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Une tenue noire et sobre, des baskets. Puis un chocolat chaud, et une voix douce, presque en sourdine.

Premier constat - très - bête en la rencontrant dans un café près de la gare Cornavin, à Genève: Annick Ecuyer, c’est avant tout une femme. Comme les autres. Même si certains préfèrent ajouter l’adjectif transsexuelle à sa suite, histoire de faire une différence. Elle ne l’utilise pas, lui préfère le terme de transgenre, moins chargé. Conseillère municipale à Genève, tout à gauche de l’assemblée comme ses parents avant elle, elle a fait de son identité un combat. Cela paraît simpliste, mais même en Suisse, en 2018, sortir de la norme et s’afficher demande un brin de courage.

Assumée sans être fière, Annick Ecuyer porte désormais au sein du délibératif genevois la voix des minorités. Celle des femmes, des étrangers, de la communauté LGBT.

Ce n’est pas impossible

Flash-back. A cette époque, Caitlyn Jenner ou Laverne Cox n’ont pas encore fait parler d’elles, et les exemples de personnes transgenres dans les médias ou le cinéma sont pour la plupart caricaturaux, moqueurs. Petite, Annick porte alors un prénom masculin et tout ce qui va avec. Mais quelque chose cloche. Faute d’exemples, autour d’elle ou au-delà, elle ne met toutefois pas tout de suite le doigt sur ce qui se trame, et continue à jouer le rôle qu’on lui a attribué à la naissance. Celui du garçon.

«J’ai commencé à me poser des questions sur mon genre à l’école enfantine, je crois. Je jouais avec les filles, qui me semblaient plus accessibles. Mais pour me faire des copains, forcément, j’ai essayé de m’acclimater.»

Bien plus tard, elle découvre qu’elle n’est pas seule à éprouver le même genre de sentiment. Surtout, elle comprend que ce dont elle rêve n’est pas impossible. Le parcours est compliqué, semé d’embûches, de médecins pas forcément tous compréhensifs, d’expertises psychiatriques parfois humiliantes, mais pas impossible. «Il y a beaucoup à faire pour améliorer la prise en charge durant la transition, souligne-t-elle. Il manque notamment une structure de référence, tout se fait par bouche à oreille. De l’épilation à la conservation des gamètes, on doit tout découvrir par nous-mêmes.»

Elle a aussi souffert, sur injonction du psychiatre qui l’a accompagnée, d’avoir eu à vivre dans le genre souhaité. «Quand on n’a pas encore commencé le traitement hormonal, c’est quelque chose de dur, de violent. Surtout qu’il y a plein de manières d’être une femme transgenre, comme il y a plein de manières d’être une femme. On m’a reproché de ne pas porter de jupe, ou de ne pas assez me maquiller, c’est dire.» Sans parler de la précarisation – impossibilité de trouver un logement, perte de job – que le changement de sexe entraîne trop souvent.

Valentina Sampaio, mannequin transgenre en une de Vogue Paris

Mais en évoquant sa propre transition, Annick estime – avec un peu de recul tout de même – avoir eu de la chance. Une transition qu’elle a vécue comme une deuxième puberté, à la seule différence que cette dernière a été choisie. Puberté: un terme qui revient d’ailleurs souvent dans le vécu des personnes ayant changé de sexe. «Notre corps change, on se reconnecte à nos sens.»

Rester visible

Si sa transformation a officiellement débuté il y a 3 ans, elle est, aujourd’hui, toujours en train de redéfinir son confort, ses limites. Jupe, robe, maquillage… elle est en phase d’adaptation. «Certains pensent que pour changer de genre, il suffit de prendre des hormones, d’entrer à l’hôpital et hop c’est fait. Mais ce n’est pas si simple.»

Outre les changements corporels, la jeune femme a aussi dû passer par la case administrative. Devant l’Office cantonal de l’état civil notamment, afin d’acter cette importante étape dans sa nouvelle vie. Une procédure «opaque et chère», selon ses termes.

«Aujourd’hui, je m’appelle légalement Annick. Mon ancien prénom, c’est un peu celui d’un ex, celui duquel on s’est séparé. Il fait partie de mon passé, et je ne veux plus l’entendre.» Plus le lire non plus, que ce soit dans la presse ou sur ses documents d’identité.

Dans le spectre des phobies, la transphobie, ici comme ailleurs est une triste réalité. Alors quand on veut changer de sexe, d’habitude, on se montre plutôt discret. On attend d’être bien installé dans son nouveau genre avant de se mettre en avant. Mais pas Annick. «J’ai décidé de rester visible, de profiter même de cette visibilité pour évoquer la question trans sur la scène publique. Mon corps est politique, être trans ce n’est pas - encore - anodin.» Désormais, comme elle le dit elle-même, elle vit à plein-temps dans la peau d’une minorité.

Son actu Elle est entrée au sein du Conseil municipal de la ville de Genève en fin d’année dernière et se présente ce printemps à la course au Grand Conseil du canton sous la bannière d’A Gauche toute.

Son don inattendu «J’ai des sens très développés! Et je peux vous dire que ce n’est pas toujours évident, surtout dans un contexte urbain.»

Sur sa shame list «Ne pas avoir l’énergie de faire tout ce que je voudrais faire… et je suis chaotique, je m’organise toujours à la dernière minute. Bon, après je compense en improvisant facilement!»

Ce qui la dope «Les échanges avec les autres. C’est comme ça que je progresse, en remettant mes convictions en question, parce que je n’ai pas la science infuse. Ah, et je suis curieuse de tout.»

Mon mari est attiré par les transgenres

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