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Solidarité, aversion du risque, application. Ces trois traits de caractère, largement partagés parmi les femmes, font d’elles les championnes du crowdfunding. Le quoi? Le financement participatif (littéralement: «financement par la foule»), né avec les réseaux sociaux. Son principe: j’ai un superprojet et besoin d’argent pour le développer; j’en «parle» et le poste sur une plateforme ciblée; les personnes intéressées par mon idée la soutiennent en apportant chacune une petite (ou grande) somme; grâce à elles, je réalise mon projet et, en retour, les récompenses pour leur geste.

«Le crowdfunding est une révolution qui donne un accès beaucoup plus facilité pour tout un chacun, résume le Dr Vincent Pignon, membre du corps professoral à la HEG de Genève et président de la Swiss Crowdfunding Association. Ce peut être un artiste qui lance une campagne de précommande, une start-up qui ouvre son capital ou une PME qui emprunte de l’argent. C’est une possibilité ouverte et démocratisée de trouver des fonds.»

Ceinture et bretelles

Une possibilité démocratisée qui fait la part belle aux femmes. Sur les différents sites de crowdfunding, 50% des projets sont féminins. Mieux: une étude américaine publiée l’an dernier révèle que ces dames sont plus performantes et lèvent davantage de fonds que leurs homologues masculins.

Quelles sont les raisons de ce succès? Leur capacité à partager leur passion, d’abord. Autrement dit: leurs compétences en termes de communication, comme l’explique Melina Roshard, responsable des relations presse chez wemakeit. «Faire du financement participatif, c’est avant tout réseauter, inclure des gens sensibles au projet, créer une communauté autour de ce dernier. C’est quelque chose que nous, les femmes, nous faisons mieux que les hommes.»

Autre qualité réputée féminine, apparemment: la faculté de susciter la confiance. Parce qu’«elles tablent sur la transparence, avance Vincent Pignon. Dans les situations que j’observe autour de moi, les femmes inspirent davantage, on a envie de les suivre.» Mais aussi parce que, détestant le risque donc redoublant de prudence, «elles ont tellement pris de sécurité dans tous les sens qu’elles ont peu de chances d’échouer, complète Nadine Reichenthal, présidente du Club des femmes entrepreneurEs. Avec les femmes, c’est «ceinture et bretelles»! Un homme va plutôt lancer son idée et se dire: «On verra bien comment ça se passe, tant mieux si cela fonctionne.» Une femme, avant de s’en gager, aura tout vérifié, planifié, combiné. Les femmes ont plus de chances de réussir car elles se sont protégées bien en amont.» Et ça rassure les éventuels donateurs-prêteurs de savoir qu’elles ont tout prévu.

Un exemple? Barbara Traulsen et Selene Folkesson, créatrices de Brappz. Elles ont peaufiné leur projet durant deux ans avant de le mettre en ligne. Leur idée: remplacer les bretelles de soutien-gorge pour en faire des accessoires de mode. «Lorsque nous avons publié notre campagne sur la plateforme Kickstarter, nous étions prêtes, confie Barbara. Nous étions réellement convaincues par notre projet.» Alors elles ont su convaincre. Leurs deux cent vingt-quatre contributeurs leur ont ainsi permis de récolter plus de 32 000 fr.

«Avant d’essayer le crowdfunding, on avait tenté de démarcher des investisseurs par le circuit normal. Chaque fois, ils nous regardaient bizarrement: nous n’étions ni dans les nouvelles technologies ni dans les cleantechs, les domaines à la mode aujourd’hui.» Alors ils ne prenaient pas le risque.

S’émanciper des banques

Barbara et Selene sont loin d’être les seules à s’être heurtées au désintérêt des investisseurs traditionnels. Marine, directrice d’une petite entreprise informatique, souhaitait partir à la conquête de nouveaux marchés. Elle s’est naturellement tournée vers sa banque. Refus. Ce n’est que lorsqu’un ami, présenté par elle comme son conseiller financier, a bien voulu l’accompagner à un énième rendez-vous qu’elle a obtenu gain de cause. «Malgré mon expérience et la réussite de ma boîte, on ne me prenait pas au sérieux, témoigne-t-elle. Lors de ce rendez-vous, c’est mon ami qui captait les regards. Alors qu’il était étranger à la compagnie. Et j’ai décroché les fonds

Disposant souvent d’un apport personnel moindre que les hommes et cherchant à emprunter des sommes plus modestes (donc d’un intérêt moindre pour les investisseurs?), les demandes des femmes ont peu de chances d’aboutir, remarque-t-on à l’usage. Et lorsqu’elles y parviennent tout de même, les prêts qu’elles obtiennent sont moindres que ceux accordés aux hommes, et les conditions qui leur sont faites sont moins favorables. Conséquence directe: en 2013, seules 17% des entreprises créées en Suisse l’étaient par des femmes. Un chiffre qui, certes, a augmenté de 100% en dix ans (oui, on arrive de très très loin) mais qui reste inéquitable et choquant.

