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La chirurgienne Barbara Wildhaber au service des enfants

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Barbara Wildhaber opère les très jeunes enfants.

© Guillaume Mégevand

Dans un grand éclat de rire, elle lâche: «Je suis une chimère!» Car en Barbara Wildhaber cohabitent harmonieusement deux entités presque adverses. Chirurgienne, elle tranche – au propre et au figuré. Rapide, déterminée, voire expéditive. Mais, avant et après, la pédiatre écoute et prend du temps avec ses patients et leurs parents. Empathique et attentive.

La jeune femme semble s’amuser dans la vie tout en travaillant d’arrache-pied. Joyeuse et spontanée, elle répond avec générosité et prend plaisir à rendre hommage à ceux qui lui ont permis de devenir elle-même. A commencer par Dominique, le gastro-entérologue lucernois qui ouvrit à l’étudiante de dernière année de stage la vision non seulement du métier, mais surtout de la vie. Et aussi de ce qui se cachait en elle, la bonne élève. Ce compagnon d’un temps, resté un ami très proche, disait avoir vu «dans la petite chenille, le papillon» qu’elle deviendrait. A son contact, elle lit – notamment le philosophe et essayiste allemand Peter Sloterdijk, peu connu au début des années 1990 – approfondit sa pensée, gagne en assurance. Elle s’autorise, aussi, à «poser toutes les questions, y compris celles qui dérangent». C’est resté sa marque de fabrique: «aller au-delà».

Pionnière en informatique

Plus tard, l’interne eut la révélation de la chirurgie pédiatrique en secondant Herrmann, le médecin-cadre lucernois qui recousait le cuir chevelu d’un enfant accidenté. Exécutée avec une telle finesse, un tel art, cette banale suture fut le déclic de sa spécialisation.

Le choix de la médecine n’était pas un atavisme familial. La mère était maîtresse ménagère et le père ingénieur, passé de l’électricité à une passion pour l’informatique, qui fit de la gamine une pionnière de l’ordinateur. Elle rit aujourd’hui des dix commandements qu’elle avait rédigés en format géant devant l'écran familial pour discipliner son frère.

Le sport et les langues

Discipline. Barbara Wildhaber se dit «imbibée» de la rigueur d’une éducation très autoritaire, dont elle s’émancipera, sans jamais perdre de vue qu’«organisation, discipline et volonté sont les clés» de la réalisation.


© Guillaume Megevand

L’adolescente s’adonne intensivement au sport – sprint jusqu’au niveau national, saut en longueur, triathlon, etc. Ajoutez le piano et «les 168 heures de la semaine étaient occupées». Forte en maths («oui, c’est mon truc») et «amoureuse de Dimitri», elle choisit comme lui la matu scientifique; mais aurait aussi bien aimé les langues modernes. Allemand, français, anglais, italien et un peu d’espagnol, elle jongle.

Je suis une chimère! Chirurgienne, je tranche, vite; pédiatre, j’écoute, et je prends le temps.

Trente ans plus tard, après un doctorat à Zurich, des spécialisations, perfectionnements et recherches en chirurgie pédiatrique et hépatobiliaire, à Zoug, Lucerne, Zurich, en Afrique du Sud, en France, et trois années américaines à Ann Arbor, période décisive «pour la pensée autonome et la capacité de prendre du recul», voici l’Argovienne directrice du Centre universitaire romand de chirurgie pédiatrique. Cheffe de service à Genève, puis également à Lausanne, où elle a ensuite renoncé à sa fonction de responsable directe pour se recentrer sur la clinique et la recherche. Barbara Wildhaber cite d’autres dettes encore, trois profs: Claude Lecoultre, qui l’a appelée aux HUG, en 2003, pionnière des transplantations du foie des enfants, avec l’aide de Dominique Belli et du regretté Gilles Mentha. «Ils ont tout créé», dit celle qui surgit dans les médias, en 2015, pour avoir dirigé, à Berne, l’opération de prématurées siamoises reliées par le foie. «On ne fait rien tout seul», rappelle- t-elle en saluant «Valérie McLin, mon deuxième cerveau», hépatologue qui dirige avec elle le Centre suisse des maladies du foie de l’enfant.

«Faire du bien fait du bien»

Barbara Wildhaber a beau avoir trop de travail ici, elle n’oublie pas le reste du monde et siège à l’Assemblée du CICR. Pour elle, la pédiatrie humanitaire est un devoir «puisque l’accès à la chirurgie est un mirage pour cinq milliards d’humains». La chirurgienne tient aussi à son projet, Global Children’s Surgery. Non pour réaliser des prouesses dans des régions défavorisées, mais pour y rendre possibles des interventions basiques. Cela fait partie du sens de sa vie. Car «faire du bien fait du bien» et, à l’en croire, son dévouement, la bienveillance à laquelle elle s’efforce seraient presque égoïstes! Culpabilité chrétienne? Non. De son éducation protestante subsiste la certitude qu’«il y a quelque chose» dans la transition de la vie à la mort. Positive et pleine d’un espoir renouvelé, elle côtoie la douleur, les angoisses et la mort sans se laisser entraîner longtemps. Et elle n’oublie pas de se ressourcer, avec son compagnon «adorable… Il n’aimerait pas que je dise ça, mais c’est vrai: je l’adore.»

Mer et montagne, voyages, sport et musique – elle joue, trop rarement, du piano et compte reprendre le violoncelle. Une vie privée bien remplie. Mais Barbara Wildhaber, qui vit pour les enfants, n’en a pas eu. Lorsqu’elle évoque «des circonstances douloureuses», une ombre voile son visage. Très passagèrement: le sourire revient pour conclure sur les questions rituelles de cette interview. «Shamelist», buzz? Le fou rire menace!

Ce qui la dope Quand je me suis mouillée à fond, que j’ai donné tout et au-delà et que c’est apprécié. Le relationnel est l’essentiel.

Son don inattendu Demandez à mon compagnon. Sa réponse: «Ta capacité à délirer au second degré et ton aptitude à la paresse: ce n’était pas évident que tu l’aies, et qu’elle survive 48 ans.»

Sur sa shamelist J’ai facilement mauvaise conscience. Parlons plutôt de «Dangerlist»: croire que je dois toujours faire plus et ne pas savoir dire non.

Son dernier fou rire Mon compagnon s’est fait piquer pour la première fois de sa vie par un moustique et nous avons imaginé la joie de ses cellules de défense, qui pouvaient enfin se mobiliser!

Son buzz L’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. Je crois vraiment que c’est la dernière fois que je suis tombée de ma chaise.

Sa news Femme Malheureusement, il s’agit plutôt d’une «news Non-Femme!» Que les Tessinois – par le PLR cantonal – aient décidé de désigner comme candidat au Conseil fédéral un homme plutôt qu’une femme, alors qu’ils avaient en main le choix qui ne laissait pas de choix…


Ignazio Cassis, membre du Parti libéral-radical. © Laurent Crottet/Le Matin

Son actu Si je savais! Les greffes se font en urgence… Une publication? Je n’ai pas prévu de publication qui change la face du monde! Un événement important? C’est dans les petites choses que la vie se construit et prend son sens.


© Getty Images/Science Photo Library RM

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