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J’ai accueilli un enfant défavorisé, c’est devenu un fils

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Pierrette et sa fille Pauline se réjouissent toujours de revoir Michaël.

© Jeanne Gerster

Le partage au moment des fêtes

Ma famille et moi avons eu le plaisir de partager la magie des fêtes de fin d’année avec Michaël. Notre rencontre remonte en fait à dix ans. A l’époque, je souhaitais recevoir chez nous un enfant socialement défavorisé. J’ai contacté l’association Feu et Joie – aujourd’hui disparue – qui était à la recherche de familles d’accueil bénévoles pour des petits Parisiens durant les vacances. On m’a demandé si j’avais une préférence concernant l’âge ou le sexe. J’ai répondu que cela m’était égal. Mon seul souhait était d’ouvrir de nouvelles perspectives à un jeune pas très gâté par la vie en l’invitant dans mon petit havre de paix – une ferme dans la campagne vaudoise.

Quelques jours avant Noël, accompagnée par mon mari et mes enfants, je suis partie chercher le petit garçon qu’on m’avait attribué et qui allait passer deux semaines avec nous. Je ne savais pas grand-chose de lui, sinon qu’il avait 3 ans et demi, qu’il était un gamin sociable et joyeux et qu’il vivait seul avec sa mère en banlieue parisienne. Au milieu de la nuée d’enfants qui couraient partout, la responsable de l’association m’a montré un bout de chou haut comme trois pommes qui m’a regardé avec ses grands yeux noirs: «C’est le vôtre!»

Les premiers jours, Michaël a dû prendre ses marques dans cet environnement si différent du sien. Tout lui faisait peur, à commencer par les aboiements des chiens de la maison. Mes enfants, âgés de 13 à 20 ans, l’ont immédiatement pris sous leur aile et il s’est mis à trottiner sur leurs pas. Il observait à distance la traite des vaches, car il n’osait pas s’en approcher. Et il avait la hantise des mouches, ce qui a donné lieu à quelques cavalcades dans l’étable.

Malgré deux-trois larmes versées les premiers jours – sa maman lui manquait, ce qui est normal – Michaël s’est vite adapté à cette nouvelle vie à la campagne. Il a découvert le plaisir de dévaler en luge les talus de neige avec les gamins du village, de courir dans des champs à perte de vue. Quelle joie cela a été de voir ses yeux émerveillés au moment de décorer le sapin que nous venions de couper dans la forêt familiale! Pouvoir lui faire découvrir tant de choses a été mon plus beau cadeau de Noël cette année-là. Après deux semaines passées ensemble, nous avions déjà tissé des liens forts et les adieux ont été déchirants. Mais je savais que l’histoire ne faisait que commencer.

De l’énergie à revendre

Effectivement, Michaël est revenu durant les vacances de Pâques, puis six semaines en été. Et il a fêté le Noël suivant chez nous, pour mon plus grand bonheur. Chacun de ses séjours dans notre ferme est l’occasion d’un bol d’air frais, pour lui comme pour moi et mes proches. Grâce à sa présence, j’ai replongé dans le monde merveilleux de l’enfance. Que de lectures le soir avant de dormir et de câlins avec ce petit garçon affectueux! Doté d’un tempérament vif, il a fallu lui apprendre à canaliser son énergie. Et mettre parfois quelques limites. Tous les membres de la famille se sont investis pour s’occuper de lui. Parties de foot dehors, promenades à vélo, baignades dans le lac en été, jeux de société le soir autour de la table, nous avons multiplié les activités. Il a ainsi vécu plusieurs «premières fois» en Suisse, comme cela a été le cas avec sa première fondue et la joie de tremper son morceau de pain dans le caquelon. C’est ici aussi qu’il a découvert le cinéma, puisqu’il n’y était jamais allé auparavant. Désormais, pas question de voir un film sans un paquet de pop-corn à la main. C’est devenu une tradition à laquelle je ne cherche pas à échapper.

Au fur et à mesure du temps, le petit garçon craintif des débuts a pris de l’assurance et s’est spontanément proposé pour nous aider dans les tâches quotidiennes. La plupart des travaux agricoles étant mécanisés, nous devions être particulièrement vigilants quand il était petit afin d’éviter tout risque d’accident. Vers l’âge de 8 ans, il a appris à nettoyer et à désinfecter le pis des vaches. Maintenant, la traite n’a plus aucun secret pour lui.

Berger à l’alpage

Michaël est particulièrement attaché à ma fille aînée, Pauline. Celle-ci est bergère et fromagère à l’alpage familial durant la belle saison. Depuis quelques étés, il l’accompagne pour aider à fabriquer le gruyère qui est encore fait à l’ancienne, dans une chaudière sur le feu de bois. Il donne un coup de main très apprécié, par exemple en coupant des bûches avec la fendeuse ou en s’occupant de la traite des 85 bêtes du troupeau. Il lui arrive aussi de jouer les chefs pâtissiers en fabriquant des gâteaux pour ravitailler la petite équipe établie au grand air. Vivre dans des conditions de confort minimum, c’est-à-dire dans un chalet sans électricité, ne pose aucun souci à ce jeune berger originaire de la Côte d’Ivoire.

Michaël est maintenant un adolescent, ses centres d’intérêt ont changé, mais il aime toujours autant venir nous voir deux mois et demi par année. Lors de son dernier séjour à Noël, il a pris le temps de couper un petit sapin sur nos terres pour décorer sa chambre. Je sais par sa maman, à qui j‘ai rendu plusieurs visites à Paris, qu’il évolue positivement, et qu’il a fait des progrès dans plusieurs matières à l’école. Il a de nombreux projets, dont celui de passer son permis de conduire en Suisse.

Aussi longtemps qu’il voudra venir dans mon foyer, je le recevrai avec plaisir. Car je le considère comme mon quatrième enfant. Mes deux filles et mon fils ont aussi beaucoup d’affection pour lui. Il est leur petit frère «de cœur». Je ne peux qu’encourager des familles à accueillir des jeunes de milieux défavorisés durant les vacances, car beaucoup d’enfants vivent des situations difficiles. En leur ouvrant l’horizon et en leur offrant un cadre sécurisant, on leur permet d’avoir un avenir meilleur. Et cela n’a aucun prix.

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