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Malgré le froid de canard qui règne dehors, l’ambiance est d’emblée chaleureuse lorsqu’on pénètre dans l’ancienne maison de cheminots devenue celle de Céline Dreveton. C’est dans cet espace réparti sur quatre étages et situé sur les hauts de Renens dans l’Ouest lausannois, qu’elle a fait son nid douillet avec sa famille. Et quand on dit «faire», c’est au propre comme au figuré. A 34 ans, cette Ardéchoise d’origine a la fibre bricoleuse.

Ses outils, ce sont ses mains. Son dada, la matière sous ses multiples formes. La doudoune et les moufles enlevées, on sent tout de suite que l’habitation a une âme. «Ma prochaine envie, c’est de faire parler la maison!» lâche Céline en m’invitant à passer au salon me réchauffer autour d’un café fumant. «Je vais dessiner et écrire des phrases sur les murs», continue-t-elle. Elle me montre la cage de l’escalier qui monte au premier et fait un grand geste comme si elle avait un pinceau entre les mains. «Ça sera écrit bulle de quiétude, avec un poisson et des bulles évidemment.» Je fixe le mur nu et essaie d’imaginer. Céline la décrit comme si elle l’avait devant les yeux. Le ton est donné, la rencontre sera créative.

La déco, c’est elle

Engourdi par le froid, le chien Zoulou profite de la chaleur de la cheminée dans le salon à la déco végétale. «Le vert avec des pointes de vieux rose, c’est mon envie du moment», explique Céline. Feuilles dessinées sur une paroi, poteaux en bois et parasol décoratifs, peintures, fleurs en fil de fer et papier… Tout est fait par Céline. Ou presque, puisque tous les membres de la famille ont de près ou de loin la fibre créative. «Mon compagnon est graphiste, ses deux filles suivent des études artistiques et Lynn, ma fille de 7 ans, adore bricoler.» Je regarde autour de moi: pas trace de dessin d’enfant ou de sculpture en pâte de sel. «Ne cherchez pas, Lynn a son univers, mais dans sa chambre.» Elle sourit, avant de continuer: «La déco change souvent dans le salon. On choisit l’ambiance, les thèmes. Enfin, quand je dis on… Disons que mon compagnon m’aide à déplacer les meubles.»

On l’aura compris, la déco familiale, c’est Céline. Et l’espace fait presque showroom tellement il y a de créations maison. «Il faut bien que je montre mes prototypes aux élèves, non?» Partageuse, elle ouvre en effet son salon à des cours un week-end par mois. «On pousse les meubles et les tapis, et on installe deux grandes tables autour desquelles l’imagination est reine. Chaque participant reçoit un tablier, c’est psychologique, ça aide à créer! Et en cas de panne d’inspiration, hop, un tour sous le parasol. L’ambiance est magique», s’enflamme celle qui affirme ne pas pouvoir créer sans le contact et l’émulation d’un groupe. Ses moteurs pour ne jamais caler? «La création et l’humain.»

Je fais ce que je veux

Vouée aujourd’hui au papier, la passion de Céline ne s’est pas improvisée du jour au lendemain. Son truc, c’est les matières. «A 12 ans, ma mère m’avait inscrite à un cours de poterie. Et très vite, à la maison, j’ai fabriqué des chablons que je prenais ensuite au cours», explique Céline en me tendant une tasse en grès qu’elle avait réalisée alors. Carré, structuré, l’objet ne colle pas avec la personnalité chaleureuse et enjouée de mon interlocutrice. «C’est mon côté matheux, je suis très pragmatique!» Elle me raconte sa formation scientifique, ses parents qui ne reconnaissaient pas la voie créative comme une option à envisager pour leur fille. Elle non plus d’ailleurs. Elle fera un bac scientifique et une formation de gestion à l’école supérieure de commerce de Grenoble.

Des regrets? «Aucun. Posséder ces bases de gestion, c’est très important pour moi qui suis devenue indépendante. Vous savez, j’ai eu de «vrais» métiers avant de me lancer dans la décoration d’intérieur, raconte-t-elle. Mais d’aussi loin que je me souvienne, je fais ce que je veux. C’est d’ailleurs une de mes devises depuis ce jour d’enfantine où je l’ai affirmé à ma maîtresse qui n’a pas apprécié…» Même lorsqu’elle travaillait dans de grandes entreprises, elle se créait un mode de fonctionnement parallèle pour atteindre ses objectifs. Céline… une sorte d’électron libre qui va où son imagination la porte tout en gardant les pieds sur terre.

