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Bashing: pourquoi on flingue autant les people?

Bashing: pourquoi on flingue autant les people?
© Getty

L’année passée a été rude pour les people. Un vrai jeu de massacre. Et on ne vous parle pas ici des regrettés Bowie, Carrie, Prince et consorts, mais de personnalités bien vivantes. A les entendre, elles ont dû faire face à des assauts médiatiques qui ont tourné à l’acharnement. Dernier exemple en date? Le concert (ou tentative de concert) du Nouvel-An à New York, donné par une Mariah Carey complètement perdue sur scène. Ce qui est unanimement présenté comme un désastre a régalé les médias comme les langues de V.I.P du web. Et elles pullulent: «2016 a fait sa dernière victime: la carrière de Mariah Carey», ont twitté des spectateurs.

Par la grâce des réseaux sociaux triomphants, ces attaques font désormais le tour du monde en temps réel, entraînant dans un même tourbillon Los Angeles, Lagos ou Tolochenaz. C’est précisément cette escalade qui rend médias et commentaires toujours plus acerbes, mordants, estime Graeme Turner, professeur à l’université australienne du Queensland, spécialiste en information et culture du net. «Des sites, comme l’américain «TMZ», qui attire 25 millions d’internautes par mois, ou le britannique «Daily Mail», qui en recense 15 millions, sont spécialisés dans les histoires nuisibles et humiliantes. Ils mettent la pression sur les médias traditionnels qui se comportent eux aussi de plus en plus en prédateurs. Mais le véritable changement vient du rôle joué par les médias sociaux.

Ils élargissent le champ des commentaires et des histoires jugées acceptables, ils amplifient ensuite leur écho à travers la sphère publique. C’est comme si nous n’avions plus aucun problème à insulter de parfaits inconnus dans la rue.

Des cibles idéales

Et les personnalités publiques constituent un terreau idéal pour ce genre de phénomène. D’abord parce qu’elles ont tendance à court-circuiter le système journalistique en s’adressant directement à leurs fans. «D’un côté, les people sont de plus en plus nombreux à prendre leur communication en main, en la professionnalisant», détaille Annik Dubied, directrice de l’Académie du journalisme et des médias à l’université de Neuchâtel. «De l’autre, ils font face à une multitude de sites, de blogueurs, de YouTubeurs, de publications extérieures qui n’appliquent pas forcément les standards journalistiques.» Le ton est alors volontiers plus critique. «D’autant que les people sont précurseurs et révèlent des tendances fortes», continue Annik Dubied. «Il est par conséquent plus facile de s’adresser directement à eux, puisque par définition, ils cristallisent l’attention sur eux-mêmes, leur apparence, ce qu’ils font. D’où des attaques forcément personnelles qui sont le revers de la médaille de ceux qui tendent, ou prétendent, s’adresser directement à leurs fans.»

Autre spécialiste des célébrités et des réseaux sociaux, l’Australienne Jackie Raphael, qui enseigne à l’université de Curtin, à Perth, parle de «saturation médiatique. Les médias traditionnels doivent rivaliser avec les médias sociaux. Il n’est donc pas étonnant que certains titres tentent de faire le buzz ou de se focaliser sur une histoire négative pour attirer les lecteurs. Même si cela pose évidemment de nombreux problèmes éthiques.» Il est certain que «l’accès aux célébrités est plus direct que par le passé. Les paparazzis peuvent désormais prendre des photos avec un smartphone. Du coup, alors qu’auparavant les gens achetaient un magazine pour savoir ce que portent les stars, les réseaux sociaux offrent l’info immédiatement et gratuitement.» Reste que les dérapages actuels vont bien au-delà de la garde-robe.

Bien sûr, insiste Graeme Turner, la capacité à exprimer et faire circuler des avis haineux, voire violents, a rendu ce milieu plus méchant. Dans les années 40 et 50, Hedda Hopper, la reine des échotières américaines, était vache, mais elle n’était ni haineuse ni injurieuse. Sa critique des stars était morale en quelque sorte et les célébrités connaissaient ses règles.

