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Les 10 clichés sexistes qui doivent disparaître

Les 10 clichés sexistes qui doivent disparaître
© Getty Images/Flickr Select

Les femmes sont toutes hystériques, jalouses et nulles en maths. Pis encore: ce sont des manipulatrices et des salopes en puissance. Shocking? Las! Qui n’a jamais été confronté à cette qualification aussi sommaire qu’infondée? Quelle femme peut affirmer n’avoir jamais plié sous le poids de ces clichés pérennes? Clichés certes issus des rangs du machisme primaire, mais que véhiculent avec la même intensité les deux sexes.

Quelle force d’inertie collective les rend, au détour du XXIe siècle, encore et toujours si vivaces? Alors?... C’est décidé! Ces dix assertions phallocrates qui font chuter notre indice de zénitude doivent disparaître de notre environnement sonore. Point à la ligne.

Cliché 1: toutes déboussolées

Selon l’imaginaire collectif, les femmes sont dépourvues de sens de l’orientation et ne savent pas lire une carte. Des affirmations contredites par la neurobiogloie: les hommes en effet ne bénéficient d’aucune compétence spécifique qui échapperait à leurs consœurs humaines (et vice versa). Si dame Nature n’a rien à faire dans l’histoire, le contexte social et culturel, lui, y est pour beaucoup. «De nombreux travaux montrent que filles et garçons ne reçoivent pas la même éducation, analyse Muriel Salle, historienne de la médecine et coauteur de l’ouvrage «A l’école des stéréotypes, comprendre et déconstruire» (Ed. L’Harmattan, 2013). L’espace dans lequel les petites filles évoluent est plus restreint, et ce dès leur plus tendre enfance. Or, comme toute compétence cognitive, le sens de l’orientation est quelque chose qui s’acquiert. Si on n’apprend pas à s’orienter dans l’espace, on n’a pas le sens de l’orientation!»

Cliché 2: toutes hystériques

Ah, la bonne vieille hystérie! Rares sont les femmes qui ne s’en sont jamais vues accusées. Apparu dans le discours médical du XIXe siècle pour qualifier une affection psychologique, ce terme s’est depuis travesti en insulte suprême – sexiste par excellence. Parce qu’il est dérivé du mot utérus, il était commode d’en faire l’apanage exclusif des femmes. Et ce même si, dès le XIXe, de nombreux travaux avaient été réalisés sur des cas d’hystérie masculine, rappelle Muriel Salle. Mais voilà, «l’hystérie était une manière efficace de renvoyer les femmes à leur supposée faiblesse. Règles, ménopause, grossesse, rapports sexuels ou abstinence: tout est bon pour justifier par cette représentation abusive du corps l’exclusion des femmes – de la sphère politique, économique, académique ou autres.»

Cliché 3: toutes jalouses

Les travaux rassemblés sous la direction d’Ayala Malach Pines dans La jalousie amoureuse établissent clairement que «ce sentiment s’accorde aussi bien au masculin qu’au féminin». Une différence n’apparaît qu’au niveau de son expression: «Les hommes se fâchent, les femmes dépriment.» Pourtant, la croyance en ce si terrifiant démon que serait la jalousie féminine reste fortement ancrée dans les esprits. Coauteure de «Battements d’ailes – clichés féminins/masculins aujourd’hui» (Ed. Les Cahiers de l’Egaré, 2015), l’historienne et sociologue Dominique Loiseau invite à comprendre cette persistance à la lecture de «ce qui a longtemps été la norme: pour les hommes le droit au désir, aux «aventures»; pour les femmes la soumission au sein du foyer, la résignation devant les frasques maritales et la non-reconnaissance de leur désir propre». En bref, nous serions jalouses parce que nous ne pouvons idéologiquement pas être du côté... des infidèles!

Cliché 4: toutes dépensières

«Ce cliché est étonnant, quand on sait que la gestion du budget familial a été conquise au XIXe par celles qui étaient les «ménagères» pour contrer les dépenses des maris aux cafés!», ironise Dominique Loiseau. Et d’exposer que, «du fait de cette responsabilité, beaucoup de femmes du milieu populaire étaient en sous-alimentation chronique car privilégiant les repas du mari et des enfants». Muriel Salle, quant à elle, souligne la dose de mauvaise foi masculine nichée à l’intérieur de ce stéréotype qui a «toujours d’abord pour fonction de rappeler que, pendant longtemps, les femmes ont été dépendantes financièrement». Et pour cause: n’étaient-elles pas reléguées aux tâches domestiques? L’argent dépensé était donc le fruit du seul et dur labeur de l’homme de la maison. Chaque sou dépensé par madame relevait ainsi d’une injustice: elle ne l’avait pas gagné, mais en avait profité. Si les temps ont changé, «ce cliché relève aussi d’une belle injonction paradoxale, poursuit l’historienne. Les incitations à des dépenses sont nombreuses en direction des femmes – il faut plaire, se maquiller, s’habiller, etc. – et, en même temps, on les leur reproche!»

