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Tous les médias de l’Hexagone s’en sont fait l’écho en décembre dernier: le Collège national des gynécologues et obstétriciens français s’est dit favorable à une libéralisation de la conservation des ovules. En d’autres termes, il a entériné que les Françaises puissent, sans raison médicale, faire congeler leurs cellules sexuelles pour se les faire réimplanter plus tard. Lorsqu’elles seront plus âgées et prêtes socialement à avoir un bébé, mais aussi moins fertiles. La procréation médicalement assistée (PMA) en guise d’«assurance maternité»? Pour l’heure, l’Espagne, la Belgique, l’Italie et la Grande-Bretagne sont les seuls pays européens à autoriser ce que l’on nomme l’autoconservation sociétale des ovocytes. Mais les implications éthiques et sociales de cette pratique interrogent. En Suisse, ce cas de figure n’est pas prévu par la loi (voir ci-contre). Sans être interdit, il est toutefois rare. Jusqu’à quand? Gynécologues et andrologues se réuniront en juin à Prangins (VD) pour débattre de la question. Un colloque cochapeauté par le professeur Marc Germond, directeur médical du Centre de procréation médicalement assistée de Lausanne.

FEMINA La société évolue: on a des enfants de plus en plus tard, on vit plus longtemps. Pourtant, l’âge de la ménopause, lui, n’a pas changé depuis des milliers d’années. Est-ce à la médecine d’aider à combler ce décalage?
MARC GERMOND Non. La médecine n’a pas à pallier les progrès ou les régressions de la société, d’autant qu’ils évoluent souvent beaucoup plus vite que la science. Ce n’est pas son rôle. En Suisse, la loi sur la procréation médicalement assistée met en avant le bien-être de l’enfant. C’est un point de cristallisation essentiel. Permettre à une femme de devenir mère après 50 ans, est-ce faire un cadeau à l’enfant? Ma réponse est clairement non. Mais c’est un avis personnel. Il est vrai que le désir de maternité se décale. C’est la société qui a repoussé cette envie d’enfant. Protéger la fertilité féminine par le biais de la cryoconservation des ovules semblerait être un juste retour des choses, pour autant qu’on ne tombe pas dans les extrêmes. Il s’agit d’un sujet sur lequel on avance très prudemment car il est nouveau et déroutant. C’est un débat de société plus qu’un débat scientifique.

Pensez-vous que permettre aux femmes de faire conserver leurs ovules sans raison médicale pourrait les inciter à vouloir des enfants après 50 ou 60 ans?
Oui, alors que pour moi, il n’est pas question d’aller au-delà de la ménopause. Les grossesses obtenues par don d’ovocytes chez des femmes de plus de 50 ou 60 ans sortent complètement du mandat médical. Il faut donc établir un contrat signé tout à fait clair avec la patiente, et déterminer une échéance. L’âge maximum pour une PMA ne devrait pas dépasser 45 ans.

Quels sont les risques d’une grossesse après 40 ans?
Pour l’enfant, les risques d’aberrations chromosomiques, tel le mongolisme, et le retard de croissance intra-utérin sont plus élevés. Chez la mère, on note une augmentation de tous les problèmes liés à la grossesse tardive, principalement l’hypertension, le diabète, les problèmes cardiovasculaires.

Faire conserver ses propres ovules est-il une garantie qu’on aura un bébé?
Il faut démystifier d’emblée: la procréation médicalement assistée ne marche pas à tous les coups. Une femme naît avec un nombre déterminé d’ovules. Plus elle vieillit, plus leur quantité et leur qualité diminuent, donc le taux de réussite de la fécondation in vitro baisse. Au-delà de 43 ans, les résultats sont très, très mauvais. C’est la limite naturelle. Mais certaines femmes ont encore des ovaires qui fonctionnent bien à ce moment de leur vie et produisent beaucoup d’ovules.

A quel âge faudrait-il faire prélever ses cellules?
Le plus tôt est le mieux. Dans tous les cas, avant 35 ans. Non pas qu’il y ait une rupture brutale de la fertilité féminine à cet âge, puisqu’elle diminue progressivement après 20 ans déjà, mais la courbe s’accentue. Toutefois, en Suisse, une femme ne peut pas faire conserver ses ovocytes plus de cinq ans. C’est une contrainte légale.

Qui prend en charge financièrement ce type d’opération?
La patiente. C’est aussi le cas lorsqu’elle veutavoir recours à la PMA pour raison de stérilité ou à lasuite d’une chimiothérapie. Dans ce dernier cas, ellepeut éventuellement demander une aide financièreà la Ligue suisse contre le cancer.

Les gynécologues et obstétriciens français préconisent la vitrification (congélation ultrarapide) pour l’autoconservation sociétale des ovules. Or, cette technique est assez récente. A-t-on assez de recul pour savoir si elle est sûre?
Par rapport à la vitrification, on n’a pas beaucoupde recul. En revanche, on maîtrise bien la congélationlente et on sait que les enfants issus de zygotesou d’embryons cryoconservés n’ont pas plus deproblèmes que les autres.

Si l’autoconservation des ovules entre dans les mœurs, verra-t-on les banques d’ovules pulluler?
Non, car il est beaucoup plus complexe derécolter des ovules que du sperme. Il faut soumettrela femme à une stimulation ovarienne,ensuite prélever les ovocytes et enfin les congeler.Ces techniques sont onéreuses. Au centre deprocréation médicalement assistée de Lausanne,il faut compter 4700 francs pour la stimulation,le prélèvement et la vitrification de dix ovocytes.Or, on considère qu’il faut prélever une vingtained’ovocytes pour offrir de bonnes chances d’obtenirune grossesse. Ce qui augmente le prix. Ensuite,il faut les conserver, puis au moment de l’utilisation, les dévitrifier, y injecter les spermatozoïdes et transférer les embryons. Toute la procédure coûte entre 6000 et 15 000 francs. Sans garantie de grossesse à l’arrivée. C’est un investissement financier, mais aussi intellectuel et fantasmatique.

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