Une Suisse assagie

Virginie Spies, sémiologue des médias et maître de conférences à l’université d’Avignon, nuance cependant le tableau en rappelant les fortes différences culturelles qui séparent - encore - la presse hexagonale des sites anglophones, bien plus agressifs. «Nous sommes habitués à plus de gentillesse, les infos ici sont moins trash.» Une sagesse plus sensible encore en Suisse, où, selon les termes d’Annik Dubied, «la couverture médiatique des people reste un champ calme et très régulé». Ce qui s’explique selon elle par une culture de la non-transgression et un respect de la vie privée bien plus fort qu’en France voisine par exemple où, il est vrai, des personnalités ont effectué un gros travail de lobbying auprès des instances européennes pour renforcer la législation. Si transgression il y a, elle se fera «sur des personnalités extérieures à la Suisse. Les médias prendront bien plus de libertés avec un Brad Pitt, qui ne va pas venir vérifier ce qui s’écrit sur lui ici, qu’avec une personnalité du coin», conclut la professeure neuchâteloise.

Effectivement. «On ne va pas tout d’un coup verser dans le vulgaire et le boulevard. Ce n’est pas notre ADN», réagit Michel Jeanneret, rédacteur en chef de «L’Illustré». «Le people prend de l’intérêt lorsqu’il y a derrière une dimension sociale, ou en tant que vitrine de nouvelles tendances. La manie des selfies, par exemple, cela dit quelque chose de notre société. Dans ce cas, on fait du people, mais sérieusement. De manière générale, et paradoxalement, je dirai que la Suisse s’est assagie dans le traitement médiatique de ses people.»

La Canadienne Elaine Lui, qui parsème son blog, «Lainey Gossip», d’anecdotes croustillantes ou de scoops dont les personnalités hollywoodiennes ne sont pas nommées, rejette elle aussi l’idée d’un traitement toujours plus vitriolique:

Autrefois, des gens comme Walter Winchell ou Hedda Hopper pouvaient réellement détruire la carrière d’une star. Personne n’a ce pouvoir aujourd’hui.

Si elle reconnaît que «tout le monde devrait utiliser les réseaux sociaux de manière plus responsable», elle souligne également que les célébrités reçoivent désormais l’adulation par voie directe. Et que certaines maîtrisent à la perfection ces nouveaux outils. «C’est pour cela que je ne parle jamais des Kardashian. Elles ont tout compris, elles sont les marionnettistes de leur propre histoire. Il n’y a aucun mystère, il ne sert à rien de spéculer sur elles.»

A l’instar de Kim Kardashian, les stars ont pris conscience des avantages apportés par les réseaux sociaux. En corrigeant des citations incorrectes, en fustigeant des blogueurs indélicats, voire en réglant leurs comptes entre elles. Et bien sûr, en grillant la politesse aux médias. «Elles ont plus de contrôle sur leur image, relève Jackie Raphael. L’actrice Catherine Zeta-Jones, par exemple, s’est fait prendre en photo en bikini par son époux, Michael Douglas, et a posté l’image alors que des paparazzis étaient en train de la pister.» «Les people sont devenus les community managers de leur propre existence», résume Virginie Spies.

Les femmes plus attaquées

Un pouvoir certes, mais à double tranchant, insiste Graeme Turner. «Les réseaux sociaux leur permettent de jouer un rôle dans la création de leur personnage public. D’ailleurs, il existe des célébrités qui ont été créées via ce biais. Mais en se risquant sur ce territoire, elles alimentent et se rendent vulnérables à une surveillance encore plus soutenue.» Un élément semble mettre tout le monde à peu près d’accord: les stars les plus attaquées sont des femmes. «On peut dire que les réseaux sociaux sont un terrain fertile pour l’intolérance et les préjugés. Le sexisme n’est qu’une manifestation parmi d’autres de ces comportements alimentés par l’accessibilité et l’anonymat des réseaux», estime Graeme Turner. «N’oublions pas que la presse people est une presse de l’image, donc les jolis corps, la mer, la plage font vendre. Il faut noter également que ce sont les femmes qui achètent cette presse», avance Virginie Spies.

