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Les femmes avaient déjà le droit d’allaiter au boulot, une fois leur congé maternité terminé. Bientôt elles devront également être rémunérées pendant leurs pauses d’allaitement, estime le Conseil fédéral qui, le 22 février 2012, a préconisé une modification de la loi sur le travail. Bonne nouvelle, qui permettra enfin aux autorités helvétiques de ratifier la Convention 183 de l’Organisation internationale du travail (OIZ) sur la protection de la maternité.

Mais soyons réalistes: emmener son bébé au boulot quand on est salariée est impossible, à moins de disposer d’une crèche d’entreprise, ce qui est le cas d’une minorité de femmes. Ou alors, pour donner le sein dans la journée, il faudrait habiter à deux pas de son lieu de travail. Le plus souvent, l’allaitement proprement dit est exclu. Reste alors l’option du tire-lait, qui n’est pas toujours simple à mettre en pratique, comme le confie Natacha, 37 ans, rédactrice: «Après mon congé maternité, j’ai continué à allaiter pendant deux mois tout en travaillant. Ma fille était nourrie au sein matin et soir, et au biberon de lait maternel le reste de la journée. Ça a quand même été compliqué, surtout le premier jour où j’ai repris le travail: à midi, j’ai cru que mes seins allaient exploser. J’avais emporté un tire-lait, mais comme je travaille dans un bureau open space, je ne savais pas comment faire. Je n’allais tout de même pas tirer mon lait dans les toilettes! Heureusement, ma cheffe m’a proposé de le faire dans son bureau, à l’abri des regards.»

Un coin tranquille

Tirer son lait, cela implique de disposer d’un local fermé, calme, et confortable. Ce n’est pas toujours possible. «Depuis six mois, raconte Claire, je tire mon lait deux fois par jour dans la salle des archives, que mes collègues ont rebaptisée la «laiterie». J’ai de la chance, un patron compréhensif et un bon tire-lait. Je prends mon téléphone avec moi et je peux répondre aux clients. Mais c’est très lourd, et ça commence à me peser.»

Infirmière cheffe à la Maternité du CHUV à Lausanne, Maria-Teresa Adjaho explique que les mamans qui travaillent tirent généralement leur lait pendant un à deux mois. «On constate chez les femmes qui allaitent, dès qu’elles reprennent le travail, une baisse de la lactation. C’est l’effet du stress. Mais cela en vaut toujours la peine, car si le bébé a du lait maternel pendant un ou deux mois de plus, c’est précieux pour lui.» Dans cette maternité, une chambre d’allaitement bien équipée est à la disposition des employées du CHUV et de l’Etat: grands fauteuils, tire-lait électrique, évier, sets d’allaitement, frigo pour la conservation des bouteilles, ainsi qu’une bouilloire pour que les femmes puissent se faire une tasse de thé ou de café.

«En cinq ans, remarque Maria-Teresa Adjaho, je n’ai vu qu’une seule mère allaiter. Toutes les autres viennent ici pour tirer leur lait. Allaiter son bébé quand on travaille est trop compliqué. C’est dur pour une maman de voir son bébé juste le temps de l’allaitement et de devoir repartir aussitôt pour plonger dans la réalité du travail. Alors que le fait de tirer son lait pour que l’enfant en profite plus tard est psychologiquement une bonne chose pour la maman. Cela l’aide à surmonter la séparation. Une chose est sûre: la reprise du travail ne doit pas pourrir la vie des femmes.»

A celles qui suivent les cours de préparation à l’accouchement, les sages-femmes conseillent de ne prendre aucune décision au moment de la naissance concernant la manière de nourrir leur bébé après le congé maternité. Il faut que les mamans profitent librement des premiers mois avec leur enfant et qu’elles se donnent le temps de bien vivre leur relation avec lui. Il sera suffisamment tôt pour se décider un mois avant la fin du congé maternité.

