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Sylviane Tille, jamais sans sa famille

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Sylviane Tille, comédienne, metteuse en scène, fondatrice de la compagnie L’éfrangeté.

© Francesca Palazzi

Quand on la voit s’occuper de Luce, bientôt 6 ans, et allaiter Mila, bientôt 8 mois, on ne l’imagine pas en pleine tournée de spectacles, à la fois metteuse en scène des «Contes abracadabrants» et directrice de sa compagnie L’éfrangeté. Un indice se trouve dans son bureau, au premier étage du vaste appartement aménagé dans une ancienne ferme d’Arrissoules, près d’Yvonand: l’étagère partagée entre livres de théâtre et tissus («j’en ferai des habits pour mes filles»). Sylviane Tille est une jongleuse de la création, manuelle, théâtrale, artistique – elle dessine et peint – tout en restant sportive, amante et mère.

Fière de la «magnifique famille recomposée» qui comprend les trois enfants (9, 13 et 15 ans) de Raphaël – «père de mes filles, homme de ma vie» – et qui s’étend en bonne harmonie à l’ex-épouse et à son nouveau compagnon, Sylviane poursuit l’entretien tout en donnant le sein à Mila. Question d’habitude: «J’ai allaité Luce alors que je jouais au théâtre. Une tétée toutes les deux heures, il fallait bien calculer…» Elle enchaîne les anecdotes; spontanée, vive, joyeuse, tour à tour amusée et intriguée, voire émue, du miroir que lui tendent les questions.

La confiance en cadeau

Le nom de la rubrique «Air de famille» lui plaît: elle voue aux siens un amour déferlant. Entre Muriel, d’un an son aînée, et Joëlle, de quatre ans sa cadette, elle a vécu «l’enfance la plus heureuse du monde». Grâce à Michel Tille, ingénieur vaudois installé à Berne, et Ursula, son épouse lucernoise. Lui, grand sportif, a transmis à sa fille «sa grosse énergie». Ancien prof de ski au Canada, il emmenait chaque hiver sa famille en montagne à partir de sa base affective, le chalet La Valerette au-dessus des Diablerets.

Michel, c’est «la confiance en nous – tu peux tout faire! – et la volonté», et Ursula «l’imaginaire, le monde intérieur, la créativité, la sensibilité». Toute timide qu’elle est, et dévouée aux siens, cette mère «intello de la famille», qui lit en allemand, français et anglais, qui vécut à Paris et à Londres, conseilla à ses filles de ne pas se marier trop jeune. Elle représente «le pilier de la famille, une force incroyable qui nous tient ensemble».

Aujourd’hui «grand-mère idéale», la septuagénaire – qui «a lu Bettelheim et Dolto» – n’a pas songé à lâcher l’entreprise d’électronique que les Tille fondèrent dans leur maison, après s’être installés à Fribourg, pour la scolarité de leurs filles, transplantées du berntütsch au français.

Avec le recul, Sylviane déborde de reconnaissance envers ces parents qui lui ont offert des années épanouissantes et «la sécurité affective». Il était rude de se trouver en sandwich entre aînée et cadette, et de quitter Berne (elle en a gardé le bilinguisme) «où j’ai tout fait avec Muriel, jusqu’à 9 ans. Mais à Fribourg, j’ai prolongé l’enfance avec Joëlle.» Elle ne se voyait pas future théâtreuse quand elle imaginait, avec ses copains, les intrigues d’aventures dans le chantier d’une école bernoise en transformation – mafia, trafic d’armes, clé cachée dans l’étang… Ni lorsque sa mère la fit s’initier à la danse classique et à l’équitation – en commençant par la voltige: «Il faut savoir tomber», prélude à une relation inoubliable avec sa jument «Zigora». Plus tard, au Collège Saint-Michel, elle ne pense qu’à dessiner, graver et peindre, quand son amie Delphine l’entraîne au Conservatoire. Elle a 16 ans, et c’est LA rencontre qui transforme sa vie.

