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Charlotte Carrel, fille des champs à la tête de Rock Oz'Arènes

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Charlotte Carrel, la directrice du Festival Rock Oz’Arènes.

© Joëlle Neuenschwander

A 9 ans déjà, je conduisais le tracteur! Il n’y avait pas de jour de repos à la ferme et on mettait tous la main à la pâte pour ramasser les haricots, trier les pommes de terre sur les machines et faire les foins», raconte Charlotte Carrel, 50 ans, les yeux bleus plongés dans son passé de petite fille. Elle est là, assise dans son bureau qui mêle charme médiéval et photos d’artistes, où Marilyn Manson côtoie Lou Reed au deuxième étage du château d’Avenches. Un lieu haut en couleur à deux pas des arènes endormies sous le soleil printanier.

Seconde d’une fratrie de quatre enfants, elle a une sœur aînée, Catherine, une cadette, Evelyne, et un petit frère, «le chouchou!», Jean-Luc, 44 ans, qui clôt la marche. «Ma mère est de culture suisse allemande, mais mon père, s’il se déplace encore énormément aux quatre coins de la Suisse malgré ses 74 ans, reste très attaché à son village d’origine, Villarepos (FR). Ils y vivent tous deux paisiblement leur retraite, dans leur ferme.»

Une famille de musiciens

«Enfant, je passais beaucoup de temps dans les écuries où mon père avait une vingtaine de vaches. J’ai grandi en symbiose avec la nature. Ce n’était pas toujours facile car nous vivions un peu en autarcie. Nous regardions peu la télé, à part les nouvelles à 19 heures, un moment sacré. On ne partait pas non plus en vacances. Alors nous jouions aux cow-boys et aux Indiens dans les bois alentour. L’un des seuls divertissements, c’était la fanfare dans laquelle mon père jouait.» Chaque membre de la famille s’est donc mis à pratiquer un instrument de musique, histoire de tromper l’ennui. «Catherine a fait de l’accordéon, Evelyne du piano, Jean-Luc de la trompette, et moi je me suis mise à la guitare classique. Je n’en fais plus, mais la guitare est toujours là», raconte-t-elle, un brin nostalgique. Très vive, sa mère faisait partie du chœur mixte du village, maîtrisait l’accordéon et l’harmonica. «Je me souviens qu’en prévision de la Bénichon et des bals au village elle nous a appris les pas de la valse en prenant la porte comme partenaire!»

La vie à la campagne se révèle rude. «Après le petit moment délicieux du matin où l’on savourait un cacao et une tartine préparés par maman, je faisais un kilomètre à pied quatre fois par jour. En hiver, nous descendions en luge ou nous glissions sur nos skis en bois.» Aujourd’hui si spontanée et expansive, Charlotte Carrel a pourtant souffert de son extrême timidité: «J’étais sage et très renfermée. A l’école, je restais dans mon monde. Extravertie, ma grande sœur Catherine était l’inverse de moi. Elle a ouvert la voie en osant braver mon père pour aller au bal.»

Quel personnage, ce papa! «Il avait tout du patriarche, parfois enraciné dans son éducation villageoise, réfractaire à tout ce qui bouleversait l’ordre établi», confie Charlotte Carrel. Une anecdote? «Il ne voulait pas que ma mère nous parle en suisse allemand car il ne comprenait pas tout et souhaitait contrôler ce qu’elle nous disait. C’était tout lui! Heureusement ma mère amenait l’équilibre. Elle a toujours été très ouverte avec nous. Mais elle ne badinait pas avec l’ordre et la propreté: faire nos devoirs, nous lever le samedi matin pour ranger et nettoyer nos chambres...» Charlotte se rappelle aussi avoir travaillé, tout comme ses sœurs, pour acheter son premier vélomoteur, passeport pour la liberté. «Il n’était pas question que mon père nous en achète un! Alors j’ai décroché un job dans le Restaurant du Forgeron, à Avenches. Je m’occupais des chambres, lavais la vaisselle, et je me suis liée d’amitié avec les patrons», sourit-elle à l’évocation de ces souvenirs aux contours impressionnistes.

