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A peine rentrée, à vélo comme toujours, de sa répétition à Meyrin*, elle accueille le visiteur dans le joyeux appartement de la famille Gregori, dans le quartier de la Servette, à Genève. Joyeux grâce aux œuvres de Christian, son mari, acteur mais aussi décorateur de théâtre: ses créations originales et astucieuses émaillent murs et meubles. Maria s’amuse, s’émeut, raconte une vie toujours trépidante. Parfois très dure mais jamais ennuyeuse, et c’est ce qui compte, on le comprend vite.

Le rôle qui vaut à l’actrice sa notoriété imbattable n’a rien à voir avec le théâtre: elle en est à sa… 26e année de météo à la Télévision romande. «Je vous garde parce que vous êtes drôle», lui avait dit Gaston Nicole, patron du Téléjournal. Et c’est vrai: elle improvise gaiement sa présentation sans notes, naturelle et à l’aise dans votre salon.

Mais ce n’est qu’un à-côté; Maria Mettral est formatrice à la RTS – pose de la voix, commentaire sur des images, etc. – et, surtout, comédienne. Depuis toujours. Depuis qu’à 7 ans elle mettait en scène ses cousins et cousines et que son père les filmait en super-8. Parler de théâtre, c’est parler de sa vie. Rembobinons.

Sur des airs d’opéra

Maria Giulietti naît en 1959 à Genève, fille d’un artisan venu d’Apulie – «l’ancien nom des Pouilles, c’est plus joli» – bientôt suivi de ses frères et beaux-frères. Il n’est rentré à Putignano que le temps de s’y marier, avec une couturière. Tous deux issus de familles modestes. Le père de Maria aurait voulu être médecin, il fut tailleur et en fit un succès, ouvrant après quelques années sa propre boutique où il travailla toute sa vie en chantant ses chers airs d’opéra.

Jusqu’à ses 5 ans, Maria ne parle qu’italien; elle conquiert le français à la maternelle, en quelques semaines; mais fréquentera l’école italienne chaque jeudi et samedi. Son sourire resplendit en évoquant cette enfance entre des parents «affectueux, aimants et drôles», son frère cadet et d’extraordinaires grands-parents d’adoption. François et Carmen Ringuisen coachent les parents et choient la petite; la famille Giulietti saisit les codes et les mœurs, s’intègre rapidement. Mais garde l’Apulie au cœur – Maria vient d’ailleurs de remettre en état la maison paternelle.

La tribu genevoise retrouve donc chaque été celle restée au pays, et ce sont des souvenirs chaleureux, odorants, sonores. Mais aussi la mémoire de drames. Le typhus à 11 ans – la seule année où le père, qui ouvre alors son enseigne genevoise, n’accompagne pas les siens. Maria se souvient de ces semaines au lit, en triste état… tandis qu’à côté sa grand-mère agonise. La mort a fait très tôt partie de son paysage mental; elle s’en accommode, déterminée à vivre sans se morfondre, malgré la perte d’un enfant, de nombreuses fausses couches, des deuils. Cependant, bien plus tard, en 2013, la mort de son père la frappe avec une violence qui embrume son visage lorsqu’elle l’évoque. A 71 ans, un cancer foudroyant; il dit à sa fille: «Ça m’emm… j’ai encore tellement de choses à faire.» A faire non par devoir mais par envie! Comme sa fille. Maria l’accompagna, communiquant par un code tactile quand il perdit la parole.

Le sourire revient: «J’ai la chance d’avoir encore ma mère» – et on comprend à quel point la famille compte pour la comédienne suroccupée qui court d’une répétition à un enregistrement de pub (intermittence du spectacle oblige, mais elle assume sans réticence cet aspect du métier) sans jamais négliger les siens.

La scène à 12 ans

Son premier fils, né de son mariage à 21 ans avec le musicien classique dont elle a gardé le nom en scène, vient de la rendre grand-mère pour la seconde fois, un bonheur qui fait rosir ses pommettes. Avec Christian Gregori – vingt-huit ans de bonheur quotidien émaillé de récurrentes disputes théâtrales, brèves et aussitôt oubliées – ils ont une fille de 21 ans (vocation… comédienne) et un fils de 15. De quoi se questionner: «Une réflexion assez continue sur la manière dont nous agissons, sur ce qu’est l’humain, vers une conscience plus éclairée.»

Mais cet amour du théâtre, au-delà des saynètes familiales? Grâce à un prof d’exception, Jean-Christophe Malan, Maria découvre à 12 ans les éblouissements de la scène. Atelier théâtre, poursuivi au collège Voltaire; elle veut filer au Conservatoire. «D’abord la matu», dit son père, intraitable. Après? L’Université. Italien, français, musicologie – tout en donnant des cours de diction et en fréquentant le Conservatoire. Elle s’immerge dans «La divine comédie» (et continue aujourd’hui à lire dans sa première langue les auteurs actuels). Jusqu’à ce que son prof d’italien ancien, séduit par une présentation passionnée, lui dise: «Va faire du théâtre!»

La suite? L’Ecole supérieure d’art dramatique, puis le Théâtre de Carouge. Elle joue et joue, avec de nombreux metteurs en scène, sur les planches et à la télé, des drames et des comédies, Brecht, Musset, Molière, Shakespeare, Dario Fo, la liste serait trop longue. Et puis, en 2010, se souvenant qu’elle a toujours chanté, elle se lance au Palais Mascotte avec des reprises de chansons célèbres. En 2013 elle relève encore la barre: «Malgré les apparences», spectacle et CD inédits avec le duo Aliose. On ne verra pas seulement, on entendra encore Maria Mettral.

* «La fabuleuse histoire de Meyrin», 14-18 septembre 2016, salle Antoine-Verchère. Dès novembre, «La bonne planque», tournée des Amis du boulevard romand.


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Questions d’enfance

Une odeur d’enfance À l’arrivée en Italie, la terre, le figuier, le pain… un mélange doux qui me disait l’Apulie.

Mon premier amour Il était en classe avec moi, nous avions 10 ans et nous échangions des billets que les copains faisaient passer.

Mon jouet fétiche Je jouais dehors. Au ballon prisonnier, au volley, au basket, à la marelle, à l’élastique. Un objet fétiche, mais pas un jouet: mon Melodica.

Mon bonbon favori Les dragées! L’amande nichée dans le sucre. Tous les étés, en Italie, il y avait des mariages et des baptêmes

Mes premières vacances En Apulie, chaque année, jusqu’à mes 18 ans.

Le vêtement dont j’étais fière Un pattes d’eph fait sur mesure par mon père. Extra-extra-larges, les pattes!

Une phrase qu’on me répétait et qui m’agaçait Mon père: «C’est une question de principe.»

Le héros qui me faisait rêver J’adorais «Ma sorcière bien-aimée»: elle avait des pouvoirs, et qu’est-ce que ç’aurait été bien d’avoir des pouvoirs! Et puis j’aurais voulu être Thierry la Fronde.

Eté 63. «Poupée» en petite robe d’organdi pour la naissance à venir de mon frère.
Moment de bonheur lors de la fête de l’Escalade chez ma mémé et mon pépé adorés. J’ai 5 ans, je suis avec mon papa, ma maman et, derrière, la petite sœur de ma maman.
A Gradara, lors d’un tour d’Italie en famille: oncles, tantes et cousines. Ma mère à gauche et mon tonton à droite. Au milieu, de gauche à droite: moi, une cousine, mon frère et une autre cousine.

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