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Des mètres de classeurs fédéraux. Des lignes et des lignes de noms de médecins, d’avocats, de juges, d’experts. Des tonnes de comptes rendus, de mises en demeure, de poursuites. Trente-deux années de luttes, d’incompréhensions, de colère, de déception. Et au milieu, une mère, prête à tout pour préserver la santé et le confort de sa fille. Au cœur d’un lumineux appartement du centre de Lausanne, le sapin de Noël scintille encore aux premiers jours de janvier. Sur les étagères de la salle à manger, les photos de Sabrina font, en nombre, concurrence aux innombrables dossiers. «Ma maison, c’est devenu un bureau. J’ai des papiers partout, même dans ma chambre», confie en souriant Leina Sadaoui, désabusée. Comme nombre de parents d’enfants souffrant d’un handicap, cette femme de 62 ans, brushing impeccable et ongles manucurés, consacre ses journées à celle à qui elle a donné la vie: «C’est bien simple, je suis Sabrina 2».

IMC, infirme moteur cérébral, car il faut bien mettre des mots sur le malheur, Sabrina l’est depuis ses premières heures de vie, depuis cette hémorragie cérébrale qui l’a frappée à l’aube de son existence. Retour en 1979.Déjà maman d’une première fille aujourd’hui âgée de 35 ans, Leina vit une deuxième grossesse sans problème. Lorsqu’elle sent les premières contractions venir, c’est donc en confiance qu’elle se rend au CHUV. Là, Leina parle «carnage».Un bébé arrivé dans la précipitation, vingt-cinq minutes de réanimation, un diagnostic tardif, deux mois de coma…Pendant tout ce temps, Leina ne quitte jamais sa fille, à laquelle elle est déjà, et malgré l’issue fatale probable qu’on lui promet, viscéralement attachée.

Aujourd’hui, à 32 ans, Sabrina marche, voit, entend, parle tout juste mais ne peut accomplir seule aucun geste de la vie quotidienne. Elle vit chez ses parents. La semaine, elle passe sa journée dans une Fondation. Le reste du temps, ses parents et quelques intervenants extérieurs se succèdent pour son confort et sa stimulation. «J’ai toujours refusé de la placer en institution pour des tas de raisons. Affectives d’abord, puis parce que je ne suis pas sûre que cela aurait été la meilleure solution pour elle.»

Jusqu’à une grève de la faim

Aujourd’hui, aux soucis quotidiens, s’ajoutent les problèmes de comportement de la jeune femme: «Elle ne veut plus rien faire avec nous, elle veut être indépendante. Elle a aussi des demandes affectives, amoureuses», soupire la maman, inquiète. A la souffrance due à l’état de sa fille s’est ajouté, pour Leina, le combat contre les institutions autour de sa prise en charge. Il y a dix ans, acculée par les factures de physio, logo…et autres qui mènent le couple, ne pouvant faire face, aux poursuites, Leina s’installe sur la place Saint-François et entame une grève de la faim qui durera seize jours. 7000 personnes signeront alors sa pétition.

Soutenue, Leina l’est. Critiquée aussi. Pour son intransigeance. Parce qu’elle est étrangère. Parce qu’elle ne chercherait qu’à «se faire du fric».Mais la mère de Sabrina est une battante: «Je suis née en Algérie dans une famille de onze enfants. On a toujours été élevés dans un esprit progressiste, ou les filles étaient les égales des garçons, où l’on avait le droit de s’exprimer. Si j’ai quitté ce pays, c’est aussi parce que, dans ma vie d’adulte et de femme, je voulais garder cette liberté!»

Aujourd’hui, Leina, fatiguée et de santé fragile, n’a qu’un souhait: «Que l’avenir économique de Sabrina soit assuré, qu’elle ait son appartement où elle sera prise en charge, que sa sœur devienne sa tutrice, et qu’on me rende un peu ma vie. Et surtout, que je puisse partir en me disant que son avenir sera serein.»

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