Le goût de l’imaginaire

Encore une histoire de famille: Gisèle Sallin, la formidable cofondatrice du Théâtre des Osses, deviendra «une deuxième mère, un mentor, dit-elle. Pour se construire, on a besoin d’exemples, et dans ce monde masculin (ndlr: celui de la mise en scène), il n’y a pas tellement de figures de femmes. Gisèle a cru en moi et m’a transmis sa passion.» C’est également elle qui ouvre les yeux de Sylviane sur la force de sa mère, Ursula. Et qui va voir les parents Tille, inquiets, leur assurant que leur fille apprendrait «un vrai métier».

La suite est une succession d’expériences, d’essais, d’aventures artistiques sur et autour des planches. La comédienne se forme durant cinq ans à la mise en scène sous la direction de Gisèle Sallin, apprenant au contact de tous les corps de métiers. Au fil des spectacles, elle forge avec la scénographe Julie Delwarde et la comédienne Céline Cesa les amitiés qui souderont, dès 2006, sa compagnie L’Efrangeté (sur presque toutes les photos, depuis l’enfance, on reconnaît Sylviane à sa frange). Elle enchaîne les spectacles – comédienne, metteuse en scène, productrice – et s’intéresse de plus en plus au jeune public. Car elle veut lui transmettre le goût de l’imaginaire, dont le pouvoir est battu en brèche, dit-elle, par les tablettes électroniques. «Elles interdisent tout moment d’ennui… pourtant indispensable pour que le moteur de l’imaginaire se mette en marche au lieu d’être noyé sous le flot d’images et de stimulations superficielles sur l’écran.»


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A la voir enthousiaste, prête à soulever des montagnes avec L’éfrangeté, on ne se doute pas qu’il lui a fallu affronter une gravissime crise de révolte et de désespoir, à la vingtaine, devant les horreurs du monde. Elle se sauva par une décision radicale: «Ne plus me lamenter, tirer vers la lumière et faire, à mon échelle, ce en quoi je crois et ce dont je suis capable.» Orchestrer des spectacles chatoyants, profonds et gais.

Contes abracadabrants, d’après Franz Hohler, mise en scène Sylviane Tille (dès 7 ans).
Du 9 au 13 mars 2016 au Petit Théâtre, à Lausanne (14 h ou 17 h); du 15 au 20 mars 2016 au Théâtre Am Stram Gram, à Genève (17 h ou 19 h); le 23 mars 2016 au TPR, à La Chaux-de-Fonds (16 h 15).

Questions d’enfance

Une odeur d’enfance La sauce aux morilles, dans l’auberge de mes grands-parents paternels, à Crassier.

Votre jouet fétiche Ils n’ont pas de nom (ndlr: elle apporte un éléphanteau et un lionceau). Un jour, je les ai donnés à un copain. J’ai tant pleuré que ma grande sœur est allée négocier.

Votre légume détesté Aucun.

La phrase qu’on vous répétait et qui vous agaçait Je n’en trouve que de positives. «Quand on veut, on peut», me disait mon père, c’est-à-dire: «Crois à tes rêves!» Le motto de la famille, qui m’a poussée et tirée.

Votre dessert favori La sublime tatin de ma mère, selon Bocuse.

Vos premières vacances L’été chez notre oncle Tonio près de Brescia en Italie, où les oncles et tantes, les amis se retrouvaient, avec plein d’enfants. Il y avait une piscine – et des dindons!

Le vêtement dont vous étiez fière Ceux que ma mère nous faisait (ndlr: elle apporte un pull marine, brodé «Sylviane»). Et le pull arc-en-ciel choisi par mon père parce que j’en avais assez de porter les habits de ma sœur aînée.

Le héros qui vous faisait rêver Superman. A 5 ans, je me suis élancée de la commode en criant: «Ich fliege!» (Je vole!)

Sylviane (à g.) a 9 ans. Les trois sœurs montaient des spectacles pour leurs parents.
A 15 ans, au manège de Corminbœuf, «avec Zigora, la jument que nous avions en demi-pension, ma sœur aînée et moi».
La famille Tille en vacances en Sardaigne (1985).
A 1 an, à Berne.

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