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Si vous pensiez guérir votre copine Coco, phobique de l'eau, en la poussant dans une piscine, oubliez! Vous lui feriez plus de mal que de bien. «Chez un phobique, se trouver exposé à l'objet de sa crainte déclenche une bouffée d'angoisse aiguë – attaque de panique, peur de mourir de devenir fou, s'accompagnant de symptômes mimant un trouble cardio-vasculaire», explique le professeur Jean-Nicolas Despland, directeur de l’Institut universitaire de psychothérapie à Lausanne. Ces symptômes font partie des traits permettant de distinguer la phobie d’une simple peur. Autre critère: «Elle se concentre sur un objet très précis. Eloigner ou éviter celui-ci suffit à dissiper les symptômes», indique Jean-Nicolas Despland.

Spontanément, les personnes qui en sont atteintes mettent en place des stratégies d'évitement. Ainsi, Bruno, un écrivain de 44 ans, phobique du vide, s’est longtemps abstenu de monter sur un télésiège ou au sommet d'une tour. Facile à gérer, l'altomophobie? «Pas vraiment, car cela allait plus loin. Je me trouvais par exemple tout aussi mal sur une route où il y avait trop de vide d'un côté ou de l'autre.» Ce fan de cyclisme a donc adapté ses virées à vélo en fonction de ses peurs. Et puis, il y a trois ans, il a entrepris une thérapie comportementaliste qui lui permet, aujourd'hui, d'emprunter ce genre de chemins. Pas encore totalement guéri – «Je ne me lancerais pas dans une escapade en montgolfière» –, il a cependant appris à gérer ses réactions. «Et lorsque je sens que je commence à avoir peur, je réagis. Il m'arrive d'engueuler le vide et de lui dire que cette fois, c'est moi qui vais gagner», rigole-t-il.

Une histoire de famille

Les choses sont plus compliquées pour Chloé, une enseignante de 28 ans souffrant d'hématophobie au point de se trouver mal à la simple évocation du mot «sang». Impossible, malheureusement, de prévoir que le sujet va être évoqué par des proches ou que l'hémoglobine va couler dans un film. «Une copine d'université qui avait été victime d'une fracture ouverte nous avait raconté comment cela s'était produit. Je me suis tout simplement évanouie», se rappelle-t-elle. Consciente que cette angoisse risquait de se mettre en travers de son désir de maternité, elle a entrepris une thérapie Gestalt il y a quelques années. Deux enfants de 8 et 5 ans plus tard, elle n'a pas résolu le problème, mais vit mieux avec. «J'ai fini par trouver un cabinet gynécologique où l'on ne me disait pas qu'avoir peur du sang était ridicule à mon âge. A chaque examen, le personnel en tient compte, cela facilite les choses. Mais je pense que je ne serai jamais totalement guérie, je me suis fait à l'idée de vivre avec cette angoisse.» Et elle n'a pas oublié la première manifestation de cette phobie, qui remonte à ses 8 ans: «Je m'étais blessée au doigt avec un couteau à pain et j'ai juste eu le temps d'appeler ma mère, également hématophobe, de lui dire que je voyais tout noir et tout blanc avant de tomber dans les pommes!» Les phobies se transmettraient-elles de génération en génération? Dans le doute, Chloé s'efforce de ne pas passer son angoisse à ses enfants. «Mais je ne suis pas sûre que cela fonctionne, il me semble que mon fils n'aime pas trop le sang», soupire-t-elle.

Si, comme le relève Jean-Nicolas Despland, «une vulnérabilité familiale existe dans certains cas, l'apparition de phobies est plus souvent liée à l'apprentissage, quand les parents dramatisent ou au contraire sous-estiment une crainte qu'exprime l'enfant». Bruno confirme: «Mon angoisse du vide est rattachée à une peur de la mort, certainement reliée au fait que mon père m'impressionnait énormément. Je pense que c'est une façon que j'ai inconsciemment trouvée, enfant, de vivre avec cette crainte.»

Devenus adultes, beaucoup de phobiques choisissent de «faire avec». Après tout, avoir peur des araignées n'est pas réellement invalidant socialement et il est simple d'escamoter une impossibilité de prendre l'avion en prétextant que monter dans ces engins polluants est en contradiction avec ses convictions écolos, par exemple. «L'ennui, c'est que la phobie appelle la phobie», souligne le docteur Marc Charles Séchaud, psychiatre et psychothérapeute au Centre médical de psychothérapie cognitive et comportementale (CMPC) à Lausanne. «Une personne vient consulter pour une arachnophobie, et l'on se rend souvent compte qu'elle souffre d'autres phobies. Leur accumulation peut devenir invalidante.» Le professeur Despland rappelle pour sa part qu'il est important de s'assurer qu'une phobie ne cache pas un trouble plus grave, comme «une phobie sociale ou une anxiété généralisée, qui peuvent exiger de consulter un psychiatre. Pour soigner les phobies simples, les médicaments sont inutiles. Les psychothérapies fonctionnent très bien, notamment les traitements comportementaux qui visent à provoquer un changement dans le comportement du patient, ou les cognitifs qui travaillent sur les idées sous-tendant les comportements.»

