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Comment rompre en blessant le moins possible?

Comment rompre en blessant le moins possible?
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Hormis les cas extrêmes à la «Liaison fatale», avec un Michael Douglas sortant l’artillerie lourde pour neutraliser une Glenn Close éconduite, la plupart des personnes désirant rompre souhaitent sincèrement voir l’autre souffrir le moins possible. Parce qu’il s’agit, le plus souvent, d’une personne que l’on a passionnément aimée. Mais comment s’y prendre afin de rendre l’épreuve moins pénible pour tous? Et se donner à chacun les meilleures chances de rebondir? Auteur du livre «Le couple brisé» (Albin Michel, 2016), le psychiatre et psychothérapeute Christophe Fauré nous suggère quelques pistes et autres voies de la sagesse à suivre.

Femina: A quel moment se sent-on vraiment prêt à rompre et à l’annoncer?
Christophe Fauré: On fait parfois le constat qu’en dépit des efforts qu’on a mis en œuvre, soit pour inviter la personne à changer un comportement qui ne nous convient pas, soit pour tenter d’améliorer la situation, la dynamique du couple n’a pas évolué. Il y a une prise de conscience qu’un décalage irréversible existe sur le plan des projets, des valeurs, des émotions... On opte alors pour une troisième voie: changer soi-même. C’est un cheminement durant lequel on a épuisé tous les recours pour essayer de sauver la relation, qui peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années, à l’issue duquel on estime de façon forcément subjective qu’il est temps d’aller de l’avant. Subjective, car il arrive que la personne qui est quittée estime insuffisants les efforts qui ont été faits pour améliorer les choses, d’où une certaine incompréhension, des ressentiments et des reproches possibles.

Quelle est la meilleure manière d’amorcer la discussion?
La séparation comprend un processus de deuil, qui en réalité commence bien avant l’annonce. Il peut avoir débuté des mois auparavant, de façon subtile, nous faisant progressivement renoncer à la relation. Le dialogue qu’on va avoir avec son partenaire dépend ainsi de notre position dans ce processus de deuil. Si l’on est très avancé et que l’on arrive au constat d’une évidence, la manière d’annoncer la rupture sera plus cash. En revanche, si l’on se situe très en amont dans ce processus, le mieux est de commencer par parler de soi, de ses ressentis. Expliquer que l’on ne se sent plus heureux, plus en phase dans le couple, que l’on n’y trouve plus ce dont on a besoin. Puis demander à l’autre ce qu’il en pense, s’il partage ce constat ou non. Il faut éviter d’attaquer directement son partenaire en l’accusant de ne plus nous combler, ou d’être trop flemmard, trop négligent. Cette discussion est importante, car durant l’échange, il est possible de soudain prendre conscience d’une chose qu’on n’avait pas vue. Mais on diffère parfois trop longtemps ce moment de confidences et, si un point d’espoir apparaît, les sentiments peuvent s’avérer déjà trop éteints pour que l’on ait vraiment envie de poursuivre.

Observe-t-on des différences dans la manière de rompre entre hommes et femmes?
L’un des comportements typiquement masculin, c’est de vouloir partir mais sans en avoir le courage. Le partenaire va alors créer toutes les conditions pour que ce soit l’autre qui s’en aille, en devenant insupportable, compliqué… Les hommes s’accommodent plus facilement de situations peu satisfaisantes. Les femmes, elles, sont souvent plus claires avec elle-même et hésitent moins à rompre quand elles se sentent mal dans leur couple. On se rend d’ailleurs compte que 75% des personnes qui demandent le divorce sont des femmes...

Si l’on part pour quelqu’un, faut-il le mentionner?
Je conseille toujours de dissocier les deux annonces «je ne t’aime plus, je ne suis plus heureux avec toi», et «j’ai rencontré quelqu’un». Il vaut mieux commencer par acter notre éloignement dans le couple, signifier qu’on n’y trouve plus satisfaction, et garder quelque temps sous silence l’existence d’une nouvelle relation. Cela me semble plus respectueux et aussi plus sage si un divorce se profile, car on évitera ainsi de jeter de l’huile sur le feu. Cette première discussion sera également moins violente pour l’autre, même si certaines personnes trouveront moins difficile d’être quittées pour quelqu’un d’autre, parce que ce fait leur donnera l’impression qu’elles n’y sont pour rien.

