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Musique: Elina Duni fait revivre des airs traditionnels albanais

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La chanteuse suisso-albanaise Elina Duni.

© Michele Limina

Comme le prouve admirablement la radieuse Elina Duni, la musique est un langage universel qui se joue des barrières stylistiques et transcende les frontières linguistiques. Alternant français, allemand, anglais, espagnol, bulgare ou albanais, la flamboyante diablesse, qui porte haut la voix de l’Albanie en faisant revivre des airs traditionnels en mode jazz, vous embarque en effet pour des voyages aussi envoûtants que poétiques. De sa voix d’incantation et de braise, elle vous entraîne dans des univers oniriques gorgés du soleil joyeusement bouillonnant ou tendrement mélancolique de cette Méditerranée qui lui colle à l’âme.

La folie d’un Dostoïevski

Elle avait beau n’avoir que 10 ans lorsque, en 1992, elle est arrivée en Suisse, la jeune femme n’en reste pas moins profondément imprégnée des volcaniques énergies du Sud. Les mains virevoltent, elle sourit: «Je veux être une citoyenne du monde mais… il me suffit d’entendre des cigales ou de voir des pins pour me sentir chez moi!» A cette simple évocation, la voilà partie dans ses souvenirs.

L’artiste se revoit gamine à Tirana, heureuse, choyée, épanouie. Retrouve cette enfant de la balle qui se construisait avec pour modèles un grand-père écrivain, un père metteur en scène et une mère tout à la fois poétesse, comédienne, romancière, essayiste et conteuse qu’elle définit comme «la personne phare» de sa vie. «Bessa (Myftiu) m’a éduquée, cultivée et, surtout, m’a toujours fait confiance et soutenue. Même quand j’ai eu des moments agités, à l’adolescence. Aujourd’hui, nous avons une relation fusionnelle.» Attendrie, Elina Duni poursuit: «J’aime sa façon de toujours voir le meilleur en chacun… Elle m’a donné énormément d’amour et je lui dois ma façon d’être!»

Sans nostalgie, la chanteuse replonge dans le passé. Et s’amuse à présent de la coquine qui, musicienne née, faisait le show et chantait en public à 5 ans, enchantait sa famille dès qu’elle ouvrait la bouche et s’agaçait sur son violon à défaut de pouvoir jouer du piano. Puis se remémore la minote croqueuse de mots et dévoreuse de romans qu’elle était déjà: «Je suis née dans une maison à livres et j’ai été littéralement façonnée par la littérature russe. Chez Tolstoï, Tourgueniev ou Dostoïevski, il y a une espèce de folie qui me parle. Peut-être parce qu’elle est assez méditerranéenne?»

«Et puis il y a Ismaïl Kadaré, évidemment, reprend-elle. Il a été un fidèle compagnon de route de mon grand-père maternel. Il m’a fait aimer l’albanais: c’est grâce à lui que cette langue est restée vivante en moi et que j’en retombe amoureuse chaque fois que je le lis. Il m’a marquée par son ironie, son humour noir… Tout comme je suis impressionnée par Migjeni, poète albanais des années 1920. Sa poésie était socialement et politiquement très engagée et je trouve ça admirable!»

Admirable, aussi, la sérénité qui se dégage de l’auteure-compositrice-interprète et qu’elle attribue à l’inébranlable confiance en la vie héritée, dit-elle, de sa famille.

Les Beatles contre la solitude

Les yeux brillants, Elina Duni raconte alors l’histoire de son arrière-grand-père puis de son grand-père qui, tour à tour, se sont engagés pour les autres. Quitte à payer le prix fort. «Mehmet Myftiu, le père de ma mère, est entré en résistance à l’âge de 12 ans, pour lutter contre le fascisme dans l’Albanie occupée. Interné dans un camp de concentration nazi, il a vécu des choses horribles mais n’a jamais baissé les bras. Plus tard, vers 20 ans, quand il a compris que l’étau de la dictature enserrait tous les rêves, il s’est détourné du communisme et s’est révolté par l’écriture. Ce qui lui a valu d’être emprisonné et interdit de publication pendant trente ans. Eh bien! malgré tout cela, il n’a jamais cessé de croire en l’Humanité. Cette croyance en l’Homme, il l’a d’abord transmise à ma mère, puis à moi. C’est une ressource inestimable!»


©Michele Limina

Comme l’est la musique, ajoute-t-elle aussitôt: «Quand je suis arrivée en Suisse, je venais d’une ville ensoleillée où j’avais ma famille et des amis et là, d’un coup, je me retrouvais à Lucerne sans connaître ni la langue ni les gens ni les coutumes. J’ai vécu des moments très difficiles, mais la musique m’a sauvée!» Sourire aux lèvres, pétillante, elle précise: «Avec mon casque de walkman sur les oreilles, je partais marcher seule – ce qui ne m’était jamais arrivé auparavant. Ça s’est révélé superbe: j’ai appris à dompter la solitude et découvert les Beatles!» Les Beatles? L’étonnement la fait rire. Elle explique: oui, elle s’est réapproprié et revisite les airs folkloriques de son pays, ce qui lui vaut le statut de star en Albanie. Oui, elle aime le jazz et adore se produire en quartette avec ses complices Colin Vallon (piano), Patrice Moret (contrebasse) et Norbert Pfammatter (batterie) ou en duo, avec le pianiste Jean-Paul Brodbeck, pour rendre hommage à sa chère Billie Holiday. Mais non, elle ne se limite pas à ça. Et se dit aussi très marquée par la chanson française que lui a fait découvrir son beau-père quand elle était adolescente: «L’influence de Jacques Brel, Léo Ferré, Edith Piaf et Serge Gainsbourg n’est pas encore vraiment apparue dans ce que je fais, mais ça va bientôt se faire sentir...», sourit-elle. On se réjouit déjà.

Ce qui la dope Quoique plutôt lève-tard, de temps en temps je me réveille de bonne heure et me balade dans la nature: j’aime ces instants du matin, quand le jour semble si prometteur.

Son don inattendu Ce n’est pas forcément surprenant ou original, mais je fais très bien la cuisine.

Sur sa shamelist J’adore Shrek. Et le groupe Abba, aussi. Leurs chansons sont super bien faites et joyeuses: elles donnent vraiment la pêche!

Son dernier fou rire Hier, avec ma mère et mon oncle.

Son buzz J’ai vu que Lady Gaga s’est rendue dans des foyers pour des jeunes SDF… Je trouve bien qu’une star de son envergure soit dans le don et le partage.


©Reuters/Neil Hall; Reuters/Eric Vidal

Sa news Femme Angela Merkel est une femme remarquable. J’ai été touchée par son action en faveur des réfugiés: même si cela lui vaut d’être lynchée dans son pays, elle ne se laisse pas démonter.

Son actu En plus de «Partir», son spectacle en solo, elle joue «Tribute to Billie Holiday» en duo avec le pianiste Jean-Paul Brodbeck. Et participe à un projet théâtral zurichois consacré au génocide arménien.


©Keystone/Francesca Pfeffer


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