De la peur au coaching

Au CMPC, le docteur Séchaud a vu passer beaucoup de phobiques. «Pour guérir ce type d'angoisse, on travaille graduellement», souligne-t-il. Au patient d'imaginer les situations dans lesquelles il se sentira plus ou moins en danger et d'en établir le hit-parade. «On met en place une stratégie d'exposition progressive. Il ne faut pas aller trop vite, car un échec risque d'aggraver les choses.» Ainsi, pas question pour un phobique des ascenseurs de commencer sa thérapie en se rendant seul au 13e étage. Il se fera accompagner au premier. Avancer à son rythme est fondamental. «Et il ne faut pas se fier à la gravité de sa phobie, ce sont parfois les personnes les plus fortement atteintes qui s'en tirent le mieux!»

Fabienne Regard en sait quelque chose. Si, aujourd'hui elle anime les séminaires Voler sans s'affoler organisés conjointement par la compagnie Swiss et Genève Aéroport, elle a longtemps été phobique de l'avion. Pendant son premier vol, elle a été terrassée par une crise de panique: vertiges, sensations de chaleur, d'étouffement et de mort imminente se sont succédé pendant quatre heures. En 1992, elle a suivi le séminaire, et en 1995, elle reprenait le flambeau. A l'époque, le cours se déroulait sur une demi-journée. Aujourd'hui, il s'étend sur trois jours, avec une partie théorique où des pros du vol et du contrôle aérien expliquent comment se comporter lors de turbulences et à l'atterrissage, désamorçant les craintes du type «l'avion va tomber s’il y a un problème». Côté pratique: un aller et retour Genève-Zurich. La particularité et le succès de ce stage qui affiche un taux de réussite de 98%, tiennent au suivi. Ayant travaillé comme assistante sur de nombreux vols de fin de séminaire entre 1992 et 1995, Fabienne Regard a constaté que cette fonction lui faisait beaucoup de bien. «C'est même ce qui m'a permis de m'en sortir à long terme», relève-t-elle. Elle a donc intégré le coaching à la formation: «Chaque session compte 30 participants, dont 15 coaches, qui ont tous suivi le stage, précise-t-elle. Grâce à ce rôle d'accompagnant, chacun mesure ses progrès et consolide ses résultats.» Les personnes ayant participé à ce cours reçoivent par ailleurs une carte VIP à présenter lors de chaque vol, signalant – en anglais – qu'ils ont fait ce séminaire et peuvent par conséquent se montrer plus fragiles en cas de turbulences, par exemple. Le personnel de bord prêtera davantage d'attention à ces passagers.

Face à de tels résultats, la phobie ne sera-t-elle bientôt plus qu'un mauvais souvenir? Le docteur Séchaud tempère: «N'oublions pas que pour un individu la phobie représente souvent un compromis acceptable face à une angoisse bien plus profonde…» Et de rappeler l'histoire d'une patiente, qui s'ennuyait sexuellement avec son mari: «Une phobie des transports en commun l'avait amenée à consulter. Un jour, alors qu'elle voulait rendre visite à sa sœur vivant à Paris, elle trouve le courage de prendre l'avion. Mais elle n’ira pas voir sa sœur. Elle passera sa soirée dans un club échangiste avec un homme rencontré dans… l'avion! Et elle finira par quitter son mari.»

Séminaire «Voler sans s'affoler», infos et inscriptions sur www.volersanspeur.com, 990 Sfr. le stage de trois jours, matériel de cours et vol d'essai avec le groupe inclus.

Ces trucs qui font peur

Il existe autant de phobies que d’objets dans le monde, la preuve par 20.

  1. Bananaphobie: la phobie des bananes.
  2. Cumulophobie: la phobie des nuages.
  3. Nanophobie: la phobie des nains.
  4. Nanopabulophobie: la phobie des nains de jardin à brouette.
  5. Korriganophobie: la phobie des lutins.
  6. Cheimophobie: la phobie des orages.
  7. Cacophobie: la phobie de la laideur.
  8. Huhulophobie: la phobie des chouettes et des hiboux.
  9. Alopophobie: la phobie des chauves.
  10. Leucoséphobie: la phobie de la page blanche.
  11. Gallinophobie: la phobie des poules.
  12. Fongophobie: la phobie des moisissures.
  13. Ectophobie: la phobie des fantômes.
  14. Trombinophobie: la phobie des trombones.
  15. Calcéophobie: la phobie des chaussures.
  16. Dentoscalpophobie: la phobie des cure-dents.
  17. Altophobie: la phobie de l’altitude.
  18. Paternatalophobie: la phobie des pères Noël.
  19. Marmécophobie: la phobie des fourmis.
  20. Anatidaephobie: la phobie que, quelque part dans le monde, un canard vous regarde d’une façon malsaine! Celle-ci est fictive et a été inventée par l’humoriste étasunien Gary Larson.
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Quelques explications pour démontrer aux participants du séminaire <b>Voler sans s’affoler</b> que l’avion ne va pas tomber s’il y a un problème.

© DR

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