Un séjour rock’n’roll

La musique a vite pris ses quartiers au cœur de la vie de la directrice de Rock Oz’Arènes. Dans sa chambre d’ado, décorée de posters d’artistes et de musiciens, elle poussait à fond le son de son tourne-disque. «Moins fort!», criait mon père. Mais, dans sa tanière, Charlotte n’en faisait qu’à sa tête. «Mon premier 33 tours? Deep Purple: déjà du rock.» Mais elle écoutait aussi la collection de 45 tours offerte par son parrain Serge: «Claude François, Sheila, Polnareff...» Et elle chantait Brel à la guitare. «Des années après, quand j’ai convaincu mon père de venir à Rock Oz’Arènes, c’était pour écouter Deep Purple. Cela représentait un souvenir d’enfance entre nous… Depuis, il est revenu chaque année.»


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A 19 ans, elle prend la clé des champs et s’envole pour Londres. «Je n’ai pas demandé la permission. En fait, j’aurais voulu faire des études ou une formation de laborantine, mais ma famille n’avait pas les moyens et, après un CFC dans une usine de métallurgie, j’avais soif d’indépendance. Mon père ne comprenait pas mon désir, mais ma mère a insisté. Comme mon patron, à l’usine, souhaitait que j’apprenne les langues, c’est lui qui a payé mon billet d’avion. Puis je me suis débrouillée pour être fille au pair.» Là-bas, c’est le déclic. «Je me suis libérée. J’ai pris le goût des voyages et des concerts, s’enflamme Charlotte Carrel. C’était la période punk. Je suis revenue plus d’une année après avec un piercing dans le nez et des ongles peints en noir. Je n’avais plus peur de rien. Londres m’a insufflé le goût de la révolution, même de l’anarchie. J’étais devenue une rebelle. Il m’a fallu longtemps pour réapprivoiser la Suisse. Tout cela m’a beaucoup appris. J’ai compris qu’il faut savoir donner de soi pour recevoir et je me suis fait de belles amitiés qui m’ont construite. Mes parents m’ont inculqué le sens de la famille, du travail. Des valeurs que j’ai envie de transmettre à mes trois enfants.»

Rock Oz’Arènes: Du 3 au 7 août 2016 (Stephan Eicher, Bastian Baker, Robert Plant, Emir Kusturica, Zazie, HF Thiéfaine…).

Questions d’enfance

Une odeur d’enfance Celle du lait frais à la ferme: une odeur tiède qui m’écœurait.

Un jouet fétiche Vers mes 6 ans, j’ai reçu une poupée noire qui s’appelait Clarisse, prénom tiré du livre «La case de l’oncle Tom».

Votre premier amour J’en ai eu deux! L’un s’appelait Daniel et nous étions en compétition à l’école primaire. L’autre, Ivan, je l’ai connu au collège. On avait 13 ans et on se faisait un bisou quand on allait au ciné.

La phrase que l’on vous répétait et qui vous agaçait «Si tu veux faire des études, tu ne sortiras pas», disait mon père.

Un légume détesté Je n’aimais pas les épinards, alors je les gardais dans ma bouche et je les recrachais en sortant de table.

Vos premières vacances A 9 ans, chez ma tante Josiane à Lausanne. On allait à la Voile d’Or et à la piscine de Bellerive. Mes parents, à la ferme, n’avaient pas de vacances.

Enfant, de quoi aviez-vous peur? Du noir! Dans une ferme, il y a plein de craquements et de souris au galetas. Je dormais avecune lampe de poche.

Charlotte Carrel, à 35 ans, et ses enfants: Bryan, 7 ans, Keyne (à g.) et Méredith (à dr.), faux jumeaux de 6 mois.
Sa maman, Clairette (à g.), et son père, Hubert (à dr.), encadrent toute la famille.
Le jour de sa première communion, avec sa marraine Josiane et son parrain Serge.
«La ferme de notre enfance, où mes parents vivent toujours.»

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