«Les seules entreprises féminines qui réussissent à lever des fonds sans problème, résume Nadine Reichenthal, sont dirigées par des docteures en physique, en biochimie, en neurologie. Aucun pourvoyeur ne va remettre en cause leurs compétences. Par contre, celles qui sont dans des métiers plus traditionnels doivent faire face à des remarques sexistes. On ne leur fait pas confiance.»

Alors, solution miracle pour entrepreneures en mal d’argent, le crowdfunding? Miracle, non, car on n’y réussit pas sans effort. Mais solution, certainement! Ces dames ont dix fois plus de succès dans leurs levées de fonds auprès des internautes qu’auprès des banques, révèle CircleUp, plateforme de crowdfunding éthique. «Pour qui est créatif, c’est un excellent moyen de s’émanciper, note Melina Roshard. Alors que les investisseurs habituels vont décortiquer votre business model, examiner vos comptes, peu importe le nombre de personnes qui vous soutiennent, le financement participatif, lui, repose sur la création de communautés qui vont soutenir un projet.»

Son mode d’emploi? Grâce à de petites vidéos, des messages quotidiens et des teasings bien pensés, l’initiatrice de la campagne doit donner envie de contribuer à son succès. «Pour moi, c’était l’aspect le plus important, confie Anju Rupal, créatrice d’Abhati. Je voulais créer un mouvement, inciter les gens à monter dans le wagon et à faire partie de l’aventure.»

C’est ainsi que cette travailleuse sociale née en Grande-Bretagne a financé son entreprise de cosmétiques basée en Appenzell – et dont tous les bénéfices sont reversés à des ONG œuvrant pour la scolarisation des filles en Inde. En décembre 2013, elle a récolté 25 000 fr. sur Indiegogo. Et elle s’apprête à lancer une campagne de crowdlending pour agrandir sa firme. «C’est plus facile et moins formel que d’obtenir des fonds de manière classique. Nous ne parlons pas de chiffre d’affaires ou de retour sur investissement, mais d’une cause qui nous tient à cœur. C’est un système très émotionnel.»

Même son de cloche chez Laurence Imstepf. Afin de faire grandir mademoiselle L, sa marque de prêt-à-porter, elle a lancé une campagne de crowdfunding au printemps dernier sur le site suisse wemakeit. Avec succès: elle a mobilisé quatre-vingt-sept contributeurs et récolté 11 410 fr. «Cette approche me semblait plus facile que de me tourner vers une banque, ça me faisait moins peur, confie-t-elle. C’est aussi un excellent moyen de prendre la température de son projet, de voir s’il plaît, si cela vaut la peine de continuer.»

Autre avantage: en publiant sa campagne online, on bénéficie d’une visibilité XXL. «Au-delà de son but premier, le crowdfunding permet de communiquer sur un projet: il devient réel et visible par des milliers de gens, que ce soit sur le site de la plateforme ou en le partageant sur les réseaux sociaux», constate Monica De Almeida, directrice de production chez Seven Prod à Lausanne et créatrice de Ladies Happy Hour. Pour sa sitcom féminine, comique et décalée, elle espère réunir 7500 fr. avant le mois prochain via wemakeit.

Chaque jour, d’innombrables idées voient le jour grâce au financement participatif: inauguration d’un bed&breakfast ou d’un café vegan, démarrage d’une start-up, création d’une ligne de parfums, production d’un documentaire en Amazonie... Envie de vous lancer? Avant de sauter le pas, prenez le temps de lire nos dix conseils pour crowdfunder intelligemment.

Nos témoignages

«On fait tout soi-même de A à Z», Aline Gremaud, 38 ans, Prez-vers-Noréaz (FR)

«Il y a deux ans, je suis devenue maman d’une petite fille. Ayant des difficultés pour la faire garder, j’ai décidé de me lancer dans la couture à plein temps en ouvrant mon e-shop de vêtements pour enfants. On m’a proposé de créer une campagne de crowdfunding via la plateforme GoHeidi: je me suis lancée! Après trois mois, je suis parvenue à réunir les 2000 fr. demandés. J’ouvrirai ma boutique en ligne au printemps. Le plus difficile? Devoir tout faire par moi-même. Le site nous héberge, mais cela s’arrête là, il ne s’investit pas dans la promotion des campagnes. Je ne regrette pas d’être passée par ce système, car c’est bien moins risqué qu’un prêt. Je me voyais mal m’endetter avant même de commencer. Lorsque l’on est jeune et que l’on part de zéro, le crowdfunding reste la meilleure alternative.»

