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A peine revenue, avec son mari, des premières vacances de sa nouvelle vie, elle repart seule pour trois mois au long cours. Se laisser vivre, enfin! Après quarante-deux ans de micro quotidien, de rencontres en direct, la funambule des émissions de compagnie et de découverte est décidée à savourer l’imprévu, sans contrainte, ni questions obligées: «A 20 par heure d’émission, j’ai bien dû en poser 200 000!» Vive, souriante, assurée, elle sait ce qu’elle veut: voyager, et réaliser un projet de «documentaires sonores de longue haleine». Depuis le temps qu’elle voulait sortir des émissions quotidiennes! Car Caboche porte bien ce nom qui n’est pas un pseudo, mais le patronyme de ses aïeux du nord de la France.

A Savigny, elle ouvre la maison mitoyenne où elle et son mari Ivan Niclass se sont installés avec leur fils Antonin, en 2002. Il fallait que Madeleine et Antonin – né en 1991, aujourd’hui étudiant en cinéma à Bruxelles – soient proches du travail et de l’école; sans pour autant habiter en ville, dont Ivan ne voulait plus entendre parler. Lui est un nomade, décorateur de cinéma sautant d’un tournage à l’autre et toujours heureux de retrouver son atelier de peintre; elle, une sédentaire qui s’envole chaque fois qu’elle peut.

Ce besoin d’ailleurs la tient depuis ses 25 ans, lorsqu’elle s’en alla en Inde, solitaire et sac au dos. Elle y reçut en cadeau le choc culturel de sa vie. «Je me suis éprouvée seule. J’ai su que je pouvais me faire confiance.» Grande victoire pour la jeune femme partie écrasée par l’énorme chagrin d’avoir perdu son grand-père adoré.

«C’était un Dieu vivant, je lui dois ce que je suis.» Car la toute petite Madeleine a été élevée par ses grands-parents, à Douai, tandis que sa mère étudiait pour son agrégation d’anglais et que son père travaillait à Dunkerque. Emue, elle se souvient comment ce grand-père directeur d’école, érudit et littéraire, lui lisait des histoires, l’initiait au jardinage aussi bien qu’à la poésie, faisait des promenades, fabriquait avec elle des herbiers. Elle les a conservés. Il lui donnait du temps et lui a ouvert le monde.

Radio et passion

Madeleine a 10 ans quand ses parents la reprennent, mais une distance persiste. Le père, géomètre à la SNCF, a été muté à Chantilly. «Nous étions des Ch’tis, des pauvres, dans cette ville où le cheval était plus important que les humains. Des gens friqués et snobs, aux antipodes du Nord généreux et spontané.»

Ah! la chaleur du Nord, le sens de la fête, le partage, le café toujours fumant à la cuisine. La mer, la vraie, «avec des marées de 12 mètres»! Madeleine y a emmené ses amis suisses. Son mari, rencontré en 1985 au Festival de Locarno, aime autant qu’elle ces plages. A carnaval, il y fait du char à voile à 8 heures du matin après avoir arpenté toute la nuit les rues de Dunkerque où les portes restent ouvertes. Cela s’appelle «faire chapelle»: sonner, monter, boire un coup et repartir en bande en chantant. Madeleine, qui déteste la foule, se sent dans son élément, emportée dans ce tourbillon bon enfant.

Après le bac, elle opte pour une école de relations publiques, histoire de vivre seule à Paris. Un prof de génie initie ses élèves au cinéma. Elle avale tous les grands films… et enchaîne avec une école multimédia, radio-télé-cinéma. Elle y apprend à concevoir et fabriquer une émission, comment raconter une histoire, les techniques de l’animation.

Son stage de trois mois comme technicienne à la Radio romande n’est pas sans conséquence. Follement amoureuse d’un Genevois, et engagée à France Inter Lyon, elle revient tous les deux jours au bout du Léman. Elle s’y installera. D’abord pour faire «la petite voix qui présente des disques le matin». On est en 1974, Madeleine Caboche devient rapidement «The Voice». Une voix inédite, juvénile; la seule à cette époque: «Une femme jeune, écolo, féministe, amoureuse, qui parlait à sa génération.»

Suivent quarante ans d’émissions. Quotidiennes, toujours quotidiennes: «Baisse un peu l’abat-jour», «Blues in the Night». Elle invente des histoires, choisit les invités reçus en direct: Jonasz, Thiéfaine, Couture, Cabrel. Suivront «Effets divers», «Les enfants du 3e», «Mordicus, Détours…» Chaque fois qu’elle doit changer, elle trouve dommage mais se jette à l’eau et conquiert son public en l’impliquant.

Tumeur et liberté nouvelle

Sa force, à part cette voix qu’on entend sourire? Sa folle exigence dans la préparation, dit son mari. «J’aime écouter», dit la grande questionneuse qui se souvient du temps où elle animait la nuit, seule avec un technicien dans les studios genevois déserts. Des détenus appelaient, des jeunes, des vieux. Elle choisissait elle-même ses disques, en toute liberté.

Une autre époque, constate-t-elle, sans aigreur, heureuse de sa liberté nouvelle. Une indépendance qu’elle chérit d’autant plus qu’il y a cinq ans le cancer – «une tumeur pas méchante-méchante, je m’en suis tirée avec des rayons mais sans chimio» – l’a «activée dans «ses» choix de vie». Soutenue par fils et amis, «portée à bout de bras» par un mari aimant, elle est sortie de l’épreuve «plus exigeante sur tout, ayant appris des choses essentielles.»

C’est pourquoi elle s’élance au grand large. Elle qui a aimé le Japon, Bali, la taïga du lac Baïkal, le Brésil et tant d’autres lieux pour des séjours toujours trop brefs sait qu’il est grand temps de prendre le temps.


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Questions d’enfance

Une odeur d’enfance Beurre et sucre quand mon grand-père sortait son gaufrier.

Un jouet fétiche Une poupée fabriquée ado, à l’effigie de Juliette Berto, cheveux noirs, yeux brodés.

Un premier amour J’avais 6 ans, Hervé avait les yeux verts. Dans le spectacle de fin d’année, il était le chat, j’étais la souris!

Un légume détesté Aucun! J’aime tous les légumes, sans aucune exception.

Un héros qui la faisait rêver Je devais avoir 12 ans… Steve McQueen dans le feuilleton «Au nom de la loi».

Un vêtement dont elle était fière Mon tutu en tulle. Mais en général, je me trouvais mal fagotée. Le goût de ma mère n’était pas le mien.

Un dessert enchanteur La crêpe Suzette.

Une phrase qu’on lui répétait et qui l’agaçait «Trop nuit à tout», me disait ma grand-mère. Energique, je courais, je mangeais, j’en faisais toujours trop, selon elle.

Les premières vacances En mer chaude à 14 ans avec la famille, en Espagne.

Juin 1981. A Denpassar, mes hôtes me déguisent en Balinaise pour mon anniversaire.
Août 1962. Mon petit frère, maman, mamie et moi dans les dunes de Dunkerque, ma ville natale.
1965. Grand-père prend la pose pour sa petite-fille.
Août 2002. Mon mari et mon fils, mes deux amours.

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