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Plaisir: le dirty talk secoue la couette

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© Istock

«Are you talking to me?» La légendaire réplique lancée par Robert de Niro dans «Taxi Driver» est d’actualité… sous le duvet. Le dirty talk, ou le fait de parler pendant le sexe, n’a en effet jamais été aussi usité. Une tendance au bavardage à l’horizontal confirmé par une étude australienne parue fin 2015. Celle-ci mettait notamment en évidence un phénomène un tout petit peu plus marqué du côté de la gent féminine. Mais comment expliquer ce goût croissant pour le mot cru susurré par elle sur l’oreiller?

«Une évolution dans la société s’est clairement opérée, observe la sexologue genevoise Marie-Hélène Stauffacher. Les femmes se sentent davantage autorisées à exprimer leur désir, alors qu’elles ont longtemps dû se retenir dans le passé. Cela se ressent logiquement dans leur manière de faire l’amour. Chez les jeunes surtout, où l’augmentation de cette pratique est très visible.»

Et ce tabou en train de tomber n’est pas pour déplaire au partenaire (voire aux autres partenaires) qui partage leur lit. «Les hommes, en particulier, se disent plutôt heureux d’avoir une amante moins passive, et qui n’hésite pas à verbaliser ses envies et son plaisir. Evidemment, si une tendance se dessine, cela ne signifie pas pour autant que toutes les femmes sont tentées par le dirty talk» précise la sexologue. Justement, qui sont-elles, ces adeptes du parler coquin? Ont-elles un profil particulier?

«Paradoxalement, il s’agit souvent de personnes ayant du mal à s’abandonner, physiquement et surtout mentalement, pendant l’acte. Le regard de l’autre les bloque facilement, ou alors le sulfureux de la situation entre en conflit avec les valeurs d’une éventuelle éducation très stricte. Dire des mots crus permet ainsi d’oublier le côté trop romantique – qui n’est jamais vraiment idéal pour générer de l’excitation – et de retrouver la dimension plus physique du sexe. C’est une façon de réveiller un peu de bestialité en soi», éclaire Marie-Hélène Stauffacher.

Détourner le regard de soi

Reste qu’il y a dirty talk et… very dirty talk. Car même en matière de dialogues classés X, tous les goûts sont dans la nature. On peut grosso modo distinguer trois niveaux différents d’intensité dans les mots hot qui se prononcent pendant les galipettes. La première marche conduit aux classiques du genre, qui s’apparentent davantage à des onomatopées qu’à de véritables phrases grammaticalement parlant. «Encore», «continue», «oh oui», «mon dieu» et autres «c’est bon» prennent un peu l’apparence de gémissements améliorés. Avec un risque minimisé de passer pour la dernière égérie du cinéma +18.

Le second échelon, lui, fait plutôt dans la description d’actes ou de ressentis. Qu’ils soient faits ou à faire. Certaines phrases peuvent alors faire office d’invitations («j’ai trop envie que tu me prennes» ou encore «est-ce que tu peux le faire plus fort?») ou de bilans («c’était vraiment trop bon comme ça», «j’adore quand tu me caresses là»). Des évocations plus cliniques qui peuvent déjà rebuter les moins bavards.

Mais le niveau supérieur, s’il se passe parfois de véritables phrases, est plutôt réservé aux amants ayant le moins froid aux yeux. Ou, en l’occurrence, aux oreilles. Avec des termes pouvant aisément verser dans le champ lexical de l’insulte ou du vulgaire. Nul besoin de les écrire pour s’en faire une idée. Certes, ce vocabulaire est réservé aux plus avertis, ce qui ne signifie pas, encore une fois, qu’il sera l’apanage des personnes démontrant une sexualité particulièrement débridée.

«Les mots très crus vont aider à se désinhiber, remarque Marie-Hélène Stauffacher. Ils transforment soudain la personne qui les prononce en quelqu’un d’autre, c’est comme si elle jouait un rôle. Ne pas être tout à fait soi-même permet de dédramatiser le moment, d’oublier le besoin de contrôle qu’on a parfois au quotidien. Et ce lâcher-prise va faciliter le plaisir, jusqu’à aider, dans certains cas, à atteindre l’orgasme

Cette quête de l’abandon peut en outre s’exprimer dans le désir de domination. Un aspect du dirty talk majoritairement constaté chez les femmes, et qui a de quoi surprendre à l’ère du pop-féminisme. «Pourtant, non, ce n’est pas si étonnant, souligne la sexologue. Ici encore, il s’agit de savoir se laisser aller pendant l’acte, et non de désirer réellement subir une domination au quotidien ou des violences. C’est de l’ordre du fantasme vécu. Avec un partenaire un peu dominant au lit, beaucoup de femmes se sentent en sécurité. Comme s’il pouvait les défendre contre les dangers de l’extérieur. Nombre d’entre-elles parviennent ainsi à exprimer toute leur féminité en cédant un peu de contrôle à l’autre. Et puis cette pseudo-domination est déculpabilisante: au fond, ce n’est pas vraiment elles qui se sont mises dans cette situation, c’est leur amant(e) qui l’a voulu.»

Génération 50 nuances de cru

Sans oublier le pouvoir puissamment érotique de la transgression: si la fessée entre adultes ou l’emploi d’un mot très cru sont théoriquement proscrits dans la vie publique de tous les jours, franchir l’interdit le temps d’un brûlant corps-à-corps peut parfois attiser la flamme. Cependant, les mots ne font pas tout. Le ou la partenaire peut plus ou moins inspirer l’envie de dirty talk.

«La plupart des femmes oseront plus le pratiquer avec une rencontre d’un soir, qu’elles ne recroiseront sans doute jamais, car cela ne sera pas dommageable pour leur image. Ou alors dans le cadre d’un couple déjà bien installé, où une confiance forte règne. Entre ces deux extrêmes, durant les quelques semaines ou mois de séduction qui mènent à l’officialisation d’une relation, elles seront plus rares à s’aventurer dans la vraie crudité verbale.»

Une société qui accepte davantage le lâcher-prise des femmes en termes de sexualité, des partenaires demandeurs d’une féminité moins bridée, OK… Mais tout cela n’est peut-être pas suffisant pour expliquer la hausse des bavardages sulfureux dans les chambrées. Il y aurait une autre raison, pas si mineure que ça: l’influence de certaines œuvres coquines, qui sont passées devant les yeux ou entre les mains des dames ces dernières années.

«La démocratisation de la consommation de pornographie chez les filles peut avoir une incidence, mais je crois que c’est surtout «50 nuances de Grey» qui est à pointer du doigt, relève Marie-Hélène Stauffacher. Cette saga a eu un impact énorme sur la sexualité féminine. Beaucoup de lectrices et de spectatrices se sont mises à la place d’Anastasia Steele. Ce personnage a provoqué la libération de nombre de femmes au lit, qui ont ensuite voulu expérimenter une sorte de SM doux sous la couette.

Le ténébreux Monsieur Grey ne pensait sans doute pas créer autant d’adeptes.


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