«J’avais l’impression de faire l’aumône», Delphine Schacher, 34 ans, Begnins (VD)

«Lorsque j’ai su que je pouvais exposer mes photos au mois d’août 2013 à la Galerie Focale à Nyon, nous étions en juin. J’avais dépassé tous les délais pour demander des aides au canton ou à la ville, je me suis retrouvée dans une situation financière compliquée. J’ai tenté le crowdfunding et cela a fonctionné: en quarante jours, j’ai réuni les 4000 fr. qu’il me fallait pour mettre en place mon exposition. Au début, ce n’était pas évident. J’avais l’impression de faire l’aumône et j’avais des scrupules. Mais les gens étaient ravis de recevoir des tirages en contrepartie. J’ai aimé le fait que l’on puisse immédiatement savoir si le projet sera un succès ou non: cela permet de pimper sa campagne si besoin, de rehausser l’envie des gens en améliorant son idée. Pour ma part, l’effet boule de neige a pris grâce à Facebook. Les réseaux sociaux sont incontournables pour de telles démarches.»

«Il ne faut pas avoir peur de se mettre en avant», Jessica Nzamba, 28 ans, Cheyres (FR)

«Le mois prochain, je participerai à la finale des championnats du monde Xterra, une compétition comprenant 1,5 km de natation, 40 km de VTT et 10 km de course à pied. Mon rêve! Pour cela, je me rendrai à Hawaii. Mes fonds personnels ne me permettaient pas de financer la totalité du voyage, je me suis tournée vers le site de crowdfunding I believe in you pour trouver les 4000 fr. qui me manquaient. Comme pour chaque récolte de dons, il faut démarcher les gens. J’ai imprimé des flyers et beaucoup communiqué via les réseaux sociaux. J’aime le fait que ce système soit visuel et personnel: on décrit son projet, on parle de soi, on poste des photos. Pour réussir, il faut être imaginatif, s’investir, faire parler autour de soi, ne pas avoir peur de se mettre en avant. Et ne pas paniquer si la campagne ne démarre pas: les gens attendent souvent le dernier moment pour s’engager.»

10 conseils à suivre

1. Mettre en place un plan de communication Avant de lancer sa campagne, il est nécessaire d’avoir un stock de matériel adéquat pour la promouvoir. Textes de présentation traduits en plusieurs langues, images et vidéos réalisées par un professionnel, planifications de petites news que vous publierez sur les réseaux sociaux: variez les axes et faites vivre la recherche de fonds à travers plusieurs biais.

2. Donner de son temps «Il faut être conscient du fait que c’est un travail pour lequel on sacrifie tout, met en garde David Michael Sindler, responsable communication pour la plateforme investiere.ch. C’est un job dur et exigeant, mieux vaut le savoir et se tenir prêt avant de se lancer.»

3. Prendre contact Les meilleures astuces proviennent de celles qui sont déjà passées par là. Alors, via les différents sites internet, pourquoi ne pas contacter des femmes qui ont réussi, et échanger sur leur expérience?

4. Choisir la bonne forme de crowdfunding Il en existe trois. Le reward crowdfunding, ou dons versés avec ou sans contrepartie. Le crowdinvesting, où des sociétés vendent des actions pour se financer. Et le crowdlending, où des entreprises empruntent de l’argent à des particuliers. Identifiez les besoins de votre projet pour déterminer la formule appropriée et vous diriger, ensuite, vers la plateforme la mieux adaptée.

5. Miser sur la clarté «Il faut avoir une bonne histoire à raconter aux gens et expliquer très clairement son projet», note Melina Roshard, manager d’équipe pour wemakeit. L’histoire doit répondre aux questions suivantes: pourquoi ai-je besoin d’argent? Que vais-je en faire exactement? En quoi ce projet mérite d’être soutenu (sousentendu: plutôt qu’un autre)?

6. Suivre d’abord des campagnes Le meilleur moyen de se familiariser avec le crowdfunding, c’est de suivre différents projets et de soutenir ceux qui nous plaisent. Cela donnera énormément d’idées et permettra de repérer le fonctionnement des différentes plateformes.

7. Créer une communauté Avant la mise en ligne, il est fortement conseillé d’établir un petit groupe de personnes prêtes à venir en soutien. Elles pourront ainsi parler de votre idée, la relayer sur leurs réseaux, échanger avec vous tout au long de la campagne...

8. Etre connectée 7 jours sur 7 Aucune campagne de crowdfunding ne peut aboutir sans une forte présence sur internet. Pour faire vivre sa recherche de fonds, il est essentiel de communiquer chaque jour sur les réseaux sociaux. Variez les posts, créez de petits sondages, publiez des photos des coulisses: faites le maximum pour donner envie aux gens de vous suivre… et de vous soutenir.

9. Proposer des contreparties attrayantes Si les contributeurs soutiennent des projets, c’est aussi pour recevoir une contrepartie. Intéressantes, amusantes, uniques: trouvez des types de «récompense» qui marqueront les esprits. Le but? Que les gens se disent: «La soutenir, c’est le seul moyen d’avoir ce truc-là...»

10. Maîtriser le «tout ou rien» Le crowdfunding, c’est quitte ou double. Si vous parvenez au montant escompté ou que vous le dépassiez, vous empochez les sous. Par contre, s’il vous manque ne serait-ce qu’un seul petit franc, vous ne recevez rien. Alors: au moment de fixer le montant rêvé, faites attention. Ne l’estimez ni trop bas ni... trop haut.

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