culture
Rencontre avec Halldóra Geirharðsdóttir, une femme de combat(s)
Sous ses airs de petite prof de musique sans histoire, Halla cache bien son jeu. Car mine de rien, cette joyeuse quinqua est une activiste prête à tout pour défendre les Hautes terres d’Islande contre l’industrie de l’aluminium.
Aussi chaleureuse, passionnée, entière et engagée que le personnage d’Halla qu’elle incarne dans la tragi-comédie écologique «Woman at War» (voir ci-dessous), la fantastique actrice islandaise Halldóra Geirharðsdóttir l’admet sans chichis: cette quinqua qui part en guerre contre le gouvernement munie d’un arc et de ses convictions, c’est elle. Ou presque.
Halldóra Geirharðsdóttir incarne Halla, une espèce de Robine des Landes islandaise. Saisie YouTube
FEMINA Halldóra Geirharðsdóttir, qui est donc cette «Femme en guerre»?
Halldóra Geirharðsdóttir Quand l’histoire commence, Halla est une quinquagénaire pleine de vie et de volonté qui pense au futur de manière «globale». Prête à se sacrifier et à mettre son égo de côté au nom d’une cause plus grande, elle s’engage concrètement et n’hésite pas à prendre des risques. Mais voilà que parallèlement, sa demande d’adoption finit par aboutir positivement et dans sa tête, cet événement bouleverse toutes ses certitudes: que doit-elle faire, maintenant? Penser uniquement à «son» enfant et cesser toute action concrète pour éviter les problèmes ou continuer à œuvrer avec une vision plus générale, au risque d’être condamnée et mise en prison, et tant pis pour sa fille?
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En fait, tout le film tourne justement autour de cette question essentielle: sur quoi doit-on mettre l’accent quand on veut changer le monde?
C’est exactement ça. Depuis que je le connais, c’est-à-dire depuis l’adolescence, le réalisateur Benedikt Erlingsson se pose des questions à ce sujet. En gros: vaut-il mieux une action violente au retentissement international et qui risque de laisser un ou plusieurs individus sur le carreau ou se contenter d’un geste plus intime qui ne change la vie que d’une personne ou d’une toute petite communauté? Faut-il se comporter en extrémiste comme Halla ou favoriser la circonspection, la lenteur et l’équilibre des énergies comme sa jumelle (également incarnée par Halldóra Geirharðsdóttir, NDLR), qui redoute les effets «boomerang»?
Je trouve la problématique passionnante - ce d’autant plus qu’elle a un écho universel dans la mesure où tout le monde se demande comment agir face aux grandes questions de notre temps - qu’elles soient purement humaines, écologiques ou sociétales.
Halldóra Geirharðsdóttir est non seulement Halla mais aussi sa jumelle, une prof de yoga au caractère bien plus nuancé. Saisie YouTube
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Vous avez dit vous sentir très proche d’Halla…
Et je le suis pour beaucoup de choses, notamment en ce qui concerne ses préoccupations écologiques. Mais je suis beaucoup plus pondérée qu’elle et mon action n’a rien de terroriste… au contraire!
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C’est-à-dire?
Ma manière d’agir, c’est d’endosser des rôles qui me permettent de faire passer les messages que je trouve importants. D’ailleurs, je me produis régulièrement comme clown, ce qui me donne la possibilité de dire des choses parfois énormes, en toute innocence, comme le ferait un enfant de 5 ans!
Ça peut paraître futile mais… il suffit qu’une seule personne dans le public ait été touchée et sensibilisée par l’histoire que je raconte pour que des choses puissent commencer à changer dans sa vie, puis autour d’elle puis de plus en plus loin!
Par ailleurs, je pense que l’instruction est importantissime, alors je me fais un plaisir de donner une espèce de spectacle-cours d’introduction à la musique classique pour les enfants… de tous âges.
Vous êtes très connue comme actrice de théâtre et, depuis quelques années, vous explosez (littéralement!) au cinéma ou dans des séries télévisées. Où va votre cœur?
Il y a quelques années, je vous aurais dit «théâtre» sans hésiter. Aujourd’hui… je suis plus nuancée.
Halldóra Geirharðsdóttir est très connue en Islande comme comédienne de théâtre et clown. Saisie YouTube
Pourquoi?
Ce sont des expériences fondamentalement différentes. Au théâtre, vous répétez pendant des semaines puis, une fois que la pièce est lancée, vous arrivez deux heures avant le début du spectacle, vous rassemblez votre énergie, vous vous concentrez et vous devez être capable de tout donner au public, soir après soir. Or, avec l’âge, cette «poussée» devient de plus en plus épuisante.
A contrario, et même si je maîtrise absolument pas tout, le rythme «film» me donne le temps de méditer et de creuser mon personnage entre chaque scène si bien que je peux aller plus profondément en moi et en lui. C’est du réglage plus fin et j’aime ça!
«Woman at War» en quelques mots
Sous ses airs de petite prof de musique sans histoire, Halla cache bien son jeu. Car mine de rien, cette joyeuse quinqua est une activiste prête à tout pour défendre les Hautes terres d’Islande contre l’industrie de l’aluminium. Armée de son arc, cette Robine des Landes 2.0 sabote ainsi des lignes électriques et nargue les autorités. Au menu de cette saga écolo: de l’action, du sourire, des larmes, bref de l’émotion à l’état brut!
«Woman at War», Benedikt Erlingsson, Islande, 2018. Actuellement en salle.