Une organisation impeccable

Selon une étude de l’Office fédéral de la santé réalisée en 2004, 94% des femmes suisses débutent l’allaitement après la naissance, mais elles ne sont que 14% à nourrir leur enfant jusqu’au 6emois, comme le recommande l’OMS. Toutes les mères n’ont pas les moyens ou l’envie d’arrêter de travailler pour allaiter bébé pendant six mois. La plupart, cependant, veulent donner à leur enfant la chance de bénéficier des bienfaits du lait maternel, quelquefois au détriment de leur propre bien-être. Concilier «lolo» et boulot demande une organisation sans failles. Les plus prévoyantes commencent à tirer leur lait régulièrement dans le mois qui précède la reprise du travail pour le congeler et constituer des stocks.

Stéphanie, deux enfants de 5 et 2 ans, raconte qu’elle voulait être une mère parfaite pour sa fille et la nourrir le plus longtemps possible: «Quand je suis retournée au bureau, je tirais mon lait dans la salle de réunion que je fermais à clé. Cela me prenait un temps fou, et pendant ce temps, le travail s’accumulait. J’avais l’impression d’être une vache connectée à la machine à traire. Ensuite, je devais traverser les bureaux avec mon flacon de lait pour le déposer dans le frigo de la cuisine. C’était gênant. Et je ne parle pas des taches sur le chemisier lors des montées de lait! Au bout de deux mois, j’en ai eu marre et j’ai arrêté. Je n’en pouvais plus. Trois ans plus tard, quand mon fils est né, je n’ai pas renouvelé l’expérience.»

Maman d’un petit Maël de 8 mois, Eva a vécu au contraire une expérience très positive. Cette assistante de direction chez Securitas à Lausanne vient d’arrêter d’utiliser le tire-lait mais continue à allaiter son fils le matin, le soir et une à deux fois la nuit. «J’ai eu la chance d’allaiter sans problème et de rencontrer beaucoup de compréhension de la part de mes collègues. Au travail, je pouvais tirer mon lait deux ou trois fois par jour dans un local tranquille, sans être dérangée.» Il lui est même arrivé, à une période où son bébé était particulièrement affamé, de quitter son travail à Lausanne pour aller donner le sein à Maël dans sa garderie, à La Tourde-Peilz, puis de repartir au travail!

Une crèche au boulot

Le fait de bénéficier ou non d’un espace tranquille équipé d’un tire-lait électrique et d’un frigo peut être décisif au moment de faire un choix. Les femmes ont légalement le droit de quitter leur poste le temps nécessaire, mais les petites entreprises ne disposent pas forcément des locaux nécessaires. Ce sont surtout les grandes sociétés qui proposent une crèche et des espaces d’allaitement. La mise à disposition d’une crèche d’entreprise est certes un luxe apprécié par les mamans. En principe, cela facilite la poursuite de l’allaitement naturel. Mais tout dépend de la nature du job. Pour certaines femmes, il est impossible de s’absenter d’une importante séance de travail pendant trois quarts d’heure sous prétexte que bébé réclame la tétée à la nursery.

Pour épargner aux mamans la corvée du tire-lait pendant les deux mois qui suivent la reprise du travail, la Banque Raiffeisen a fait simple mais efficace: elle accorde aux employées qui travaillent depuis six ans dans l’entreprise un congé maternité de six mois, de quoi sevrer bébé en douceur. La banque permet aussi aux collaboratrices qui le souhaitent de diminuer leur temps de travail jusqu’à 60% en conservant leur fonction et leur échelon hiérarchique…

Sites utiles

  • A Genève, l’Association Allaitement dans la Cité a publié la liste des lieux que les femmes peuvent utiliser en ville pour allaiter en toute discrétion. Il y en a dans des commerces, des bibliothèques, à l’Université, dans des restaurants, à l’aéroport et même… à l’Administration fiscale cantonale! www.allaiter-geneve.ch
  • A consulter: le site de la Fondation suisse pour la promotion de l’allaitement maternel www.stiftungstillen.ch
  • D’autres sites généraux renseignent sur l’allaitement. www.allaiter.ch, www.arcade-sages-femmes.ch
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