’avais entendu dire qu’ils étaient tous myopes. J’ai appris que nous allions nous installer là-bas, trois mois avant notre départ: on avait proposé à mon mari un poste à Shanghai. Entre le déménagement et les démarches administratives, je n’ai pas eu le temps de m’informer davantage sur cette culture aux antipodes de la nôtre. Mais j’étais heureuse. Je quittais un travail dans les finances, à Yverdon, pour découvrir un pays et apprendre une langue. J’étais optimiste. J’allais rapidement trouver un emploi, au vu des annonces sur Internet.

Arrivés à Shanghai, nous nous sommes d’abord installés dans une de ces résidences pour expatriés, îlot de verdure en total décalage avec cette ville immense – le centre de Shanghai est plus grand que la ville de Paris, où j’ai grandi. Très motivée, j’ai entamé des recherches d’emploi qui se sont avérées plus difficiles que prévu, surtout quand on ne parle pas chinois et qu’on ne dispose pas du réseau indispensable à toute réussite en Chine.

Nous avions envie d’un enfant et, jusque-là, ça n’avait pas fonctionné naturellement

J’avais 39 ans, c’était le moment. Nous avons donc pris contact avec un hôpital pour effectuer une fécondation in vitro (FIV).Notre choix s’est porté sur un établissement spécialisé disposant d’un service VIP anglophone, grâce auquel nous avons pu accéder facilement à un traitement. Mais j’ai vite déchanté. Le traitement est lourd, pénible, les attentes démesurées et les questions nombreuses. Or les miennes restaient sans réponse. En Chine, les médecins n’ont pas l’habitude d’avoir des patients qui veulent comprendre. Aucun effort de pédagogie n’est fait. C’était très frustrant. Naviguer ainsi à vue est devenu vite insupportable.

J’ai donc décidé de changer d’hôpital

J’ai rencontré une gynécologue française dans un autre service qui a confirmé mes craintes. Le médecin avait fait n’importe quoi, n’augmentant en rien mes chances de procréer. Elle m’a orientée vers un hôpital entièrement chinois, réputé pour ses traitements, mais sans service VIP. J’allais devoir faire la queue comme les autres Chinoises. Et surtout trouver un traducteur parce que, dans ces hôpitaux, on ne parle pas très bien l’anglais. Je me souviens encore du premier rendez-vous: le vendredi après-midi, quelques heures avant le début des Jeux olympiques 2008, on m’a dit de me rendre à l’hôpital le lendemain. Trouver une interprète ce jour-là tenait de l’impossible. J’y suis arrivée, mais j’ai galéré.

Dans cet hôpital, j’étais quasi la seule Occidentale

Mais jamais je n’ai senti d’animosité de la part des Chinoises qui, comme moi, attendaient. Je n’obtenais pas plus d’explications, mais je pouvais appeler la gynécologue française à chaque question. J’ai dû aussi me plier à leur perception du temps. En Europe, le médecin prend les choses en main immédiatement. En Chine, il attend le bon moment. On ne force pas la nature, on travaille en harmonie avec elle. Il y a une certaine fatalité dans cette attitude. J’ai failli plus d’une fois m’énerver. Mais j’ai dû prendre mon mal en patience. Cela aurait été très mal vu. S’énerver en Chine revient à perdre la face.

Je suis finalement tombée enceinte

Je m’en suis rendu compte pendant les fêtes de Noël, alors que nous nous trouvions en Suisse. De retour en Chine, j’ai stoppé mes recherches d’emploi pour me consacrer à mes cours de chinois à l’Université de Jiaotong Les cours étant intensifs et la langue chinoise très difficile à apprendre, cela m’a pris l’essentiel de mon temps. C’est là, enceinte et entourée d’étudiants, que j’ai découvert le monde universitaire chinois, une grosse machine, auréolée de prestige, qui prépare les étudiants à être performants avant tout.

Malgré les incertitudes liées aux premiers mois, j’ai accouché à terme, par césarienne

C’était le 6 août 2009. Tout s’est bien passé, mais une fois dans ma chambre d’hôpital, avec Joseph dans les bras, mon mari et moi nous sommes retrouvés totalement démunis. Nous ne savions pas comment nous en occuper. Et les infirmières ne nous étaient d’aucun secours, la faute au barrage culturel. Heureusement, nous avons entendu parler de ces nounous spécialisées, des «Ayi» («tante»), auxquelles les familles chinoises ont recours après l’accouchement. Nous avons contacté l’une d’elles et, coup de chance, nous sommes tombés sur une nounou haut de gamme.

La nounou ne parlait que le shanghaïen et le mandarin

Avec mon niveau de débutante, on a surtout communiqué à l’aide d’un traducteur électronique. Elle a tout pris en main. Elle m’a montré comment allaiter, quel type de nourriture je devais manger pour mon lait. J’ai eu droit à des bouillons bien gras, agrémentés de pattes et de têtes de poulet – horreur! – et à un repos forcé d’un mois. Ces semaines ont été royales. Mais ma situation n’avait rien d’exceptionnel, je tiens à le préciser: là-bas, le premier mois est fondamental pour la mère et l’enfant, car il détermine leur santé future. C’est pour cela qu’il y a toujours une proche ou une nounou spécialisée aux côtés de la mère et de l’enfant les premières semaines. Bref, autant dire que j’ai récupéré très vite des suites de l’opération et, surtout, je n’ai pas perdu un gramme. Grâce à Joseph, j’ai aussi réalisé à quel point les Chinois adoraient les enfants. Ils en deviennent gâteux. La politique de l’enfant unique y est peut-être pour quelque chose, mais c’est, je pense, surtout lié à leur culture.

Cela fait bientôt un an que nous sommes de retour en Suisse, mais j’essaie de perpétuer ce que nous avons appris là-bas. Je poursuis ainsi mon apprentissage du chinois à l’Université de Genève où j’apprécie enfin une pédagogie adaptée aux Occidentaux. J’ai même réussi à trouver une amie chinoise à qui j’ai demandé de parler à Joseph en chinois. C’est important pour moi: j’ai eu un enfant là-bas, ça fait partie de mon histoire avec la Chine, un merveilleux pays qui nous a porté bonheur.

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