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Quel sourire! C’est la première réflexion que l’on se fait lorsqu’on la rencontre. Une mine bronzée, des dents resplendissantes de blancheur, un T-shirt violet, des cheveux blonds délavés au soleil. Un portrait presque estival, mais Géraldine Fasnacht rentre en fait d’Antarctique: «Un véritable paradis blanc! J’y ai accompagné des gens qui voulaient toucher la glace, la voir et aussi observer des manchots dans leur milieu naturel.» Elle décrit cette région comme une terre vierge de toutes remontées mécaniques, comme un continent grand comme l’Europe comptant tant de montagnes qui ne se sont pas encore laissées rider. Son regard pétille, ses mains s’activent. Mais la Vaudoise qui vit entre Verbier («mon berceau, mon chez-moi. Tout a commencé là-bas pour moi») et Chamonix («chez Sam, mon homme») n’est pas là pour parler de ses aventures de sportives, de ses succès de snowboardeuses (onze compétitions internationales, dont trois fois l’Xtreme de Verbier), de ses films sur ses exploits en base-jump.

Elle est là pour parler d’elle. Pour se livrer. «Oui, ce nouveau documentaire One Step Beyond, c’est ce que je n’ai jamais montré. C’est intime. On pense facilement de moi que j’ai une vie de rêve. Et c’est vrai en partie. Je suis heureuse aujourd’hui. Je vis de ma passion. C’est sûr, c’est une chance. Je me suis surtout donné cette chance. Je suis comme tout le monde. La vie m’a réservé des coups durs. J’ai dû faire des choix, importants parfois. Comme le jour où j’ai quitté mon travail que j’adorais à l’aéroport de Genève pour tenter ma chance en compétition de snowboard. J’avais 21 ans. J’aurais pu me planter. Mais il fallait que j’essaie. J’ai tout plaqué pour le snowboard. Ce documentaire raconte aussi qui je suis aujourd’hui. Pas juste une femme qui saute ou qui vole depuis des falaises, pas juste une femme qui dévale des pentes raides et saute des rochers en snowboard. Il y a aussi la Géraldine d’aujourd’hui.»

Et, le silence. Comme un recueillement. Avant qu’un éclatant sourire ne balaie tout. «Il y a mes parents dans ce documentaire. Surtout ma maman. Elle est très importante dans ma vie. Elle a suivi mes choix. Elle a été là quand j’allais mal. C’est aussi la première personne que j’appelle lorsque j’atteins le sommet d’une face. Ou lorsque je n’y suis pas arrivée pour des raisons climatiques, de sécurité ou autre. C’est ma maman, ma meilleure amie, ma confidente!» La jeune femme de 31 ans évoque aussi ses proches qui l’ont aidée dans les moments durs, mais qui l’ont fait rire aussi, qui partagent sa vie tout simplement.

Les mots s’embrouillent alors. Pour évoquer ce qui la touche profondément, elle utilise beaucoup le mot «chose», comme un rempart à un vocabulaire trop émotionnel. Elle hésite, se rebiffe, le regard ne cille pas habitué à appréhender la rudesse de la montagne, de la nature vierge. C’est la voix qui se fait hésitante, les mains qui s’immobilisent. Elle sait qu’elle aborde le décès de son frère (ndlr: en l’an 2000 lors d’un accident routier. Il avait 8 ans.) et de son mari, le guide de montagne Sébastien Gay (ndlr: le 30 décembre 2006, lors d’un accident de speedflying), comme des événements traumatisants. L’instant de respiration profond passé, Géraldine s’immerge dans un bonheur touchant: c’est que parler des absents, c’est continuer à les faire vivre! «Grâce à eux, j’ai compris plein de choses. J’ai eu la chance de partager une partie de leur vie. Très courte. Trop courte. Mais c’est d’avoir partagé leur vie qui fait aussi que je suis là, debout, aujourd’hui. Après des accidents aussi violents, on en veut à la terre entière et on est complètement fermé. J’avais la haine contre tout. Au fur et à mesure que j’ai réussi à accepter ce qui arrivait, j’ai fait le choix de vivre leur absence le mieux possible. Je préfère voir leur mort comme une force que comme une défaite ou comme un poids.

Pour revenir au film, il y a aussi mon mari, Sam Beaugey. Nous nous sommes mariés l’été passé. C’était magique: on était pieds nus, sur une plage au bord de l’eau, à Sainte-Marie. L’île se trouve tout près de Madagascar. Les baleines viennent y mettre bas. Un ami y séjourne et s’occupe de leur recensement. J’ai souvent parlé de cet endroit avec Sam. Et quand on a parlé mariage, je lui ai dit que je voulais quelque chose d’intime. Je ne pensais pas me remarier un jour et je ne voulais pas d’une grande fête comme avec Sébastien. Du coup, on est parti là-bas et on s’est dit oui en regardant les baleines faire des sauts hors de l’eau.»

La magie opère. La gravité aussi. Géraldine est tiraillée. Elle dit avoir de la chance d’avoir pu rencontrer deux hommes extraordinaires alors que certaines personnes cherchent l’âme sœur toute leur vie. «Je me rends compte que je parle souvent et beaucoup de Sébastien avec Sam. Il a été présent dès le début de notre relation. Lorsque je l’ai rencontré, je me suis même interdit de me laisser aller à son contact. Comme il est guide aussi, je ne voulais pas partager la montagne avec lui. Je ne voulais plus la partager du tout! Mais bon, j’ai réalisé que j’avais le droit d’être heureuse à nouveau. Alors, Sébastien, Sam et moi, on vit bien à trois!» lance-t-elle dans un grand éclat de rire.

Solidement ancrée dans son présent, elle est avide de contacts avec ses proches, au point de beaucoup les solliciter, d’avoir un besoin viscéral de les sentir près d’elle. «J’ai toujours peur de les perdre prématurément.» Les coups durs l’ont changée. La compétition, c’est fini. «Je veux vivre la montagne quand elle est prête et quand j’en ai envie et plus avec un dossard sur le dos quand on me dit de le faire.» Elle rêve d’aventures, d’espaces libres, d’animaux dans leur milieu naturel. De bébé? Elle s’arrête. «Je ne sais pas s’il y a de la place dans ma vie pour un bébé. Pour l’instant. Je suis une fille, alors, ça viendra. Je n’y pense pas.»

Sa nouvelle passion, qui ne se substitue pas à celle de la glisse, mais s’y ajoute, c’est voler. Une nouvelle forme de liberté, mais aussi d’élégance pour elle. Parce que si elle n’est pas prête à passer une heure le matin à se pomponner avant d’aller rider, elle s’avoue coquette et son élégance à elle se trouve dans les lignes et les courbes qu’elle trace en l’air ou dans la neige: «Je vais toujours chercher la ligne parfaite qui va épouser la montagne. PourOne Step Beyound, j’ai d’ailleurs voulu travailler avec Sébastien Montaz parce qu’il sait très bien percevoir l’élégance du mouvement dans le snowboard, le basejump et lewindsuit. Et c’est ce que je cherchais. Quelqu’un capable de transposer cette recherche de la courbe parfaite dans un film.»

Géraldine Fasnacht présente «One Step Beyond» à Delémont le 8 mars 2012, La Chaux-de-Fonds le 15 mars, Sion le 21 mars, Lausanne le 28 mars, Châtel-Saint-Denis le 4 avril. Toutes les infos pour y assister sont détaillées en page 18 du magazine Femina du 5 février 2012.

Catherine Gailloud/Maquillage et coiffure: Malika Staehli
1 / 1© DR

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