Cliché 5: toutes des «ch…»

Les femmes seraient donc construites sur un même modèle: râleuses, impatientes, exigeantes, enquiquineuses. D’éternelles insatisfaites, donc. «Faut-il s’en étonner?, rétorque Muriel Salle. Placées en situation d’infériorité, de minorité, de domination et de dépendance, les femmes, évidemment, en sont souvent insatisfaites.» On les comprend! Et Dominique Loiseau de confirmer: râler, «n’est-ce pas ce qui reste, quand on n’a pas le pouvoir?»

«Ce stéréotype est également nourri par l’idée que les humeurs féminines sont cycliques, que leurs règles, leurs hormones influent sur leurs états d’âme», reprend Muriel Salle l’historienne. Sur ce point, la neurobiologiste Catherine Vidal répond avec fermeté: «Chez l’être humain, aucun instinct ne s’exprime à l’état brut comme chez les animaux. Prenez l’exemple de la faim, qui est un instinct de base, contrôlé par les gênes et les hormones. L’être humain peut pourtant décider de faire une grève de la faim pour des idées politiques. C’est la preuve qu’il ne dépend pas de ses hormones, qu’il possède ce qu’on appelle le libre arbitre.» Et ce qu’il soit homme ou femme – faut-il encore le préciser?

Cliché 6: toutes maniaques

Sur ce thème encore, Catherine Vidal est claire: aucune étude scientifique reconnue n’a pu démontrer l’existence, dans le cerveau humain, de différences entre hommes et femmes. Les capacités ou penchants propres à chacun ne dépendent donc en rien de son genre. Mais alors, d’où vient ce préjugé?

Pas besoin d’être amateur de polars pour être tenté de se demander à qui profite… le stéréotype. «D’après l’enquête «Emploi du temps 2009-2010» de l’Insee (institut national de la statistique, en France, ndlr), les femmes consacrent 3 h 26 par jour aux tâches domestiques contre 2 h pour les hommes, indique Muriel Salle. Prétendre que les femmes sont maniaques est doublement efficace: cela justifie à la fois le temps qu’elles passent à ces tâches domestiques et le désengagement conjoint des hommes.» D’un point de vue mâle tendance cossard, il serait donc bien dommage de s’en priver…

Cliché 7: toutes phobiques du gramme de trop

Si l’assertion se vérifie, les femmes en sont-elles pour autant responsables? «On leur reproche d’un côté ce qu’on leur impose de l’autre, constate Dominique Loiseau. Les femmes ne peuvent que chercher à se conformer au modèle de LA femme présenté par la pub, la mode, les médias.» Et Muriel Salle de s’inquiéter, de son côté, du fait que «les femmes sont toujours renvoyées à leur physique. Et de plus en plus tôt, encore!» Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la variété de bijoux, maquillages et paires de talons hauts proposée aux fillettes de 5 ans…

Cliché 8: toutes des salopes (ou des coincées)

Et voilà le stéréotype mutilant qui revient au galop! Celui de la mère et de la putain. Ici, il s’agit rien de moins que d’amputer les femmes d’une part d’elles-mêmes, soit l’érotique soit la maternelle: «Tu seras pute ou frigide, ma fille.» – «Ce double standard sexuel date du XIXe siècle, mais fonctionne toujours très efficacement, explique Muriel Salle. Un homme qui multiplie les partenaires est un séducteur. Pour une femme, l’appréciation est bien plus défavorable. Comme pour leur corps, les femmes sont soumises à un contrôle permanent de leur sexualité: trop ou trop peu, cela ne va jamais.»

