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J’ai trouvé la paix, mais seul un don d’organe me sauvera la vie

Femina 52 Temoin Greffe Poumon

Je me tiens prête... Il me faudra plier bagage en moins d’une heure, partir au CHUV en croisant les doigts.

© Magali Girardin

Il y a trois ans, je traversais la plaine de Plainpalais à Genève sur mon vélo, lorsque j’ai ressenti une violente douleur au niveau du thorax. Je me suis arrêtée pour reprendre mon souffle, suspectant une défaillance cardiaque. Je me suis immédiatement rendue à la permanence médicale la plus proche où j’ai été examinée avant que l’on me fasse une prise de sang. Le médecin de garde a pensé à une embolie pulmonaire. Il m’a renvoyée chez moi et m’a appelée après quelques heures pour me dire qu’il ne s’agissait pas de ça. Je n’en ai pas su davantage…

Six mois plus tard, le scénario s’est répété alors que je me trouvais à la maison. J’ai appelé ma voisine à l’aide car je me sentais vraiment très mal. Elle m’a accompagnée jusqu’à la clinique du quartier et j’ai eu droit à une simple auscultation. Le médecin a alors posé un nouveau diagnostic: fissure de la côte. Je suis rentrée chez moi, où je suis restée une semaine sans sortir pour récupérer. Cette seconde attaque avait été nettement plus intense.

Essoufflée et prise de vertiges

J’ai continué à travailler et vivre ma vie malgré un cortège de symptômes inquiétants: essoufflement et grande fatigue notamment. J’avais prévu de participer à un séminaire de photographie – ma passion – à Las Vegas et je ne voulais pas y renoncer. J’ai demandé au pneumologue que je consultais de me prescrire de la cortisone pour ma respiration, que je sentais de plus en plus courte. Je suis partie avec mes médicaments, en croisant les doigts… J’ai réalisé à quel point mon état physique s’était dégradé une fois sur place. Je n’arrivais plus à marcher longtemps, étais saisie de vertiges et me sentais constamment essoufflée. En rentrant, j’ai revu mon médecin et lui ai dit que le traitement n’avait eu aucun effet. Il m’a alors envoyée passer un scan à l’Hôpital de la Tour.

Lorsque le technicien est venu vers moi après la séance de scanner, j’ai compris que quelque chose n’allait pas. Il m’a demandé si je fumais et, quand je lui ai répondu par la négative, il n’a rien ajouté. Mon pneumologue m’a contactée pour me donner un rendez-vous. Une fois dans son cabinet, il m’a balancé la nouvelle: je souffrais de la maladie de LAM – ou lymphangioléiomyomatose – une pathologie rarissime. Ce syndrome ne touche que les femmes en âge de procréer et crée des kystes qui mènent à une insuffisance respiratoire allant jusqu’à la mort. Il ne m’a rien caché des possibilités d’évolution de la maladie et m’a dit que, sans transplantation, j’en avais grosso modo pour trois ans. J’étais dans un état second: ma vie venait de voler en éclats. J’ai encaissé le coup et suis partie annoncer la nouvelle à mes parents, au Portugal. Leur apprendre cela a été terrible… Ils avaient déjà perdu mon frère, dix ans auparavant.

Réaliser que le temps est compté

Dès mon retour en Suisse, j’ai à nouveau été saisie de douleurs aiguës. On m’a diagnostiqué un pneumothorax (ndlr: un décollement du poumon au niveau de la plèvre), et je suis restée hospitalisée aux HUG durant trois semaines. Les médecins ont posé un drain pour tenter de recoller mon poumon gauche. L’intervention a été très douloureuse et inconfortable. J’ai commencé à sentir mon poumon en me baissant, un poids qui pesait sur ma poitrine. Cet épisode m’a contrainte à cesser de travailler.

A présent, mon quotidien a changé. On m’a installé une bonbonne d’oxygène à domicile. Je vis constamment avec un tube dans le nez, qui m’aide à respirer en apportant l’air que mes poumons n’arrivent plus à fournir à mon organisme. Ces bouleversements m’ont fait réfléchir. J’ai réalisé que mon temps était compté. Avant la maladie, j’avais une foule de projets: voyager, prendre des photos, me lancer dans la culture du safran… J’occupais un poste de réceptionniste dans un milieu agréable et me réalisais par ailleurs à travers ce qui me passionnait vraiment: suivre des ateliers de photographie en Amérique du Nord et ailleurs. Je passais mes journées de travail à rêver à ces quatre semaines de vacances, durant lesquelles je pourrais enfin «respirer».

Envisager un nouveau chemin de vie

Vivre en recluse, dans l’attente d’une greffe, ne me déprime pas. Je ne considère pas mon état comme une injustice. Depuis que la maladie a été diagnostiquée, mon regard sur moi-même a évolué. La symbolique du poumon, organe qui nourrit le sang en oxygène et insuffle la vie à nos cellules, n’est pas anodine. Dans la médecine orientale, cette partie du corps est associée à la tristesse. J’ai beaucoup pensé au suicide de mon frère, à ce deuil que je n’ai jamais réussi à faire. Enfin, je ne considère pas que la maladie me définit. Je la vois comme une visiteuse inattendue qui, au final, m’a beaucoup appris.

Tous les trois mois, je participe à des groupes aux HUG réunissant des patients en attente de greffe. J’y ai rencontré Gautier, un homme du même âge que moi, lui-même greffé du foie. C’est une personne positive et lumineuse qui m’a fait beaucoup de bien. Il m’a appris à ne pas baisser les bras, à me battre et à aller de l’avant. Pourquoi cette maladie? Comment prendre soin de soi? De quelle façon se préparer au mieux à la greffe? Ces interrogations m’ont amenée à contacter Jean-Paul, un coach personnel qui est devenu un soutien des plus précieux. Ces rencontres m’ont guidée dans mon cheminement spirituel. Parmi mes lectures favorites figurent ainsi les livres d’Alexandre Jollien. Tout ce qu’il dit me touche et sa façon d’envisager la vie m’apaise énormément. Naturellement, je continue à voir mes amis, mais ce n’est pas évident pour eux de comprendre ce que je traverse. Mes parents ont également beaucoup de peine à parler de la maladie. Trouver le juste milieu entre les sentiments de peur et d’empathie n’est pas une mince affaire…

Aujourd’hui, je figure en tête de liste du registre des personnes en attente d’une greffe des poumons. On peut m’appeler à tout moment pour une intervention, de jour comme de nuit. Je me tiens prête puisqu’il me faudra plier bagage en moins d’une heure, partir au CHUV en croisant les doigts. J’ai hâte de recevoir ce coup de fil. Avant de développer cette maladie, j’étais donneuse d’organes. Ça représentait une évidence pour moi, quelque chose de naturel.

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