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Challenge ventre plat en trente jours, «bikini bridge» (ndlr: le petit creux qui se forme au niveau du bas-ventre, lorsqu’on est allongée sur le dos en maillot de bain), «thigh gap» (ndlr: espace entre les cuisses)… Il ne se passe pas une semaine sans qu’apparaisse sur les réseaux sociaux une nouvelle pratique faisant l’apologie de la minceur. Et des images de corps «parfaits» qui véhiculent la représentation de l’idéal féminin version 2016. Un idéal si impérieux qu’il va jusqu’à engendrer des obsessions alimentaires chez les adolescentes soucieuses de l’atteindre. Adolescence... Ce moment charnière où les filles, principales victimes de cette tyrannie, doivent apprendre à aimer et apprivoiser un corps qui change. Cet âge où, en proie aux doutes et aux questionnements, elles le modifient et se l’approprient, parfois jusqu’à l’extrême, sombrant alors dans des troubles du comportement alimentaire (TCA) tels que la boulimie, l’anorexie ou l’hyperphagie.

Ce thème de santé, de société et de culture est au cœur de l’exposition «Ados à corps perdu», inaugurée le 22 juin 2016 à Genève. Laquelle, d’abord réalisée au Musée d’Aquitaine de Bordeaux en 2006, a été renouvelée par le Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en collaboration avec les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Une invitation à replacer l’image du corps dans son époque, aussi bien qu’à en savoir plus sur cette maladie qu’est le trouble du comportement alimentaire – ici par le prisme de l’anorexie.

A 11-12 ans, déjà...

La doctoresse Marianne Caflisch, pédiatre, responsable de la consultation de médecine pour adolescent à l’Hôpital des enfants, aux HUG, a participé avec un groupe de huit adolescentes à la réalisation d’une partie de ladite exposition. Elle commente: «En Suisse, 1 à 3% des filles sont touchées par l’anorexie et 0,5% d’entre elles nécessitent une prise en charge lourde.» Il y a vingt ans, la doctoresse créait la consultation de médecine pour adolescent à Genève. Depuis, elle compte une quinzaine de nouvelles anorexiques chaque année. Quand on lui parle de l’influence sur les jeunes filles des modes comme le «thigh gap», elle constate: «Ce qui a changé, c’est que celles qui consultent sont de plus en plus jeunes, autour des 11-12 ans. Elles ne sont donc même pas encore entrées dans la puberté, ce moment où, habituellement, les troubles alimentaires apparaissent et stoppent le développement pubertaire. Elles arrivent avec en tête des poids fétiches, comme le 36, véritable chiffre magique pour une fille de 13 ans mesurant 1,60 m par exemple…»

Si, dans leur recherche du corps féminin idéal, elles sont influencées par les challenges et diktats 2.0, ces adolescentes souffrent à la base d’une fragilité et d’une vulnérabilité. «Et si elles se laissent avoir par ces pratiques, elles en parlent rarement à leurs parents car elles savent que ça les inquiéterait», poursuit la doctoresse. Ce n’est pas non plus parce qu’un parent ou une infirmière scolaire dit à une fillette qu’elle est un peu rondelette que cette dernière va devenir anorexique… Le mal en effet vient de plus profond.

Détecter les signaux

Pour les parents, le terreau propice et la distorsion de la perception qu’a leur enfant de son image corporelle sont parfois difficiles à détecter. «Ces ados savent ce que les adultes veulent entendre. Quand elles disent: «Je sais que je suis trop maigre», elles pensent en réalité: «Je suis fière d’être si maigre.»

Face à un tel auto-contrôle, comment détecter les signaux d’alerte? La doctoresse Caflisch détaille ici les principaux signes auxquels être attentifs:

- «Ces jeunes filles deviennent très souvent végétariennes ou végétaliennes, ou se mettent à suivre des régimes particuliers. Je dirais que c’est de plus en plus comme ça que débutent les TCA. Les parents doivent s’inquiéter quand l’alimentation devient un enjeu qui envahit la sphère familiale. Leur fille veut cuisiner avec sa mère, la contrôler dans la cuisine en traquant le gras, puis parfois cuisine à sa place. Elle impose son alimentation à toute la famille. Ou elle fera des cupcakes, mais pour les autres…

- En parallèle à ce contrôle de l’alimentation, on observe souvent une hyperactivité physique. Ces ados peuvent faire de cinquante à cent séries d’abdos plusieurs fois par jour, le plus souvent en cachette. Cela devient obsessionnel.

- Elles s’isolent de plus en plus socialement, tant elles sont prises par leur obsession pour l’alimentation. Alors que la majorité des ados vont principalement à l’école pour voir les copines, elles y vont pour la performance.

- Elles ne parlent plus que de nourriture, leurs portions se réduisent, elles mangent dans de petites assiettes pour donner l’impression de manger suffisamment, alors qu’en réalité c’est très peu.

- Elles perdent leur flexibilité, s’imposent de devoir manger la même chose à la même heure tous les jours.

- Elles sont pâles et frileuses, même en été.»


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La faim, cette addiction

L’obsession autour de l’alimentation s’insinue donc sournoisement. Comme un mal qui ronge petit à petit toute la famille de l’intérieur. Pour sortir de cette spirale, lorsqu’ils commencent à sentir un malaise les parents ne doivent pas hésiter à en parler avec leur médecin généraliste ou avec le pédiatre de leur enfant, qui les orientera ensuite vers un spécialiste, si besoin.

Côté ados, pas la peine de leur évoquer les conséquences à long terme, qui n’ont pas d’impact sur leur vie dans l’ici et maintenant. En revanche, «parler des conséquences immédiates telles que la perte de cheveux, le ralentissement du rythme cardiaque, la perte de règles, le ralentissement de la pensée et un sentiment de tristesse, rend les jeunes attentifs au fait que le corps réagit. Et peut les faire réagir, souligne Marianne Caflish. Rappelons toutefois que l’anorexie est la maladie psychiatrique qui a le plus gros taux de mortalité: 5 à 10%.» Est-ce qu’on peut en guérir? Oui, selon la doctoresse. Laquelle ajoute: «Mais il reste toujours une forme de dépendance, comme chez un gros fumeur. En phase de restriction, ces ados sont comme droguées par la sensation de faim. Tout le monde connaît cette impression de légèreté, de vide intérieur, quand on a faim et qu’on doit trop attendre, due à une soudaine montée d’endorphines. Ces jeunes sont accros à cette sensation. Et on ne s’en débarrasse jamais complètement. Il faut se donner du temps. Beaucoup de temps.»

L’expo ados à corps perdu

L’expo: «Ados à corps perdu», Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Genève, jusqu’au 8 janvier 2017.

Le concept: Une réflexion autour de l’anorexie et des troubles alimentaires chez les ados, avec un cheminement sur la question des représentations de l’idéal féminin et de l’évolution de l’image du corps via des photographies de bikini bridge mises en contraste avec des peintures de femmes opulentes du XIXe siècle. La seconde partie est construite autour de créations artistiques et de témoignages d’anciennes patientes. Avec, notamment, une cellule conceptualisée par l’artiste genevoise Muriel Décaillet pour illustrer le ressenti de ces ados en souffrance, et une bande-son pour donner à sentir comment l’anorexie se fait omniprésente dans la tête…

Et encore: Cet automne, une série de visites, d’ateliers et de conférences autour du thème sont organisées. Dont une table ronde hors les murs, «Mon corps ou moi, qui mène la danse?», le 27 septembre 2016, à laquelle participera entre autres spécialistes la Dresse Marianne Caflisch. Tout le programme.

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