Cliché 9: toutes nulles en maths

Cela se dit et se répète sans fin. Or ce poncif «qui a la vie dure ne correspond à aucune réalité biologique», assène une fois encore Catherine Vidal, avant d’évoquer une large étude faite dans les années 1990 aux Etats-Unis. «L’enquête montrait que les garçons étaient en moyenne meilleurs que les filles en maths. Or, la même enquête réalisée en 2008 dévoilait un niveau égal. Ce qui montre bien qu’on peut évacuer l’hypothèse biologique: on ne peut pas imaginer qu’en deux décennies il y ait eu une sorte de mutation dans le cerveau des filles!» Pour Dominique Loiseau, ce cliché est sournoisement préjudiciable: «A partir de 12-13 ans, les filles intègrent ce présupposé, elles se dévalorisent et, même quand elles sont aussi bonnes ou meilleures que les garçons en maths et sciences, demandent moins qu’eux à intégrer ces filières.» Ainsi, à l’EPFL, le pourcentage de femmes dans la Faculté des sciences de base (maths, chimie, physique) est aujourd’hui de 27%, mais il tombe à 15% pour la filière informatique et communications et à 16% en sciences et techniques de l’ingénieur…

Cliché 10: toutes manipulatrices

C’est une vieille légende qui remonte à la Bible, avec Adam et Eve. «L’histoire, comme les récits religieux, alimente et entretient cette idée qu’une femme use de ses charmes pour manipuler les hommes», confirme Muriel Salle. Et l’historienne d’avancer une explication des plus logiques: «Longtemps exclues de la sphère politique, les femmes n’ont pu y exercer qu’en sous-main, en coulisses. Dans d’autres domaines, maintenues en état d’infériorité, elles ont dû – et doivent parfois encore – ruser pour s’en sortir.» Tout ne serait-il finalement pas plus simple si on traitait enfin les femmes pour ce qu’elles sont: les égales des hommes?

Mais d’où sortent ces contrevérités?

«Le discours médical, qui s’est construit au XIXe siècle, alimente la plupart des stéréotypes qui ont cours encore aujourd’hui», explique Muriel Salle, historienne de la médecine et maîtresse de conférence à l’Université de Lyon. En effet, si des préjugés sur la gent féminine sont présents dès l’Antiquité, «le discours médical leur donne un fond de scientificité qui les rend à la fois sérieux – puisque les médecins le disent – mais également irrémédiables – puisque c’est une question de nature.» Le dossier est donc clos.

Par ailleurs, réflexes automatiques obligent, «ce sont toujours les femmes qui font exception». Ainsi, «quand des tests révèlent que la différence en maths entre filles et garçons à la fin de l’école primaire n’est pas significative et, en même temps, qu’il existe une vraie différence en français en défaveur des garçons, on continue de répéter: «Les filles sont nulles en maths.» Pourtant, ces statistiques devraient plutôt nourrir le cliché des garçons nuls en français…» Une explication à cela (si l’on exclut la seule mauvaise foi)? «Les phénomènes sont toujours analysés de manière androcentrique, c’est-à-dire avec un point de vue masculin. Du coup, c’est toujours la femme qui fait tache.»

Mars et Vénus? Ce qu’en dit la science

Catherine Vidal, neurobiologiste à l’Institut Pasteur.

Existe-t-il des différences entre cerveau masculin et féminin?
Il n’y a de différence qu’au niveau des zones liées à la reproduction. En ce qui concerne les fonctions cognitives, c’est-à-dire l’intelligence, la mémoire, l’attention ou encore les capacités de raisonnement mathématique, filles et garçons ont les mêmes potentialités cérébrales.

Qu’en est-il alors de ces clichés?
Ils ne correspondent à aucune réalité biologique. A la naissance, les cerveaux ne sont pas câblés différemment. C’est l’environnement social et culturel, ensuite, qui les façonne.

Et sur le plan des émotions?
Les femmes et les hommes ont les mêmes émotions. Du fait des normes culturelles et sociales qu’on leur inculque dès le plus jeune âge, ils vont simplement les exprimer différemment.

On évoque aussi souvent le rôle des hormones…
Les hormones jouent un rôle sur les organes sexuels. Chez les humains, elles n’ont pas d’impact direct sur les comportements. Aucune étude scientifique n’a montré de relations de cause à effet entre hormones et émotions.

Et le syndrome prémenstruel?
A nouveau, c’est une question qui doit être comprise dans un contexte social et culturel. Il n’existe pas de loi biologique inéluctable qui rendrait toutes les femmes euphoriques le quinzième jour du cycle et déprimées le vingt-cinquième. L’être humain, n’est pas un robot soumis à ses hormones. Son cerveau lui permet la liberté de choix dans ses pensées, ses émotions et ses actions.

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