Existe-t-il plusieurs phases émotionnelles chez la personne subissant la rupture?
Premier cas de figure, la personne ne s’y attendait pas du tout: la nouvelle fait l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel serein. Deuxième option: l’annonce ne fera que lever un doute sur des choses qu’elle pressentait. Dans un second temps, l’autre essaiera souvent de renégocier, par exemple en promettant d’arrêter de boire, de fumer, de rentrer tous les soirs à 22 h, ou de perdre ces kilos qu’on lui reproche. Quelque chose disant finalement «donne-moi un peu de temps pour changer et te convaincre de rester avec moi». La personne qui part peut alors être tentée, en effet, de donner une chance. Mais si elle persiste dans sa volonté de rompre, le partenaire, en face, va souvent entrer dans une phase de colère, d’attaque, voire de vengeance. Et quand on a compris que tout est vraiment fini, c’est plutôt un vécu dépressif qui s’installe, qui acte les choses jusqu’à l’acceptation de la situation.


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Comment peut-on atténuer au maximum la douleur de la personne qu’on quitte?
L’un des éléments fondamentaux, c’est de reconnaître la peine de l’autre. De ne pas oublier de dire qu’on respecte son ancien partenaire en tant que personne. Et, aussi, ne pas charger la barque plus qu’elle n’est chargée. Il y a quelque chose de l’ordre de la reconnaissance sincère de la douleur qu’on induit chez l’autre. Reste que ce genre de vécu peut aller jusqu’à la tentative de suicide… C’est compliqué, parce que la personne qui part peut se sentir piégée, prise dans un chantage. Le mieux s’avère alors de parler de tout ça à la famille de la personne qu’on quitte, de lui expliquer que cette dépression est due à la rupture et qu’on a besoin d’aide, pour ne pas se laisser enfermer par le désir suicidaire de l’autre.

Est-il préférable de mettre de la distance physique, voire géographique, après cette annonce?
Parfois l’un et l’autre ont besoin de s’accompagner en restant assez proches, en communiquant beaucoup. Si l’on a toujours été dans le dialogue et dans la compréhension de ce qu’il se passe, mieux vaut prolonger ce même mode. Si l’on coupe les ponts, c’est qu’il y a vraiment une base conflictuelle, une toxicité à fuir. Mais il n’y a pas vraiment de règle. La manière de procéder est surtout dictée par la couleur émotionnelle de la relation.

Si la personne qui part est soudain nostalgique, et ne revoit que les bons moments passés avec l’autre, est-ce le signe qu’elle n’est peut-être pas prête pour rompre?
Là, il faut faire une grande différence entre l’amour et l’attachement, ce n’est pas pareil. Les souvenirs que l’on a construits, les images d’instants de bonheur du passé, tout cela est de l’ordre de l’affection, mais ce n’est pas parce que l’on a de l’attachement pour une personne qu’il y a nécessairement de l’amour. Ce n’est pas parce que l’on se sent très attaché à une personne que l’on a envie de faire l’amour avec elle, de vieillir avec elle, d’avoir des projets communs. Cette confusion peut être compliquée à vivre, mais il faut savoir faire la distinction entre les deux et se donner une chance d’aimer et d’être aimé à nouveau, ailleurs.

Au fond, une rupture peut-elle bien se passer si elle est unilatérale?
Si, pour l’autre, la séparation n’était pas du tout une option, la rupture se révèle un vécu très douloureux, quoi qu’on fasse. On pose une décision qui va faire souffrir celui ou celle que l’on a aimé, et aussi nous faire souffrir, car on se coupe de beaucoup de choses, on met un terme à un chapitre de notre vie, avec une tonalité de deuil, même quand on part pour quelqu’un d’autre. Néanmoins, quelque temps après la reconstruction, lorsqu’elle noue une nouvelle idylle, la personne quittée se rend alors compte que cet événement a eu des effets positifs, en lui permettant de vivre d’autres moments tellement beaux, qui valaient eux aussi la peine d’être vécus. L’autre peut finalement avoir envie de dire merci, et ne reviendrait en arrière pour rien au monde.

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