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Le #JobDeRêve de Vanessa Riera, costumière de «Ma Vie de Courgette»

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Vanessa Riera est propriétaire de son Atelier Nolita depuis 2006.

© DR

«J’ai de la chance; les choses se sont toujours enchaînées plutôt facilement, au fil de mes envies.» Installée dans son «Atelier Nolita», Vanessa Riera emploie ces mots pour résumer son parcours. Ils sont bien choisis: son chemin professionnel se raconte avec fluidité, comme les étapes d’un scénario où tout était prévu d’avance.

Initiée à la couture et au tricot par ses grands-mères et sa maman, à l’aurore de sa vie, la jeune femme s’y attache naturellement, comme on se lie à une tradition familiale. Travailler le textile, c’est d’abord un hobby, une passion qui s’invite dans le quotidien et qui ne l’a jamais quittée. Sa profession, en revanche, s’impose rapidement en tant que telle: cette grande sensible éprise de contact humain devient éducatrice, avant de se spécialiser dans les troubles psychologiques chez l’enfant et l’adolescent.

Hors de question, cependant, de laisser une casquette surplomber l’autre: les deux activités cohabiteront, s’alterneront et, subtilement, finiront même par fusionner.

L’Atelier Nolita, alias le monde de Vanessa

Dans l’arcade genevoise qu’elle possède depuis 2006, les plafonds sont hauts. Suspendues aux parois blanches veillent diverses créations et sections de textiles choisis avec minutie. A gauche, un grand miroir au verre flouté se vante d’un air «vintage» que s’arracheraient les Instagrammeuses. Sur la table trône une statuette à l’effigie de Courgette, dont il serait impossible de manquer la chevelure bleu électrique.

Au moment d’en devenir propriétaire, il y a près de onze ans, Vanessa travaille dans l’éducation spécialisée à 75%. Le reste de son temps sera consacré à l’ouverture d’une boutique multimarques, «Doudou & co», pour laquelle elle fabrique des gris-gris et d’autres petits objets empreints de tendresse. Travaillant à quelques pas de «La Tribune de Genève», la créatrice ne tarde pas à attirer l’œil curieux des journalistes, qui déposent régulièrement ses œuvres sur les pages de leur journal. C’est alors que ce qui se prête au destin (pour ceux qui y croient) se met en œuvre:

«Un jour, Claude Barras, qui avait vu mon travail dans la presse, est entré dans mon atelier. Il était sur le point de réaliser son premier film en stop-motion et il lui fallait quelqu’un pour faire les costumes. Je n’avais jamais fait ça, et lui non plus, mais il m’a assurée que nos univers pouvaient se rejoindre, et que tout irait bien.»

Intégrée à l’équipe du réalisateur valaisan, Vanessa participe à un, deux, puis trois films: «Courgette a explosé aux yeux du monde, mais il y a eu des choses avant», précise-t-elle.


© Atlelier Nolita / Jérémy Bachet

Il était une fois, un petit garçon nommé Icare…

Lorsque naît l’idée de ce long-métrage devenu incontournable, l’ampleur du travail qui l’attend n’effraie pas Vanessa: déjà trop occupée à chercher des solutions, elle ne prend pas le temps de considérer les problèmes: «J’ai même tendance à m’en rajouter, sourit-elle. Pourquoi faire un découpage de tissu lorsqu’on peut tout crocheter soi-même? J’avais envie de donner le meilleur de moi-même.»

Avant d’habiller les marionnettes, il lui faut sonder la personnalité Courgette (dont huit exemplaires ont été nécessaires pour le tournage), Camille, Alice, Ahmed… «Je les connais, ces enfants. Je sais comment il peuvent réagir.» Lorsqu’elle parle d’eux, on dirait que Vanessa s’imprègne de leurs caractères, reproduisant leurs gestes et même leurs voix. Son chouchou? Ahmed, qui l’attendrit, avec ses vêtements trop grands et ce doudou greffé à ses bras.

Comment réalise-t-on des costumes pour des personnages tels que ceux-ci? Après avoir lu le script (de 800 pages!) la jeune femme fait des choix de matières, de coloris, jette un coup d’œil à son armoire, découpe les anciens vêtements de son fils et travaille sur des figurines de résine fixe. Il lui faut penser à tout: aux doudounes, combinaisons de ski, moufles miniatures réalisées au tricot avec l’aide d’une habile professionnelle… un vrai travail d’orfèvrerie.

La vie après Courgette…

Tout habillé qu’il était, Courgette rencontre alors le succès. Un grand succès qui propulse le nom de Claude Barras sur les Unes des journaux. Et quand se termine la production, puis la promotion, d’un tel film, que fait-on?

«On était tous un peu orphelins de cette Courgette, admet Vanessa Riera. J’avais tout arrêté pour m’y consacrer pendant une année et il me fallait retrouver un rythme normal. On m’a ensuite proposé de réaliser les costumes pour le film d’animation "La femme-Canon", co-réalisé par l'illustratrice Albertine.»

Après la finesse souple d’Icare et de ses amis, il lui faut à présent travailler avec des silhouettes dotées de courbes… un vrai bonheur.

Le stop-motion et les marionnettes lui sont désormais familiers. Mais un nouveau challenge ne tardera pas à se présenter: peu après, on la contacte pour habiller les acteurs du film «La Preuve scientifique de l’existence de Dieu» de Frédéric Baillif, avec Irène Jacob. Et contrairement aux poupées de résine, les humains parlent, ont des goûts, peuvent désapprouver les choix de leurs stylistes... «Avec Irène, nous avons passé des heures au téléphone, à nous mettre d’accord sur les vêtements qu’elle porterait. Il fallait que je la rassure, car elle avait peur que ce que je choisissais ne lui irait pas. Et finalement, tout lui a plu.» Disons que les acteurs en chair et en os sont une autre paire de manches…

Trouver l’enfant blessé dans l’ado agressif

Aujourd’hui, Vanessa Riera ne ressent pas le besoin urgent de s’attaquer à un nouveau projet cinématographique. Ayant retrouvé sa profession première, elle a notamment animé des ateliers au Musée de Carouge, lequel consacre actuellement une expo à «Ma vie de Courgette». D’autres projets de la même nature sont d’ailleurs en cours, lui permettant de marier ses deux amours:

«J’aime les gens. J’aime les délaissés. Et du coup, j’aime beaucoup les adolescents: ils ne représentent pas une population particulièrement aimée, alors imaginez avec des troubles du comportement! J’aime aller chercher le gamin blessé qui se cache derrière l’ado agressif. Je veux respecter les gens pour ce qu’ils sont et me sentirais très mal dans ce monde si je ne faisais rien pour aider les autres.»

Vanessa évite de lire les journaux, car les horreurs qui sévissent dans le monde la heurtent trop. L’autre jour, raconte-t-elle, le hasard l’a fait croiser un jeune avec lequel elle travaillait dans le passé. Aujourd’hui, il va bien et a trouvé son chemin. «C’est un véritable bonheur de voir que j’ai pu contribuer, même un tout petit peu, à ce qu’il est devenu aujourd’hui.»

Bref, qu’il s’agisse de vrais adolescents ou d’orphelins en résine qui ont besoin de costumes, Vanessa met du cœur à les comprendre, à les aider, et à dénicher, parmi tous ces textiles, ce qui leur ira le mieux. Sans elle, Courgette n’aurait pas été tel que nous connaissons: et le vert lui va si bien.


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