Jackie Raphael, elle, se contente de souligner que l’obsession médiatique autour d’une grossesse hypothétique de Jennifer Aniston est inexistante pour une star masculine comme Leonardo DiCaprio. Reste une question: quelle star fera la une en 2017? Pour Elaine Lui, ce sera «forcément Kim Kardashian, qui a disparu après ce qui lui est arrivé à Paris. Elle va revenir plus célèbre que jamais.» De fait, la star de télé-réalité a reparu récemment sur Instagram et des extraits de la future saison de «L’incroyable Famille Kardashian» circulent déjà sur le web…

Des stars dans la tourmente

Meghan Markle

En novembre 2016, un communiqué diffusé par le palais de Kensington dénonce «la vague d’insultes et de harcèlement» à laquelle a été confrontée la compagne du prince Harry, Meghan Markle, notamment «les attaques en une d’un journal national, les sous-entendus raciaux dans les articles d’opinion, ainsi que le sexisme et le racisme éhontés affichés par les trolls des médias sociaux et les commentaires en ligne.» L’actrice américaine est née d’un père d’origine irlando-hollandaise et d’une mère afro-américaine.

Amy Schumer

Une photo publiée par @amyschumer le

Dans son livre «The Girl With the Lower Back Tattoo», l’actrice américaine se plaint du slut shaming véhiculé par les questions des médias européens et australiens lors de sa tournée pour «Crazy Amy», qui lui a donné envie de «se doucher jusqu’à la fin de [ses] jours». La récente annonce de son casting dans le rôle de la poupée Barbie réactive le body shaming dont elle dit être régulièrement la cible.

Taylor Swift

Enclenchée en 2009, la guéguerre entre la chanteuse et le rappeur Kanye West est rallumée début 2016 par ce dernier via les paroles de sa chanson Famous: «I made that bitch famous» (c’est grâce à moi que cette salope est célèbre). Des mois durant, les deux camps se renvoient accusations de mensonges et de manipulation sur les réseaux sociaux. L’épouse de Kanye, Kim Kardashian, s’en mêle avec une interview au magazine «GQ» avant de diffuser un enregistrement à charge contre Swift sur Snapchat. Médias et fans s’en donnent à cœur joie. La petite chérie de l’Amérique se voit également accusée d’avoir trop bien mis en scène sa romance estivale avec l’acteur Tom Hiddleston. Twitter se gausse avec le hashtag #hiddleswift.

Jennifer Aniston

Dans une tribune diffusée par le «Huffington Post», largement reprise par la presse internationale, l’actrice dénonce le harcèlement dont elle fait l’objet depuis des années suite à des articles spéculant sur son poids et une hypothétique grossesse. «Que les choses soient claires: je ne suis PAS enceinte. Et j’en ai ASSEZ. Assez d’être épiée et d’être la cible de body shaming sous couvert de journalisme et de rubrique people», écrit-elle. Même si, soulignent certains commentateurs, Aniston est une productrice influente dans l’industrie hollywoodienne du paraître.

Amber Heard

En ouvrant une procédure de divorce contre Johnny Depp et en diffusant les images des blessures qu’il lui aurait infligées, l’actrice ouvre la voie à un déluge de commentaires haineux et une vague de soutien people en faveur de l’acteur (l’ex-Vanessa Paradis et leur fille Lily Rose, le réalisateur Terry Gilliam, l’acteur Paul Bettany…) Accusée d’être une croqueuse de diamants et une menteuse, Amber Heard ne calme que vaguement la vindicte populaire en promettant de reverser les 7 millions de dollars du divorce à des associations caritatives.


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