A 14 ans, elle se pique pour le tissu. Elle doit confectionner un costume de Dupont et Dupont pour sa sœur, alors qu’elle n’a jamais touché une aiguille…Mais les défis, Céline adore! «Finalement, c’était facile, carré, un peu comme les maths», lâche-t-elle. Logique. Elle s’embarque alors dans la réalisation d’écharpes qu’elle baptise puis vend sur les marchés du coin. Avant même le premier coup d’aiguille, elle voit déjà le projet final: des écharpes, une marque, voire un prix à l’unité. Une entreprise à elle toute seule. Entre 16 et 18 ans, avec la machine à coudre de sa grand-mère, elle s’amuse aussi à se confectionner ses habits… Quand on est doué de ses dix doigts, pourquoi s’en tenir à une seule spécialité? Céline explore, découvre, s’émerveille, papillonne… avant de se fixer sur le papier. Avec des luminaires d’abord, puis des fleurs et du fil de fer ensuite. Elle teste, partage, stocke. Sa prochaine envie? Le métal. «Mais je me vois mal installer mon arc à souder à la maison…»

Seule, mais blindée d’amis

Suite logique dans son parcours atypique, elle lance le salon Unicréa à Nyon il y a huit ans. Un espace tout entier dédié aux créateurs, une centaine. Et l’occasion de découvrir de nouveaux horizons, tant pour le public que pour elle. Un succès qui se décline en deux éditions annuelles. «Du 3 au 6 mai 2012, au château de Morges, ça sera la 13e... et comme chaque année, je me demanderai si je continue. Je fonctionne à la carotte!»

Pour se booster, elle se nourrit des retours du public et des rencontres originales qu’elle organise dans des châteaux romands (ceux de Penthes, de Coppet, de Morges et d’Yverdon-les-Bains notamment). Les créateurs plébiscitent ces événements où elle fait exploser les codes. La déco se fait audacieuse, le public participe aux défilés de mode, les participants deviennent des amis… Un succès qui lui vaut de créer l’an dernier l’Espace Créateurs du Comptoir suisse. De l’emplacement des stands aux pires imprévus Céline gère tout et elle aime ça. Mais elle le fait seule. Toujours. Tout comme la sélection des dossiers des exposants. Justement, au même moment, son compagnon lui tend une enveloppe…«C’est un dossier d’inscription!» me lance Céline avec les yeux qui pétillent. Elle trépigne. Elle est curieuse de tout. Elle se reprend et me déclare: «Je travaille seule, mais je suis blindée d’amis.» Car la brico, c’est ça aussi: avoir des amis sur lesquels compter et qui sont de toutes les combines, comme de jouer les hôtes et hôtesses d’accueil à Unicréa. De tous les déménagements aussi. «Depuis le temps qu’ils me connaissent, ils ne me posent plus de questions quand ils transportent mon matériel… Ils portent et ne cherchent plus à comprendre!» Et elle éclate de rire.

Je comprends mieux pourquoi lorsqu’elle m’emmène au sous-sol, dans un petit local: son antre. Sur une petite dizaine d’étagères en bois trônent sphères, enrouleurs, peintures, affiches, bustes, fil de fer, cartes postales…Tout se garde, tout se recycle. Du bric à brac, mais organisé à coup de classeurs fédéraux qui, tous, portent le nom d’un projet. «Quand un classeur est plein, l’idée est aboutie.» Et vu la pile de classeurs en attente, des projets, elle en a. Elle marque un temps d’arrêt pendant que je farfouille des yeux sa caverne d’Ali Baba du bricolage. «Je ne dors pas beaucoup la nuit, je cogite, je peaufine mes projets, je relativise… Je cherche encore la prise pour me débrancher!» Tout à coup plus posée, Céline raconte qu’elle aime aussi rester seule, parfois. Pour écrire notamment. Avec, toujours, un projet à la clé. Etre publiée peut-être. Ou alors, si ça ne marchait pas, imprimer le tout et le distribuer à ses amis, juste pour les faire sourire.

Une vie bien remplie...Qu’elle souhaite très longue. «Je me vois très vieille, vivre sur une péniche et faire des gâteaux. Les jeunes viendraient «chez mémé» pour le goûter et me parleraient de leurs peines de cœur…» Pas de création sans partage.

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